Un adolescent pervers et meurtrier accepte de suivre un traitement qui éliminera ses pulsions agressives… Avec cette plongée dans la violence où s’affrontent jeunes voyous et autorités de l’État, Stanley Kubrick dresse un tableau du monde futur aussi sombre et terrifiant qu’un tableau de Jérôme Bosch.
Réunis au Milk-Bar Korova, Alex et sa bande s’enivrent de drogue avant de se lancer dans une virée ultra violente. Après avoir tabassé à mort un clochard ivre, ils s’introduisent dans une maison, violent la femme et blessent grièvement le mari. Le lendemain, Alex est capturé par la police après avoir tué involontairement une autre victime. Incarcéré, l’adolescent sollicite le traitement Ludovico, une thérapie expérimentale destinée à éliminer les pulsions agressives. Guéri, dégoûté par toute violence et toute sexualité, Alex est libéré…
L’art de la feinte
Depuis Le dernier raidStanley Kubrick excelle dans la description du désastre. Il déploie ici des scènes extraordinaires : le bar très seventies où l’on tire du lait des seins des femmes, les combats comme des ballets rythmés par Beethoven… Orange Mécanique est un film terrible et beau, à la musique envoûtante et sublime, aux lumières bleues et tamisées. Carnavalesque et sauvage dans la première partie, la violence est un acte de plaisir. Encadrée par la prison et le traitement Ludovico dans la deuxième partie, elle est l’apanage du pouvoir. Recyclée, elle est finalement mise au service d’un système corrompu. Jeunesse délinquante, parents, organismes gouvernementaux, l’art lui-même, tout semble entrer dans le cercle vicieux tracé par Kubrick. Pourtant, le cinéaste ne s’attaque sérieusement qu’à la violence déployée par l’État. Symbole d’une société oppressive qui vise à éradiquer les pulsions les plus fertiles de l’être humain, le traitement Ludovico est le sommet de sa conspiration civilisatrice. Le sourire innocent et l’ironie de Malcolm McDowell contribuent grandement au prodige deOrange Mécaniquequi ne cesse de nous terrifier et de nous exciter.
