Sur la façade du supermarché, situé au coeur du quartier du Beffroi à Tours-nord, les cicatrices des émeutes n’ont pas totalement disparu. Un panneau de contreplaqué installé à la hâte après le pillage du magasin dans la nuit du 29 au 30 juin 2023 a été conservé. « Nous avons fait réparer les vitres de l’entrée, mais nous avons laissé le panneau temporaire. »
Une manière pour Sylvie et Philippe Bellard de ne pas effacer complètement le préjudice subi. « Personne ne tournera la page, c’est gravé comme un tatouage » assure le mari. Cette nuit-là, alerté par le système d’alarme, Philippe Bellard arrive sur les lieux peu après minuit avec ses deux chiens. Il découvre son magasin pris d’assaut par des émeutiers, ses rayons pillés sous ses yeux.
« Beaucoup de courage pour se remettre de ce qui t’est arrivé »
Un an plus tard, l’évocation de ses souvenirs suscite encore beaucoup d’émotion. Un mélange de tristesse et d’incompréhension. « Quand nos employés sont arrivés le matin, au moment où ils ont commencé à travailler, ils ont constaté les dégâts. Eux aussi ont été très choqués », il dit.
L’équipe – vingt-sept employés – s’est mobilisée pour remettre le magasin en état. Cinq jours entiers de mise au rebut des produits abîmés, de nettoyage et de réparation. « Nos clients étaient heureux lorsque le magasin a rouvert, déclare Philippe Bellard. Dans le quartier, il y a des habitants qui viennent ici tous les jours, qui ne peuvent pas se déplacer. Le couple, installé au Beffroi depuis 2011, est très proche de sa clientèle : personnes âgées ou fragilisées, familles, jeunes… « Nous faisons un peu de travail social ici » il glisse.
Les habitants ont été particulièrement touchés par le calvaire subi par les gérants. Un livre d’or a été ouvert très peu de temps après les émeutes pour soutenir Philippe et Sylvie Bellard. « Beaucoup de courage pour se relever après ce qui t’est arrivé. Une cliente qui aime vraiment ce petit magasin » ; « Je suis avec toi jusqu’au bout, il ne faut pas baisser les bras »… Des dizaines de messages remplissent ainsi les pages du carnet, déposé à l’accueil du Super U.
Un livre d’or a été ouvert par les clients du Super U de Tours-Nord, en soutien aux commerçants touchés par les émeutes.
© (Photo NR, Pascaline Mesnage)
Un soutien précieux pour le couple, qui s’est vite retrouvé isolé. « Les élus sont venus le lendemain alors que nous étions en plein nettoyage. Depuis, nous n’avons plus eu de contact », ils se lamentent. Après la restauration du magasin, Sylvie a craqué en plein été : « J’ai évité le magasin pendant plusieurs semaines, je ne pouvais plus y aller. J’avais des papillons dans le ventre. » Philippe, lui, préfère ne pas s’attarder sur ses blessures intérieures : « Même si nous sommes battus, nous devons rester debout. Nous ne pouvons pas montrer nos faiblesses. »
Dégâts estimés à 200 000 €
Fin mai, près d’un an après les faits, ils ont finalement reçu le paiement d’une partie des dommages. « Les pertes et dégâts ont été estimés à 200 000 €, sans compter les véhicules de location qui ont brûlé car nous n’en étions pas les propriétaires. »déclare Philippe Bellard. D’ici la fin de l’année, ils devraient recevoir leur paiement intégral. Et tourner la page pour de bon ? Probablement pas. L’été 2023 ne s’effacera pas de leur mémoire. « Nous ne sortons pas plus forts de cet événement, mais différents » conclut le marchand.
