Le Canada introduira un « congé fiscal » pendant la période des Fêtes. Objectif : alléger la pression fiscale, relancer la consommation et renforcer le pouvoir d’achat. Un cadeau de Noël avec des vices cachés ? En Belgique, la mesure serait de toute façon peu pratique d’un point de vue budgétaire… et juridique.
Ta(x)barnak ! Le Père Noël canadien semble être d’humeur généreuse cette année. Il a proposé une… suppression temporaire des impôts pendant la période des fêtes de fin d’année. Un élan de générosité ou un populisme douteux ?
La semaine dernière, le gouvernement du pays à la feuille d’érable a annoncé une mesure visant à réduire le fardeau fiscal sur les ménages. Avec un nom de facture officiel assez révélateur : “Plus d’argent dans votre poche.”
La taxe sur les produits et services (TPS) ainsi que la taxe de vente harmonisée (TVH), l’équivalent de la TVA belge, seront supprimées du 14 décembre 2024 au 15 février 2025. Le projet concerne une large gamme de produits, souvent appréciés pendant les vacances : vêtements, jeux vidéo et de société, jouets, livres, alimentation, restauration, etc.
Les entreprises au Canada devront donc fonctionner plusieurs changements dans leur système de ventey compris les paramètres de paiement. Il reste cependant à déterminer quels produits spécifiques entreront dans le champ de cette réduction géante. La mesure aura sans aucun doute des impacts significatifs sur la gestion de l’impôt des sociétés.
Suppression de l’impôt à Noël : 100 à 260 dollars par famille
Le ministère des Finances du Canada estime que l’élimination de la TPS et de la TVH « offrira un congé fiscal fédéral de 1,6 milliard de dollars ». Ainsi, chiffre l’administration, une famille qui dépense 2 000 $ en produits éligibles économiserait entre 100 $ et 260 $ selon l’état. En substance, l’État est donc perdant, mais l’activité économique est boostéavec, en vue, des bénéfices directs pour les consommateurs et les entreprises.
Cette « magie de Noël » serait-elle applicable en Belgique ? «J’ai d’abord cru que c’était une blague», raconte Edoardo Traversa, professeur de droit fiscal (UCLouvain, Arteo Law), lorsqu’on lui parle du projet canadien. «En Belgique, cette mesure serait à la fois illégale, peu pratique et extrêmement dommageable d’un point de vue budgétaire. Pour le consommateur aussi, l’effet serait complètement aléatoire», juge-t-il.
Supprimer la taxe : complexe et irréaliste
Et en fait : La Belgique ne pourrait pas sortir du cadre européen comme elle le souhaite. Celui réglemente l’application des taux réduits et, d’un plus fort de ce que nous appelons les « taux 0 ». En fait, la Belgique doit donc appliquer la TVA à une large gamme de produits. Pour certains d’entre eux, chaque pays membre de l’UE dispose d’une marge de manœuvre, mais pas au point de descendre jusqu’à 0 %. “On pourrait imaginer une modification à l’unanimité des Etats membres, mais cela semble très irréaliste”, doute Edoardo Traversa.
En Belgique, cette mesure serait à la fois illégale, peu pratique et extrêmement dommageable d’un point de vue budgétaire. Pour le consommateur aussi, l’effet serait totalement aléatoire.
Edoardo Traversa
Professeur de droit fiscal (UCLouvain)
D’un point de vue administratif, la mesure serait également très complexe à intégrer dans le processus de facturation. “La décision n’aurait de sens pour les entreprises que si elles continuaient à pouvoir déduire la TVA qu’elles payaient à leurs fournisseurs”, estime le fiscaliste. Au Canada aussi, on assiste à un tollé. « Cette mesure imposera une charge administrative aux entreprises qui n’ont que 23 jours pour configurer leur système sans notes explicatives pour les guider, dénonce un cabinet fiscal canadien, qui énumère plusieurs inconvénients prévisibles. Cela sera particulièrement difficile pour les petites entreprises locales qui disposent de systèmes de point de vente moins sophistiqués et d’un accès limité aux conseillers fiscaux spécialisés.
La question du droit à déduction professionnelle apparaît donc comme un obstacle majeur. Un deuxième obstacle s’ajouterait avec la question de la démarcation entre les produits couverts par la suppression de la TVA et les produits exclus. « Le projet canadien est totalement fou et populiste », condamne Edoardo Traversa. Une myriade de problèmes surgissent dans des délais très brefs, avec un nid potentiel de recours.
La TVA, vitale pour l’État
Sur le plan budgétaire surtout, l’impact serait colossal pour l’État belgele tout pendant une période de forte consommation. Il perdrait des recettes fiscales considérables. «C’est un beau rêve qui semble inaccessible en Belgique compte tenu de sa situation budgétaire», estime Isabelle Schuiling, professeur de marketing à l’UCLouvain. Le Canada a un déficit budgétaire de 1,5% du PIB, tandis que la Belgique avoisine les 5%.
La mesure entraînerait inévitablement une baisse très importante des ventes avant et après cette période.
Isabelle Schuiling
Professeur de marketing (UCLouvain)
En Belgique, la TVA pèse 30 milliards d’euros. Il représente la deuxième recette fiscale la plus importante derrière l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IPP). La taxe sur la valeur ajoutée finance par exemple toutes les compétences communautaires (éducation, culture, politique de santé). « Entre le risque de créer un trou dans le financement de la sécurité sociale ou de permettre aux gens d’acheter leur dinde de Noël un peu moins cher, le bon choix semble évident », sourit Edoardo Traversa.
Cependant, la mesure semble positive pour les entreprises, attractive pour les consommateurs et pourrait augmenter considérablement les achats. “Mais, dans ce cas, c’est l’Etat qui paiese souvient Isabelle Schuiling. Contrairement aux soldes ou au Black Friday, durant lesquels les entreprises elles-mêmes diminuent leurs marges bénéficiaires.»
Bénéfice peu clair pour le consommateur
Selon Edoardo Traversa, le bénéfice reste flou pour le consommateur car le prix reste fixé librement par le vendeur. « Ce n’est pas parce qu’on supprime la TVA que le prix va automatiquement baisser de 21%, 12% ou 6% (NDLR : les différents taux de TVA appliqués en Belgique, selon les zones). Dans le cas où le vendeur souhaite maintenir le même prix et garder la différence dans sa poche, il pourrait très bien se le permettre, souligne-t-il. Une réduction de la TVA n’est pas un cadeau pour le consommateur, mais un cadeau pour les entreprises.»
Le débat est en outre découvrez si les tarifs réduits sur les produits alimentaires sont réellement bénéfiques pour le consommateur. “Et si l’argent ne peut pas être mieux utilisé”, demande le fiscaliste. Si l’on veut vraiment soutenir la consommation, la solution la plus simple reste d’améliorer les revenus de la population, notamment les bas salaires. Parce que quand on baisse la TVA, on la baisse pour tout le monde, même pour ceux qui gagnent 10 000 euros par mois.»
Une réduction de la TVA n’est pas un cadeau pour le consommateur, mais un cadeau pour les entreprises.
Edoardo Traversa
Professeur de droit fiscal (UCLouvain)
Isabelle Schuiling note que si la mesure était appliquée, les gens feraient logiquement un maximum d’achats sur les deux mois. “Mais cela entraînerait inévitablement une baisse très importante des ventes avant et après cette période.»
D’un point de vue logistique et industriel enfin, l’idée semble tout aussi intimidante. « Ce serait aux industriels de changer leur packaging et mettre en place une logistique particulière depuis à peine deux mois. Ce qui pourrait coûter plus cher que prévu.
Évidemment, en géographie comme en fiscalité, un océan sépare la Belgique et le Canada. L’essentiel est de ne pas boire la « câlisse » jusqu’à la lie.