A l’heure où le gouvernement français peine à boucler son budget et cherche de l’argent dans tous les sens, il est sur le point de sortir d’un règlement entre la France et la Suisse qui lui fait perdre environ 280 millions d’euros chaque année. année pendant quinze ans.
Une optimisation sociale avantageuse pour les entreprises internationales
Et pour cause, selon un rapport confidentiel de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection des affaires sociales – IGAS et IGF – daté d’octobre 2024, relatif à l’évaluation des frontaliers, que La Tribune et Infos France ont pu se consulter, ce dispositif administratif permet aux grands groupes français internationaux de bénéficier d’un régime social exceptionnel avantageux.
Ainsi, selon cet accord du 22 juin 2009 (basé sur l’article 16 du règlement (CE) n° 883/2004), elles peuvent employer des cadres dans une filiale établie en Suisse, tout en les faisant travailler en France. . Soit une sorte de travailleurs détachés qui ne sont pas affiliés à la Sécurité sociale française, mais à la LAMal, c’est-à-dire au système d’assurance maladie suisse.
L’avantage pour ces groupes est qu’ils paient des cotisations sociales nettement inférieures à celles de la France. Si la pratique n’est pas illégale puisqu’encadrée par cette réglementation, elle s’apparente néanmoins à de l’optimisation sociale.
« Ils ont un un recours très très limité à ce dispositif, et il y a probablement des abus avec des salariés français embauchés en Suisse et immédiatement détachés en France », explique une Source proche du dossier.
Une vingtaine de groupes concernés dont Total, Renault, Michelin
Selon le rapport, une vingtaine de grands groupes français utilisent ce système, mais trois représentent 82 % des demandes : Total gestion international SA, Renault Nissan Global management SA et Michelin Global Mobility SA.
« Ce dispositif a fait l’objet d’un nombre croissant de demandes entre 2012 et 2016, passant de moins de 200 demandes par an à plus de 1 000 en 2016, pour descendre à environ 500 demandes en 2022 (…) avec un total de 4 300 salariés couverts entre 2016 et 2022 », peut-on lire dans le rapport.
Ces salariés sont des cadres de très haut niveau, dont les salaires dépassent souvent les 500 000 euros annuels. Ils occupent fonctions liées au développement d’une carrière internationale » et « qui officiellement peut bénéficier de cette exonération pendant six ans ».
Près de 4,2 milliards perdus ces quinze dernières années pour la Sécurité sociale
Selon les estimations du rapport, ces cotisations qui échappent chaque année à nos comptes sociaux représentent 280 millions d’euros. Soit, par extension, depuis quinze ans, 4,2 milliards d’euros non collectés dont la France aurait eu besoin pour financer notre modèle social, payer les retraites, l’assurance maladie, la dépendance, etc.
Jusque-là, pour des raisons politiques, les gouvernements précédents ne s’étaient pas penchés sur le sujet, ou n’avaient pas jugé nécessaire de l’aborder, pour ne pas risquer de nuire à la réputation de nos fleurons tricolores, ou de provoquer diplomatiquement la colère de la Suisse.
Mais aujourd’hui, la situation des finances publiques françaises est telle que l’exécutif ne veut plus fermer les yeux sur cette perte sèche.
Un accord que la France dénonce
Aussi, selon nos informations, après avoir reçu ce rapport de l’IGAS et de l’IGF le mois dernier, les ministères sociaux et Matignon ont pris la décision de dénoncer ce dispositif au nom d’une recherche d’économies.
Et ce d’autant plus que la France peut, d’un point de vue juridique, se retirer facilement de cet accord », dont le soutien juridique frise la caricature » indique le rapport. « Aucun cachet officiel, aucune preuve que ce document est signé en application de la délégation ministérielle de signature pour la DSS, un document qui ne tiendrait sans doute pas devant le juge administratif, même couvert d’une instruction du cabinet. ».
Il y a quelques jours seulement, selon nos informations, la direction de la Sécurité sociale française a reçu le feu vert pour prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à ces pratiques dérogatoires. Il lui sera cependant impossible de récupérer les 4,2 milliards d’euros qui lui ont échappé ces quinze dernières années.