l’essentiel
Invité mardi du JT de 20 heures de TF1, le Premier ministre Michel Barnier a laissé entendre qu’une chute de son gouvernement pourrait produire une catastrophe financière. Il espère ainsi pousser le Rassemblement national et le Parti socialiste à ne pas voter la censure.
Ne dit-on pas que la peur est une mauvaise conseillère ? C’est pourtant à ce sentiment puissant que Michel Barnier a voulu faire appel mardi soir. « Le moment est très grave », a prévenu le Premier ministre lors de son entretien avec TF1. En cas d’« alliance dans les votes […] entre les voix de M. Mélenchon […] et les voix de Mme Le Pen […]Je tombe. Dans ce cas, « il n’y a plus de budget », a-t-il prévenu, avec « une tempête probablement assez grave, de fortes turbulences sur les marchés financiers »… La volonté du Premier ministre n’était évidemment pas de rassurer les Français en leur assurant qu’à l’avenir, En cas de censure gouvernementale, une loi spéciale permettrait de rémunérer les fonctionnaires. Au contraire, il voulait dramatiser le problème. Des mots qui pourraient se résumer en quelques mots : après moi, le chaos.
Convaincre les électeurs
Une technique qu’Emmanuel Macron lui-même a beaucoup utilisée. Lors de la campagne européenne, lors du discours de la Sorbonne, il disait d’un ton sérieux : « Notre Europe est mortelle ». Entre les deux tours des législatives, il évoque cette fois : un « risque de guerre civile » en cas de victoire du RN ou de LFI. « La peur est une émotion puissante, bien plus que la joie ou le bonheur », analysait récemment un député de la majorité qui regrettait que certains partis politiques en abusent sur les réseaux sociaux. Peur de l’immigration, peur du grand remplacement mais aussi peur des vaccins, de la police ou encore de supposées manipulations « médiatico-politiques »… Mais les partis les plus modérés s’adonnent aussi à ces techniques pour convaincre les électeurs.
52% des Français sont favorables à la censure
Il s’agit cette fois de mettre un maximum de pression sur les partis politiques qui pourraient être amenés à voter la censure : LFI, Écologistes mais surtout RN et PS. S’il ne fait aucun doute que les deux premiers n’hésiteront pas à faire tomber Michel Barnier et seront soutenus par leurs électeurs, le parti de Marine Le Pen et celui d’Olivier Faure pourraient se montrer plus hésitants. Tous deux veulent incarner le sérieux qui sied à un parti gouvernemental. Dans ce cas, il est difficile d’être à l’origine du chaos. En créant des tensions dans l’opinion publique, le Premier ministre espère donc influencer l’état-major avec lequel les discussions se poursuivaient mercredi. Un sondage indique que 52% des Français sont favorables à la censure, il s’agit donc de réduire ce chiffre afin d’isoler les dirigeants. Ou comment prendre l’opinion comme témoin pour l’emporter.
Barnier tire la sonnette d’alarme
C’est aussi la technique utilisée par le ministre de l’Industrie, le macroniste Marc Ferracci, qui en annonçant l’imminence de nouveaux plans sociaux a tenté de défendre l’idée, contre l’avis de Michel Barnier, qu’il ne fallait pas revenir sur les baisses de charges. accordée aux entreprises. « Mais le drame ne marche plus », assure un député de droite. Il ajoute : “Quand Élisabeth Borne explique que les cartes vitales ne fonctionneront plus si on ne vote pas le budget, elle s’en fout du monde.” La présidente de l’Assemblée nationale a elle-même assuré mardi sur Sud Radio : « Nos textes sont bien faits, notre Constitution et nos règles sont là, donc pas de catastrophe annoncée, pas de shutdown à l’américaine. […] Il n’y a pas de pire scénario. » Et un autre député d’ajouter, paraphrasant Jacques Chirac : « quand Barnier tire la sonnette d’alarme, ça fait pschitt. Les Français ne croient pas que ce sera pire après.» Naturellement, certains Français pensent que le pire est déjà là et que seul un changement de Premier ministre pourrait améliorer la situation.