Comment plaider pour Dominique Pelicot ? Que dire pour défendre un homme qui reconnaît avoir violé et fait violer sa femme, après l’avoir droguée, environ 200 fois en dix ans ? Avec quels mots Béatrice Zavarro a-t-elle pu conclure, mercredi 27 novembre, devant le tribunal correctionnel du Vaucluse, ce procès au cours duquel elle est « est devenu, malgré [elle]l’avocat du diable » ?
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M.e Zavarro voulait, devait plaider en dernier – l’ordre des plaidoiries suit généralement celui des peines requises, de la plus basse à la plus haute. La position de son client, clé de voûte du dossier, et l’opposition de ses collègues de la défense, qui ne souhaitaient pas le laisser parler en dernier, en ont décidé autrement. Ils seront trente-cinq successivement jusqu’au 13 décembre, et Béatrice Zavarro a donc plaidé la première, le jour de l’anniversaire de Dominique Pelicot (72 ans), aux côtés duquel elle a croisé le public dans un « une solitude extrême ». “C’est toi et moi contre le monde entier”dit-elle dans le préambule.
Comment plaider pour Dominique Pelicot ? Comment s’opposer aux vingt ans de réclusion criminelle requis l’avant-veille par le parquet, dont il sait – il l’a dit lui-même – qu’il ne peut échapper ? L’avocat ne s’y est guère risqué : une phrase, une seule, laissant penser que le tribunal, dans son verdict, pourrait “peut-être en s’éloignant quelque peu de ce que le ministre public a demandé.” L’objectif n’était pas là.
Le projet familial
M.e Zavarro était souvent la troisième lame à l’audience, derrière la partie civile et le parquet général, pour accuser les coaccusés qui rejetaient la faute sur son client. Presque moins pour défendre les siens que pour accuser les autres – un collègue agacé a fini par lui en donner “Madame l’avocate générale”.
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Mais pas de réquisitoire encore mercredi : quelques minutes, seulement, pour écarter les arguments entendus à maintes reprises. Celle de la manipulation, pas nécessaire selon elle pour attirer tous ces hommes à Mazan : « N’est-ce pas la vérité : je cherche une connexion et je ne réfléchis pas ? » Celui de l’influence qu’aurait eu Dominique Pelicot sur la cinquantaine d’autres : « Était-il violent ? Non. Était-il menaçant ? Non ? La porte de la chambre était-elle verrouillée ? Non. Était-il responsable de l’état d’esprit de chacun ? Non. ” L’objectif n’était pas là non plus.
Béatrice Zavarro s’est levée mercredi pour redonner un peu d’humanité à son client. “On ne naît pas pervers, on le devient”avons-nous entendu lors de ce procès. Il y avait donc « une première Dominique » qu’elle a travaillé pour retrouver votre calme, sans chichi, comme toujours. Réhumaniser sans dédouanement ni collision : l’opération acrobatique a duré un peu plus d’une heure.
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