Au bord de l’Aubance et à la sortie de la commune de Denée, à 20 km d’Angers, la ferme du hameau de Joncs était le rêve de Marius Chauvin, Simon Coutand et Maëlys Dilé. De riches prairies jouxtant la rivière pour le pâturage des vaches limousines, de quoi cultiver des céréales pour faire du pain et des légumes. Le tout en agriculture biologique. Hélas, le trio de trentenaires, qui remuait ciel et terre depuis avril, s’est vu refuser l’accès à ces terres pour la deuxième et dernière fois, le 26 novembre, par la Société d’aménagement et d’établissement rural (Sûr) du Pays de la Loire.
Ils voulaient reprendre les 168 hectares d’un bloc. Au lieu de cela, la ferme sera démembrée et utilisée principalement pour la restructuration et l’agrandissement des fermes existantes. Le 26 novembre, le conseil d’administration de la Safer régionale a décidé d’attribuer 139 hectares dans cet épineux dossier aux exploitations agricoles locales réunies autour d’Emmanuel Bertrand. 29 hectares ont été accordés à des projets d’installation : celui de Mendy Lenoir en élevage ovin, celui de Mathilde et Léna Dollé en fleurs coupées et à un projet maraîcher attribué à Marius Chauvin, pris seul dans le trio d’associés.
En question, « concurrence impossible à vaincre, malgré les efforts déployés par le service départemental de la Safer »a expliqué Rémy Silve, directeur de la Safer des Pays de la Loire, à la presse. Qui a ajouté que les terres agricoles étaient un « sujet passionné ».
Autre épine dans le pied de ce dossier : sur les 168 hectares à distribuer, la moitié était louée et non en pleine propriété. Or, 6 propriétaires sur un lot de 11 avaient fait part à la Safer de leur refus de louer leur terrain au trio Chauvin, Coutand et Dilé. « C’est donc la solution qui est apparue la plus à même de répondre aux enjeux d’installation et de renouvellement des générations agricoles, tout en préservant un climat local apaisé. »added Bernard Bellanger, president of Safer Pays de la Loire.
Incompréhension
La ferme des Joncs a fait l’objet de deux dossiers concurrents : celui des trois trentenaires souhaitant s’installer — quatre au départ, dont un a jeté l’éponge face à l’hostilité du contexte d’implantation — ; et celle de cinq exploitations agricoles locales, qui ont souligné leur besoin de récupérer des parcelles proches de leur siège, pour en laisser d’autres plus éloignées.
Un besoin de restructuration constitue également un enjeu agricole évident, afin d’éviter la multiplication des déplacements des engins agricoles ou de faciliter la reprise de l’élevage en pâturage. Ce qui allait cependant au-delà du simple échange de terrain dans ce cas, avec au passage une extension de plusieurs hectares.
Fin septembre, l’institution foncière a préféré le dossier des opérateurs locaux, qui avaient soutenu les projets d’installation de Mendy Lenoir et des sœurs Dollé. Une décision qui avait déclenché l’incompréhension des trentenaires souhaitant s’installer, de la section départementale du syndicat agricole de la Confédération paysanne… et aussi de la Draaf, la Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt. Cette institution représentative de l’Etat avait demandé à la Safer de revoir sa copie, pour « passer de projets concurrents à des projets complémentaires ».
Face à cette demande, Simon, Marius et Maëlys ont proposé à Mendy Lenoir un terrain et un bâtiment, les hectares nécessaires à la production de fleurs coupées et se sont montrés ouverts à laisser d’autres hectares à des fins de restructuration.
Qu’en est-il des complémentarités présentées par le cas ci-contre et celles recherchées par Safer ? ? « Je ne répondrai pas vraiment à votre question sur cette base. »donne un coup de pied à Rémy Silve en touche. Pour lui, « la vraie concurrence qui subsistait était entre les projets d’installations d’élevage, dont un en agriculture conventionnelle [celui d’ovins de Mendy Lenoir] et un en agriculture biologique [celui du trio] ».
Contacté, le trio d’agriculteurs a été stupéfait par cette décision. « Ils m’ont désigné comme seul responsable du projet maraîchage, même si nous pensions le faire collectivement. »Marius Chauvin est surpris. Découpler son projet maraîcher de l’activité d’élevage lui paraît également incohérent, alors même qu’ils comptaient sur cette complémentarité pour fertiliser les sols et avoir accès aux équipements. La Confédération paysanne du Maine-et-Loire a appelé à un nouveau rassemblement samedi 30 novembre à Angers.
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