Des réquisitions en forme « d’arme de destruction massive du jeu démocratique » : au procès du RN, l’avocat de Marine Le Pen a commencé à plaider mercredi pour convaincre le tribunal de l’innocence de sa cliente… ou du moins pour ne pas la condamner à une peine d’inéligibilité immédiate.
Après deux mois de procès, la salle d’audience du tribunal correctionnel de Paris affiche complet pour cette dernière journée. Marine Le Pen, main posée sur le menton et visage tendu, est assise au premier rang des prévenus, entre le numéro 2 du RN Louis Aliot et l’ex-trésorier du parti Wallerand de Saint-Just.
Comme les avocats de 24 autres prévenus et du RN avant lui, Me Rodolphe Bosselut prévient qu’il va « plaider la libération ». Mais avant cela, il a « quelques observations ». Notamment sur les réquisitions du parquet, qui a requis cinq ans de prison pour son client, dont deux avec sursis, 300 000 euros d’amende et surtout une peine d’inéligibilité avec exécution provisoire – qui s’appliquerait immédiatement.
Des « réquisitions » sous forme d’« arme de destruction massive »
Cette demande d’inéligibilité immédiate a soudainement rendu très réelle la possibilité que Marine Le Pen ne puisse pas se présenter en 2027, et a surpris tout le monde, provoquant des critiques dans son camp politique et au-delà.
« Ces réquisitions sont une arme de destruction massive du jeu démocratique », tonne Me Bosselut. “Cela ne concerne pas que Marine Le Pen, cela concerne au moins 13 millions d’électeurs, voire l’ensemble de l’électorat, ou même la sincérité du vote, ce n’est pas rien”, insiste-t-il.
« Gravité gratuite »
Au-delà de « l’émotion citoyenne », nous avons besoin de « l’émotion juridique ». Dans ce cas, « une exécution provisoire aurait des conséquences juridiques disproportionnées », a-t-il déclaré. « Irrémédiable, définitif ». Cette « sévérité » des poursuites est « injustifiée, gratuite », une « exigence d’élimination politique ». Cela « jette le doute sur les intentions mêmes de l’institution judiciaire », accuse-t-il.
Au lendemain des réquisitions dont elle a dénoncé les « violences » et les « excès », Marine Le Pen résumait : « C’est ma mort politique qu’ils réclament ».
Le parquet l’avait justifié par le risque de « répétition » de détournements de fonds publics, « répétés » depuis 12 ans (entre 2004 et 2016) et n’ayant été « interrompus » qu’en raison du rapport du Parlement européen, qui a estimé son préjudice financier à 4,5 millions d’euros.
La « force » des « innocents »
Quant aux prévenus qui ont catégoriquement nié l’existence d’un « système » mis en place pour rémunérer des assistants parlementaires « fictifs » avec de l’argent européen, ils n’ont démontré aucune « mise en cause » lors de l’audience. », avait accusé le parquet. “Nous ne sommes pas ici dans un forum politique, mais judiciaire, et la loi, la loi s’applique à tout le monde.”
Me Rodolphe Bosselut est revenu sur « ce système ». “Pendant les premiers jours du procès, vous avez utilisé cette expression et elle m’a semblé sonner comme un préjugé ou du moins avec un sens péjoratif”, a déclaré l’avocat au président du tribunal. “S’il y a un système, il est extrêmement pauvre, il est public, les prévenus ont choisi de le faire savoir en publiant les organigrammes”. “On parle d’un système mais c’est au mieux un système D…”, ironise M. Bosselut.
Me Rodolphe Bosselut qui a débuté sa plaidoirie en parlant de son client. Bon nombre de prévenus, dont Louis Aliot, maire de Perpignan, ont fait le déplacement et sont assis derrière le leader de l’extrême droite.
“Elle venait presque tous les jours avec l’envie de s’expliquer, de vous convaincre de sa totale bonne foi.” Pas « naïve » sur ce qu’elle a risqué, mais avec la « force » de « ceux qui se savent innocents », plaide son avocat.
“Elle n’a pas ignoré le tribunal”
« Elle a répondu à toutes les questions avec sérieux et sincérité, n’en a éludé aucune, elle est restée à la barre plusieurs heures… On peut lui reprocher beaucoup de choses mais pas d’avoir méprisé le tribunal ou l’institution judiciaire comme le dit le parquet, » affirme-t-il. « Y a-t-il une certaine arrogance à se défendre ?
Dans cette affaire remplie de « passions », de « pressions » et d’enjeux » – « Dieu sait qu’il y en a » – Me Bosselut demande au tribunal de « revenir au droit ». « Au-delà des préjugés, des idées préconçues », affirme-t-il.
« Ce dont je voudrais convaincre le tribunal, c’est que la pratique parlementaire au Parlement européen de 2004 à 2016 reprochée à mon client et aux autres accusés était non seulement banale, anodine, car partagée par tous les partis européens, mais exempte de toute fraude. intention parce qu’elle est considérée comme admise.
Le tribunal annoncera la date du rendu du jugement – pas avant plusieurs mois – à l’issue de l’audience.
Avant cela, la présidente Bénédicte de Perthuis donnera une dernière fois la parole aux prévenus. Marine Le Pen avait assuré la veille qu’elle n’aurait “plus rien à ajouter” après son avocat.