UNArrêté mi-novembre en Algérie, l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, 75 ans, a été entendu ce mardi par le parquet antiterroriste d’Alger et placé sous mandat d’arrêt, selon son avocat en France François Zimeray, mandaté par Gallimard. Il est en détention pour « atteinte à la sûreté de l’État ». Le point de vue du romancier Jean-Marie Laclavetine, son éditeur chez Gallimard.
Depuis combien de temps connaissez-vous Boualem Sansal ?
Depuis vingt-cinq ans. Notre amitié a commencé en 1999, lorsque nous avons reçu le manuscrit de ce qui allait devenir son premier livre, « Le serment des barbares ». Je me souviens avoir été très heureux en découvrant ce texte. J’ai rapidement pris contact avec lui, il vivait en Algérie. C’est quelqu’un qui a eu plusieurs vies, il a été ingénieur, enseignant, directeur d’industrie dans son pays…
Comment décririez-vous son travail d’écrivain ?
Ce qui frappe, c’est sa capacité à aborder des sujets très politiques, comme l’histoire de l’Algérie, l’islamisme, le pouvoir militaire, tout en maniant l’ironie, l’humour, l’invention romantique. Sa prose a quelque chose de sautillant qui me fait penser à Rabelais. Et évidemment, c’est un écrivain très engagé, contre l’obscurantisme, l’arbitraire du pouvoir. Il est arrivé à la littérature par engagement, durant la décennie noire en Algérie. Il dit avoir commencé à écrire « comme on enfile son uniforme de combat ».
Quand avez-vous eu de ses nouvelles pour la dernière fois ?
Il y a trois semaines, alors qu’il était à Paris, par mail. Nous étions censés nous voir, mais il n’a probablement pas eu le temps. Mi-novembre, il prend l’avion pour rentrer dans son pays. Depuis, aucune nouvelle. Nous savons qu’il a été arrêté à sa descente de l’avion et emmené en prison.
« Quand un écrivain est emprisonné, on commence par le défendre ! Peu importe que nous soyons d’accord ou non avec ses idées.»
Étiez-vous inquiet de le voir multiplier les allers-retours entre la France et l’Algérie alors que ses écrits sont très critiques à l’égard des autorités algériennes ?
Oui, mais il faisait preuve d’un fatalisme moqueur qui désarmait toute inquiétude. Il disait : « C’est à eux d’y aller, ce n’est pas à moi d’y aller. » » Il pensait simplement qu’il avait le droit de rentrer chez lui.
Trouvez-vous le soutien à Boualem Sansal en France trop tiède, notamment à gauche, de la part de certains intellectuels ? Ils lui reprochent ses récentes prises de position, jugées hostiles aux immigrés ou à l’islam…
Oui, je suis scandalisé par les réactions de certains d’entre eux, comme Benjamin Stora, qui a critiqué les déclarations de Boualem ce week-end. Quand un écrivain est emprisonné, on commence par le défendre ! Peu importe que nous soyons d’accord ou non avec ses idées.
Craignez-vous que Boualem Sansal ne devienne un « pion » dans les relations dégradées entre la France et l’Algérie ?
Oui, difficile de ne pas penser qu’il est une victime collatérale de la détérioration des relations entre les deux pays. Ce qui m’inquiète beaucoup, c’est que cela devienne un symbole, et qu’il soit difficile pour les autorités algériennes de reculer. Ce serait terriblement injuste.