quand le vote se transforme en cas de conscience

quand le vote se transforme en cas de conscience
quand le vote se transforme en cas de conscience

Quand Pascale sortira-t-elle de l’indécision ? Le scrutin du 30 juin approche et cette ancienne aide-soignante de 65 ans ne sait toujours pas à qui confier son vote. Rassemblement national ? ” Hors de question “raconte cette habitante du Val-d’Oise, catholique pratiquante avec son mari, Frédéric. Ensemble? « Macron nous a vraiment agacés en persistant sur certains sujets sans écouter les instances intermédiaires, comme la fin de vie. » Un nouveau Front populaire ? « Si ça avait été un socialiste ou un écologiste, je n’aurais pas hésité, mais un Insoumis… Mélenchon me rend malade. »

Une chose est sûre : Pascale ne votera pas blanc. Ni au second tour, ni au premier. « Il faut prendre ses responsabilités, le RN est au bord du pouvoir ! » Et ajoutant avec un soupir : « J’en ai assez de toujours voter « contre ».

Ces électeurs déchirés et indécis sont nombreux, à la fois conscients de la gravité du moment et frustrés de ne pas pouvoir voter. « de bon cœur ». Selon un sondage Ipsos publié le 22 juin, les électeurs LR étaient alors les moins sûrs de leur choix pour ces législatives, 48% estimant que leur vote pourrait encore évoluer d’ici le premier tour dimanche. Une hésitation importante également chez les électeurs majoritaires (28%).

« Qui est mon pire ennemi ? »

Ces tensions devraient encore s’exacerber lors du second tour du 7 juillet, où le duel Nouveau Front populaire/RN pourrait être la configuration la plus fréquente. « On estime à au moins 200 le nombre de ces duels dans toute la France »“C’est un choix difficile à faire”, estime Émilien Houard-Vial, doctorant au Centre d’études européennes de Sciences Po. En 2022, seules 61 circonscriptions avaient vu le Nupes et le RN s’affronter au second tour. « Depuis sept ans, les électeurs de la majorité présidentielle ont très rarement été mis dans cette position de devoir choisir entre deux partis qu’ils rejettent »poursuit ce spécialiste.

« Un seul électorat ne sera pas déchiré le 7 juillet : celui des Infirmière autoriséeparce qu’il devrait y avoir des candidats un peu partoutsouligne le politologue Vincent Tiberj. Le rejet des partis est si fort qu’à part le RN, aucun n’a de base électorale solide. Ce qui fera l’élection, c’est cette question : « Qui est mon pire ennemi ? »

Gisèle Marchelli, qui a toujours fait campagne à droite avant de rejoindre il y a deux ans le parti Horizons d’Édouard Philippe, refuserait de choisir, le cas échéant, entre “deux extrêmes, à droite ou à gauche». Pour les septuagénaires, les infirmières et les LFI ” se ressembler “même si l’extrême droite lui semble encore “plus sournois et poli”. “Les gens du RN vont prendre le pouvoir et je me demande si un jour ils le rendronts’inquiète Gisèle depuis sa station balnéaire de Sanary-sur-Mer (Var). Comment pouvons-nous être assez légers pour dire, comme mes voisins, que « après tout, nous n’avons jamais essayé »? Si on ne connaît pas l’histoire et les sources du RN, on sera dupes !

La rhétorique anti-gauche du camp macroniste

Ce « manque de culture politique » exaspère aussi Jean-Luc qui, près de Saint-Étienne (Loire), a le même âge et à peu près le même parcours politique que Gisèle. « J’ai connu Mai 68 et on avait une sacrée culture à l’époque ! On connaissait l’histoire de France, les institutions… » Cet ancien cadre de PSA « ne comprend pas pourquoi les Français accordent autant de crédit » tant au RN qu’au LFI, dont“incompétence” et le “démagogie”notamment sur le plan économique. “Je ne comprends pas, je ne comprends plus… En fait, je suis un peu abasourdi.”

Cependant, Jean-Luc espère toujours un « L’élan républicain ». « Lorsqu’ils sont dans l’isoloir, leur bulletin en main, les gens peuvent se dire : “Waouh, qu’est-ce que je suis en train de faire ?” »

De son côté, le chercheur Émilien Houard-Vial estime que « tout miser sur l’automatisme du vote centriste présenté comme le seul raisonnable » serait un ” erreur ” du camp présidentiel. «La Macronie a fondé sa campagne sur la condamnation des «extrêmes», avec un véritable durcissement de la rhétorique anti-gauche ces deux dernières semaines. C’est entre autres le court délai qui a dicté cette stratégie : au lieu de proposer des choses pour y attirer, la majorité sortante attise la peur de ce qui se passerait si elle ne gagnait pas.»

Avec le risque cependant de devenir un « vote refuge » assez fragile. « Si l’on en croit les sondages, cette rhétorique du danger et de l’incompétence du NFP se répand dans l’opinion publique, mais elle ne semble pas profiter aux candidats d’Ensemble dans les intentions de vote »poursuit Émilien Houard-Vial. La perspective d’une victoire du NFP inquiète davantage les Français (53%) que celle du RN (50%), selon un sondage Elabe publié le 22 juin. Au soir du premier tour, selon ce même sondage, la majorité sortante n’arriverait qu’en troisième position (autour de 20%) derrière le RN (36%) et le NFP (27%).

« Nous ne le bloquons en aucun cas »

« Dire “ni LFI ni RN”est un non-choix qui reste un choix »observe le philosophe Alain Cugno, membre associé de la faculté de philosophie des Facultés Loyola Paris (ex-Centre Sèvres). « Au second tour, s’abstenir en cas de duel reviendra à privilégier celui qui arrive en tête, qui sera probablement le RN. Je me suis juré de ne plus jamais voter contre mes convictions, mais je crois qu’il y a pire : se mettre au service d’un projet qu’on rejette viscéralement. Après tout, c’est urgent.

Dans son 20e arrondissement de Paris, Pascal, « socialiste incassable », n’est pas de cet avis. Comme un tiers de ceux qui ont choisi la liste de Raphaël Glucksmann lors des élections européennes du 9 juin(d’après l’enquête Elabe du 22 juin), ce quinquagénaire investi dans la mémoire de la déportation exclut de voter pour le NFP ce dimanche. Le 7 juillet aussi d’ailleurs, même s’il reconnaît que le RN n’a pas ” aucune chance “ pour se qualifier pour le second tour dans sa circonscription, « le deuxième parti le plus à gauche en France ».

Inépuisable sur le « excès » et le “la vulgarité” de certains députés Insoumis, dont celui qui se représente chez lui, Pascal dit observer « avec horreur la dérive communautariste et antisémite de Mélenchon » ainsi que le manque de démocratie interne. « LFI prend l’électorat de gauche pour des serpillères, mais nous ne sommes pas des machines à voter ! C’est tout à notre honneur de leur dire : “Non, ça suffit”. Ils font mal à la gauche et à la France. Pour réussir à combattre l’extrême droite, il faut être impeccable. On ne les bloque pas n’importe comment. »

Des partis politiques aux incarnations fortes

Pauline, enseignante de 33 ans en Seine-Saint-Denis, partage en partie cette exaspération. Pourtant, le 7 juillet, en cas de triangulaire où le RN serait présent, elle votera LFI. « Sans hésitation compte tenu des enjeux, mais avec un pincement du nez très ferme, car le candidat qui se présente dans mon pays est l’un des plus controversés du parti. Mon vote ne sera pas pour lui un chèque en blanc.»

Pour le politologue Vincent Tiberj, les tensions vécues par tous ces électeurs découlent, entre autres, du fait que l’offre politique actuelle se compose de trois « fêtes personnelles ». « Chacun présente une forte incarnation autour d’une personnalité, doublée d’une incapacité à gérer les dissensions internes »il explique.

Comment, dans ces conditions, surmonter notre répulsion parfois viscérale envers la personne en question ? « En s’appuyant sur les traditions et la culture politique du parti concerné, estime le philosophe Alain Cugno. Et en s’appuyant sur le corpus d’idées qui le structure. »

Composition de l’Assemblée nationale sortante. / Visactu

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