J’ai eu le plaisir de discuter quelques instants avec Lou Olmos Arsenne, peintre originaire d’une station de sports d’hiver des Alpes et vivant à Paris depuis maintenant huit ans. Très intriguée par sa peinture, j’ai découvert ses peintures sur Instagram et me suis fortement intéressée à ses dernières séries.
Avant les Beaux-Arts : lycée, université puis prépa arts appliqués
Lou était lycéen à Grenoble en section « Arts du spectacle » et pratiquait régulièrement le théâtre. Une fois son baccalauréat obtenu, c’est la capitale qui l’a appelé et il s’y rend dans le but d’obtenir une licence en Lettres Modernes. Le système universitaire ne lui convient pas et il décide d’arrêter.
Avec sa personnalité unique, son travail de collage et ses compétences orales particulières, il est emmené à Glacière, classe préparatoire aux Arts Appliqués de la Mairie de Paris.
Collage appartenant au portfolio de Lou à son entrée en prépa
Il n’a pas commencé à peindre tout de suite. Bien que déjà intéressé par la couleur, le design, la scénographie – il pratique surtout le collage comme «un touriste artistique” il m’a dit, qui ” jeest paresseux» pour démarrer un autre média.
C’est un exercice donné par son professeur Florence Reymond dans lequel il devait peindre un paysage français, ce qui l’a mis sur le chemin de la peinture qu’il n’a plus quitté depuis. Il aime tout.
“CC’était hyper sensoriel, la mise en regard des choses, les aplats, les mouvements. C’est vraiment facile, le truc super simple.»
Une fois l’école préparatoire terminée, Lou entre aux Beaux-Arts de Paris pour approfondir son apprentissage de la peinture. Son portfolio comprend principalement des peintures réalisées sur carton, comme celle ci-dessous.
« Sans titre », acrylique sur carton, 55 x 55 cm (2019)
Les Beaux-Arts de Paris
Lou commence avec les peintres Bernard Piffaretti, Sylvie Fanchon et Dominique Figarella (atelier P2F) qui ont tous une peinture très conceptuelle.
Les sujets de ses peintures sont des compositions de mondes imaginés. L’envie de changer de technique et « d’apprendre à vraiment peindre » se dessine chez notre peintre. Ainsi, il change d’atelier au cours de sa deuxième année. Nous verrons aussi qu’il ne s’est jamais réconforté dans une technique ou un médium ; sa pratique évolue constamment dans le but de se dépasser.
Ci-dessous, un tableau qui représente cette période au sein de l’atelier P2F.
« Sans titre », acrylique sur toile, dimensions inconnues
C’est Nina Childress qui sera le mentor de notre peintre pendant les quatre années suivantes. Son iconographie l’intrigue ; il apprécie particulièrement son choix de couleurs qui lui rappellent les années 80 et ses sujets pointus.
La figuration commence à apparaître dans son œuvre ; par exemple avec la série de dessins ci-dessous, réalisée en 2020.
L’apparence de ces personnages émerge de ces espaces « flous » dans lesquels ils se trouvent. Plus tard, Lou me dira qu’il n’a jamais vraiment su où il devait être – comme ses personnages. Cette composition fait penser à un collage : les angles sont nets et les couches semblent superposées.
Il commence lentement à s’inspirer des photos, mais “sans affecter le réalisme qui m’ennuie trop”.
« Au soleil du contenant », acrylique sur toile, 130 x 162 cm (2020)
Quitter l’atelier
Lou déambule dans les Beaux-Arts à la rencontre d’autres professeurs. Il commence à travailler sur de grands formats, avec un geste plus lent, pour se confronter à d’autres compositions picturales. Le sens n’était pas une priorité dans son travail à cette époque.
« Sans titre », acrylique sur toile, 100 x 85 cm (2022)
La peinture est considérée comme un exercice physique ; La méthode de Lou consiste à coller la toile à son mur pour la travailler avec force. La légèreté du trait, de la couleur ne laisse cependant pas transparaître le moindre effort. Cela ressemble presque à une aquarelle tant les couleurs se mélangent.
« Sans titre », 120 x 170 cm (2022)
Parallèlement à l’émergence de ce geste, Lou peint des scènes du quotidien que l’on pourrait qualifier de « non-sujet ». Il tente d’animer les objets avec ces palettes de couleurs chaudes et ces reliefs presque poétiques.
« Sans titre », acrylique sur toile, 120 x 170 cm (2023)
Pré-Saint-Gervais et diplôme de 5ème année
Afin de préparer son master, Lou loue un atelier au Pré-Saint-Gervais. Ce portrait grand format a été créé, inspiré d’une photographie.
Lorsqu’il m’en parle, Lou me confie qu’il trouve quelque chose de « vulgaire », presque caricatural, qui ne lui plaisait pas au début. Le travail en arrière-plan est volontairement flouté, dans la même approche des aplats proches du réel sans en dévoiler le secret.
« Sans titre », acrylique sur toile, 85 x 120 cm (2023)
Ces taches de couleurs sont là pour tenter de maîtriser une perspective que Lou dit ne pas avoir. C’est sûrement le côté surréaliste de son œuvre. Comme dans un rêve, le fond est là mais on ne peut pas le discerner clairement.
Deux jours avant son installation de diplôme, Lou a peint Ssouvenirle tableau que j’ai choisi pour ouvrir cet article. Il l’a peint en deux nuits, presque d’un coup : « Ce tableau était facile » m’a-t-il dit. Il le représente ainsi que son frère, des skieurs adolescents. Au moment de tourner une page importante de sa vie, Lou peint une page de sa vie passée qui lui a apporté beaucoup de joie. C’est comme s’il peignait à contre-coup, comme nous le verrons avec ses tableaux à Hambourg.
Ce que j’aime dans ce tableau, c’est le détail peint au premier plan comme si l’accent était mis sur ce premier skieur – qui est en fait le peintre.
C’était « le tableau le plus important » du certificat de fin d’études de Lou. On ne le voit pas sur la photo ci-dessus mais il utilise des pigments argentés réfléchissant la lumière : « Je veux que mes personnages soient des pop stars américaines, qu’ils participent tous au Super Bowl ».
Résidence à Hambourg
“Je ne m’inspirerai jamais vraiment de là où je suis.”
Arrivé à Hambourg, Lou peint Paris et ses photos prises le soir. C’est presque une démarche de monteur de films : l’artiste cherche ses plans pour leur redonner une place.
La nostalgie n’est pas exclue de ces moments d’analyse où Lou se souvient des temps passés. Le tableau ci-dessous est inspiré d’une photo prise en soirée dans un luxueux atelier de l’Hôtel de Ville de Paris.
« Sans titre », acrylique sur toile, 120 x 170 cm (2024)
L’émergence de la figure du skieur
Durant la deuxième partie de sa résidence à Hambourg, Lou change d’espace de travail. Il lui vient alors l’idée de travailler une série de portraits de skieurs de manière très rigoureuse : “Je me suis dit, ok, maintenant il faut que j’en fasse une centaine”. Une fois de plus, dans la personnalité de l’artiste, l’empreinte de la compétition se fait sentir ; s’imposer une discipline de travail fait la différence.
« Chaque jour, je devais en faire un… Je ne dois pas perdre… C’est parfois inconfortable d’être artiste. Ce n’est pas le cas : je me lève, je prends mon thé dans mon atelier puis je réfléchis pendant deux heures à ce que je vais peindre. C’est plutôt comme ça quand tu quittes l’école, c’est fini.
Certains skieurs sourient, d’autres non. Lou parle de « photosensibilité » qui est un terme dont on peut ici apprécier l’usage ; la lumière étant le courant qui émane de l’artiste au moment même de l’acte de peindre.
Et quelle est la prochaine étape ?
Lou pense quitter Paris. Il est affilié à la galerie Regala à Arles. Il ne vit pas suffisamment de son art et bien qu’ils vendent régulièrement des dessins, cela ne lui permet pas forcément de rester à Paris.
Toujours en démarche d’amélioration, il travaille sur au moins un tableau par jour. Ce que j’aime particulièrement chez Lou c’est la possibilité de suivre sa ligne sur ses réseaux notamment :vVous pouvez retrouver ses œuvres quotidiennement sur son compte Instagram.
Gaïa Tourpe