traumatisée par la violence politique, la société mise au défi par la réconciliation

traumatisée par la violence politique, la société mise au défi par la réconciliation
traumatisée par la violence politique, la société mise au défi par la réconciliation

Les Sénégalais sont unanimes. Ils n’en veulent plus « heures sombres ». C’est ainsi que sont décrites les trois années de violences politiques, qui s’étendent de l’arrestation en mars 2021 du charismatique Ousmane Sonko, ancien opposant numéro un et aujourd’hui premier ministre, jusqu’à l’élection présidentielle de mars 2024.

Sous la présidence de Macky Sall (2012-2024), qui a renoncé in extremis à briguer un troisième mandat, la répression des manifestations favorables à Ousmane Sonko a fait au moins 65 morts, selon Amnesty International, et des milliers de blessés. Plusieurs centaines de militants ont été envoyés en prison, parfois sans condamnation et soumis à la torture, rapporte l’organisation de défense des droits humains. Un traumatisme pour la société sénégalaise qui chérit saison (« paix », en wolof), mot omniprésent dans la langue nationale. Pour panser les blessures, deux moyens : la mémoire et la justice.

« Si c’est pour dissimuler des crimes de sang, votez non »

En mars 2024, à la veille de la fin de son mandat de six ans, Macky Sall promulgue une loi d’amnistie. « pour pacifier l’espace politique ». Si la mesure a permis la libération de près de 1 000 personnes incarcérées lors des manifestations, dont celle d’Ousmane Sonko, elle est aussi décriée, notamment par les partisans du nouvel homme fort, comme un moyen d’assurer l’impunité aux auteurs de crimes commis sous l’ancienne administration et contribuent ainsi à une éventuelle reproduction de la violence.

« En utilisant les moyens de l’État pour comploter, tirer, tuer des manifestants non armés, on ne peut pas l’effacer comme s’il n’avait jamais existé. (…) Une loi d’amnistie qui crée l’impunité pour les assassins, nous ne l’acceptons pas»a lancé Ousmane Sonko lors d’un meeting le 1er novembre à Ziguinchor, dans le sud du pays. « En prison, on m’a demandé de soutenir cette loi. J’ai refusé. J’ai dit à mes députés : « Si cette loi permet la libération des jeunes, votez oui. Si c’est pour dissimuler des crimes de sang, votez non.» Tous les députés ont voté non.»

Depuis, le pouvoir a changé de mains. Bassirou Diomaye Faye, ancien secrétaire général du parti d’opposition Pastef (Patrites africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité), a été élu président de la République et Ousmane Sonko, frappé d’inéligibilité, a été élu président de la République. a pu se présenter à la présidence et a été nommé Premier ministre. Les deux hommes ont mis sur le devant de la scène la question de la justice et de la réconciliation au sein de la société sénégalaise, ont promis d’indemniser les victimes et d’abroger la loi d’amnistie. Deux mesures qui nécessitent l’aval du Parlement, où elles ont obtenu la majorité absolue à l’issue des élections législatives dimanche 17 novembre.

« Faire de la mémoire »

“Les morts n’ont plus de voix, les vivants ne veulent pas d’amnistie”, tranche Mamadou Seck, qui a participé aux manifestations.

« Cette loi nous empêche de savoir ce qui s’est passé, supprime toute garantie de non-reproduction et entrave l’introspection des services et institutions de sécurité au Sénégal.déplore Ousmane Diallo, chercheur à Amnesty International, qui réclame son abrogation. La société toute entière a été victime de cette violence. Elle se lève lentement. Il faut que les gens puissent discuter, exprimer leurs doléances. »

« La loi d’amnistie nous a sortis de l’impasse politique »reconnaît Alioune Tine, fondateur du Centre Afrikajom, dédié à la réflexion sur les droits humains. « Maintenant, nous devons passer au niveau supérieur. Je plaide pour une commission justice, vérité et réconciliation. Nous avons besoin d’introspection en tant que société. Les divisions profondes doivent être comblées. Le temps est venu de se souvenir. Un monument doit être érigé pour ceux qui sont tombés. »

« Plus de sérénité »

Dans cette optique, Pastef a promis d’indemniser les familles des victimes de la répression. « Une commission fut chargée de les répertorierprécise Oumar Alioune Kane, chargé de la communication au sein du parti. Une compensation sera évaluée ou versée. Les auteurs de la répression seront jugés et purgeront leur peine. »

Des jeunes sénégalais ont déjà réalisé ce travail de révision. En juin 2023, après que la répression des manifestations contre la condamnation d’Ousmane Sonko a fait une quinzaine de morts en une seule journée, le journaliste Moussa Ngom lance un appel à témoignages sur Twitter pour documenter les violences policières. Florian Bobin, historien présent au Sénégal depuis dix ans, a proposé de constituer une base de données des victimes. CartograFree Sénégal était né.

L’objectif ? “Créer une archive du temps présent, c’est-à-dire garder une trace du passé pour les années à venir”explique l’historien. Pendant plusieurs mois, des journalistes de terrain, gardant l’anonymat, sillonnent le pays pour identifier les victimes. « Il s’agit d’une initiative politique, mais indépendante, basée sur deux piliers : informer le public sur la répression étatique et promouvoir le besoin de justice »dit-il.

La bataille n’est pas encore gagnée. Ainsi, certains membres de la société civile observent avec inquiétude le recours aux accusations de“offense au chef de l’Etat” pour qualifier les délits d’opinion. Mais nous récoltons déjà les premiers fruits de l’apaisement. « La majorité des détenus politiques ont été libérés en février et mars de l’année dernière. Les deux plus célèbres sont à la tête de l’Etatsourit Ousmane Diallo. Il y a clairement une rupture. Nous avions l’habitude de rassembler les gens chez eux à des heures indues. Certes, les arrestations demeurent, mais à l’issue d’un processus légal et transparent qui respecte les droits de la défense. »

« Les lignes ont bougé en matière de droits de l’homme. Des enquêtes ont été ouvertes. Le nombre de détentions administratives arbitraires diminue »note Alioune Tine. Et pour se réjouir : « On ressent plus de sérénité. »

 
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