Jean-Louis Fabiani est intervenu lors d’une conférence au palais de justice de Bastia

Jean-Louis Fabiani est intervenu lors d’une conférence au palais de justice de Bastia
Jean-Louis Fabiani est intervenu lors d’une conférence au palais de justice de Bastia

Votre exposé s’intitule « Une île au-delà des lois ? La Corse et la justice, une approche sociologique ». Les insulaires sont souvent présentés comme étant au-dessus des lois. Pourquoi ce titre ?

Utiliser le terme « en dessous » implique que nous volons sous le radar. A la fin des années 80, j’étais membre de l’administration en Corse. Et, bien souvent, l’État laisse faire, j’en suis sûr. A certaines époques, la Corse est réprimée. Dans d’autres, beaucoup de choses peuvent se produire, cela se fait par phases.

L’expression « au-dessus des lois » sous-entend que les Corses ne se soucient pas de la loi. Mais cela n’est pas prouvé. Dans l’esprit de la population, il subsiste cependant une forme d’ambivalence selon moi : d’un côté il faut respecter les lois de la République, et de l’autre, il y a des coutumes qui ont force de loi, auxquelles on doit obéir.

La Corse a d’ailleurs souvent été présentée comme la région la plus violente de France métropolitaine. Cette image perdure-t-elle dans une société française elle-même présentée comme globalement de plus en plus violente ?

L’idée selon laquelle la société française serait de plus en plus violente est une conception idéologique. Même s’il est vrai que le taux d’homicides national est en légère augmentation, il reste très faible comparé à des pays comme les États-Unis par exemple. Quant à la Corse, il est vrai qu’elle a toujours eu un taux d’homicides plus élevé que le reste du pays. C’est le rapport entre le nombre d’homicides et la population qui est le plus élevé. Il s’agit souvent de meurtres entre bandes liés à des enjeux territoriaux, ou de crimes d’honneur. Cependant, contrairement à d’autres régions propices à la criminalité comme la Côte d’Azur, il y a beaucoup moins de petite délinquance, moins de violences quotidiennes. Il y a aussi toute une comédie, voire une ostentation autour de la violence ici. Je me souviens d’une phrase qu’un ancien homme politique m’a dit quand nous étions jeunes : « Nous sommes fiers d’être les plus violents du monde ».

Pourquoi maintenir cette image nous-mêmes ?

Je pense que, comme d’autres régions méditerranéennes, la Corse vit encore dans la masculinité, on se montre viril. Nous ne devons pas perdre la face. Il existe également une tradition d’autodéfense. L’abondance des armes en témoigne. Les Génois voulaient déjà, il y a plusieurs siècles, désarmer les Corses.

En 2013, Manuel Valls, ancien Premier ministre de François Hollande, avait provoqué un tollé en déclarant que la violence était ancrée dans la culture corse. C’est ce que vous décrivez ?

Non, ce qu’il dit est une illusion, car la majorité de la population n’est pas violente. Il n’y a rien de génétique non plus. Je pense que Valls va trop loin sur ce point. Il y a une culture de l’honneur qui peut, parfois, donner lieu à certaines formes de violence. Cette affirmation est une forme de résignation intellectuelle : en disant cela, il évite la question principale, à savoir : comment l’État doit-il gérer ce problème ? Car ce n’est pas aux citoyens de trouver une solution, mais à l’État.

 
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