Le débat sur le Mercosur a lieu ce mardi 26 novembre 2024 à l’Assemblée nationale et le lendemain au Sénat. Des débats suivis d’un vote, plus symbolique qu’autre chose. Une idée soumise par Matignon, comme un message d’apaisement adressé aux agriculteurs dont la colère n’a pas cessé. Vincent Louault, le sénateur d’Indre-et-Loire, est l’invité de France Bleu Touraine.
France Bleu Touraine – Vous disiez il y a quelques jours « le Mercosur, s’il est ratifié, fera exploser la France ». On peut dire que vous n’en faites rien…
Vincent Louault – Je crois que la situation des agriculteurs, si l’on regarde dans le département les tournesols, le maïs qui sont encore dans les champs, les champs qui ont été gravement endommagés suite à l’ensilage et aux récoltes, le blé qui n’a pas fini de semer. On ne se rend pas vraiment compte de ce qui se passe en France, avec une agriculture en faillite. Cela a donc commencé il y a une quinzaine d’années, mais le déclin de l’agriculture fait que pour les agriculteurs, la ratification du Mercosur dans les prochains mois sera vraiment la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
Vous avez signé, comme tous les parlementaires d’Indre-et-Loire, une tribune qui appelle l’Europe à ne pas ratifier ce traité. Vous ne voyez aucun avantage à cet accord ?
Le Mercosur est un accord complexe commencé en 1991, qui a évolué au fil des années avec l’entrée de certains pays et la sortie d’autres. Techniquement, l’accord du Mercosur est un très bon accord. C’est évident quand on parle de produits laitiers, quand on parle d’industrie, de services, de métro, etc. C’est une assez bonne affaire. Il y a une très grande différence avec l’AECG, le traité de libre-échange avec le Canada, où l’on peut importer beaucoup de bœuf, mais les Canadiens ne sont pas en mesure de nous exporter du bœuf sans hormones de croissance et sans antibiotiques. Le Brésil n’est pas du tout la même chanson. Le Brésil est véritablement un géant de l’agroalimentaire qui aura la capacité de produire sans ces produits interdits en Europe. Nous allons donc avoir une quantité importante, 400 000 tonnes de viande et des découpes particulièrement très bonnes, ce qui pourrait déséquilibrer le marché européen. Les agriculteurs ont perdu leur rentabilité économique. Les agriculteurs en bonne situation financière auraient pu accepter le Mercosur car on parle de 1 ou 2% du volume de viande produit en Europe impacté par ce traité, donc ce n’est pas énorme non plus. Mais aujourd’hui, la situation des éleveurs est telle qu’on ne peut pas leur dire « vous mourez en France, on va ouvrir les vannes et importer d’autres pays, notamment du Mercosur ».
Donc pour vous, il s’agit d’abord de traiter les problèmes de nos agriculteurs en France avant de passer ce type d’accord avec l’étranger ?
Assez. Aujourd’hui, nous avons une Union européenne qui perd du terrain dans le secteur agricole avec deux géants qui peuvent produire presque à la place de l’Europe. Si vous concluez un accord avec le Mercosur et un accord de quasi-libre-échange avec l’Ukraine dans le cadre d’un effort de guerre, toute la production pourra être échangée entre ces deux pays. On imagine bien les producteurs agricoles français et européens se dire « est-ce que l’Europe veut encore des agriculteurs sur son territoire, en dehors de l’agriculture très haut de gamme ? Et aujourd’hui, on voit bien que 80 % du poulet, hors consommation domestique, est importé de l’étranger.
Il y a quelque chose qui revient dans les débats et que vous avez cité, ce sont ces normes sanitaires qui sont différentes entre l’Amérique du Sud et ce que nous appliquons en France. Il existe ce que nous appelons aussi les clauses miroir, c’est-à-dire l’application de nos normes dans les pays du Mercosur. Est-ce que cela pourrait être une bonne idée ?
Les clauses miroir relèvent un peu de la mythologie. Car dans le commerce international, on peut refuser ce qui entre en Europe sur la base d’une différence sanitaire avérée, c’est-à-dire un taux d’antibiotiques dans la viande, un taux d’hormones dans la viande, un taux de pesticides dans les céréales. Si les céréales arrivent, quelle que soit leur méthode de production, sans aucun résidu, on ne peut pas refuser le commerce international. Ce sont les principales bases du commerce international depuis 50 ans. Cela vous évite de fermer vos frontières pour régler vos affaires personnelles et automatiquement il y a des mesures de rétorsion. On le voit avec les Chinois. Vous interdisez l’entrée des voitures en Europe, les Chinois ferment leurs importations pour tout un tas de produits, notamment français, l’armagnac et le cognac. Vous voyez donc la complexité.
Disons les choses clairement. Il y a ce vote à l’Assemblée, puis au Sénat. Mais cet accord sera décidé au niveau européen. Est-ce que cela sert vraiment à quelque chose ?
Déjà, le Président de la République au Conseil de l’Europe a la possibilité d’user de son droit de veto, ce qui conduirait à une volonté de la Commission européenne de diviser l’accord en deux et de ne plus avoir besoin de passer par ce vote. . Mais ici, il faut une minorité de blocage européenne à la Commission, donc plus trois pays qui représentent plus de 35% des habitants de l’Europe pour bloquer l’accord. Aujourd’hui, il y a des pays qui sont d’accord avec nous et il y a des pays qui ne sont pas d’accord avec nous. Vous savez, la France est très isolée car les décrocheurs de la ferme France sont franco-français. Nos problèmes viennent d’une Europe pas assez aboutie, déjà d’une très forte distorsion de concurrence entre la Pologne, l’Allemagne, la France et au final des agriculteurs coincés dans un contexte économique très défavorable dans une France aux super standards.