Tours, première tuerie de masse en

Tours, première tuerie de masse en
Tours, première tuerie de masse en France

Le 29 octobre 2001, à Tours, Henri Gasq s’empresse de rattraper son retard de cinq minutes. Cet enseignant doit passer la matinée à rencontrer des collègues de son syndicat au palais de justice. Soudain, une explosion. L’homme s’est effondré sur le trottoir du boulevard Béranger. Il est décédé à l’âge de 48 ans, tué sur le coup par le tir d’un individu vêtu d’un treillis et d’une cagoule à capuche. La première victime du tueur saigne.

Le tueur, dont le nom est encore inconnu, tue trois autres passants : Gilles Lambert, 68 ans, retraité, et Chérif Tlili, 59 ans, ouvrier du bâtiment, tombent également boulevard Béranger. Thierry Enguerrand, 33 ans, gardien du centre sportif de la ville, s’est effondré devant la gare.

Terreur dans le centre-ville

Les témoins de la scène se souviennent de cet épisode de Crimes et témoignages at the microphone of Romain Dézèque from Bleu Touraine: “ Il a vu des gens le regarder, il a tiré, il a tiré sur les voitures qui passaient, sur tout ». « Il n’a rien dit. Et puis dès qu’il voyait quelqu’un s’approcher de lui, il tirait, il était déterminé », ajoute un autre riverain. ” J’ai juste eu le temps de me cacher derrière ma voiture ; le gars n’arrêtait pas de tirer sur tout ce qu’il voyait. Une balle est passée par mes oreilles, je l’ai bien entendu ! », précise un troisième.

Peu après 9h30, l’agent Frédéric Formet reçoit une alerte. Lui et deux collègues se sont précipités dans la voiture de service et en quelques minutes, ils se sont retrouvés nez à nez avec le tireur : « Il nous cible. La seule chose que je peux faire, […] c’est comme lancer un volant lorsque deux vitres de notre véhicule explosent sous l’impact de ses balles. […] Le lieutenant Edouard Sauret est blessé. […] J’ai pointé mon arme sur le tireur, mais en arrière-plan, une personne marchait derrière lui, je n’ai donc pas pu tirer. », explique-t-il au journaliste de France Bleu Touraine.

Un cauchemar qui dure plus d’une heure

Le tueur profite de ce moment d’hésitation pour se réfugier dans un parking souterrain situé à quelques mètres. Le policier Formet entre à son tour et évalue la situation. Il en ressort en quelques enjambées et y revient, protégé par un gilet pare-balles. Il aperçoit la silhouette armée de l’agresseur et lui ordonne de se rendre. Sa seule réaction fut d’entendre une nouvelle explosion : une balle l’avait atteint au poignet. Le policier a riposté, a blessé l’homme à la poitrine, a réussi à l’arrêter et à le faire transporter à l’hôpital.

Le bilan est terrible : 4 morts, 7 blessés, 16 coups tirés. 149 autres personnes ont été retrouvées dans le sac du tueur.

L’action isolée d’un homme presque normal

La police finit par identifier l’auteur du carnage : il s’appelle Jean-Pierre Roux-Durrafffourt. Il est cheminot. Il a 44 ans. Il semble bien intégré dans la société, presque « normal ». Ses motivations sont encore inconnues. Il aurait un complice activement recherché.

Un désastre, un uppercut

En ville, personne ne sait rien.

Vers midi, la famille Gasq attend le retour d’Henri, le père, pour se mettre à table. Voyant qu’il tardait à revenir, sa femme Dany et leurs trois enfants pensaient que sa rencontre était terminée, il s’en alla « prendre un verre » avec ses collègues. Mais l’après-midi, toujours sans nouvelles de lui, ils s’interrogent : « Mon aîné [se rend en ville], laisse une note sur le pare-brise de la voiture de son père : « appelle-nous dès que tu lis cette note ». Et ils suivent le chemin qu’a suivi leur père. [Ils passent] devant le tribunal et ils [dirige] vers le commissariat. Là, nous leur avons présenté la montre et la chaîne de mon mari. C’est le début du désastre », explique-t-elle à Romain Dézèque devant la stèle commémorative posée près du tribunal.

Soraya Tlili, la fille de Chérif Tlili, l’une des trois autres victimes, a également témoigné plusieurs années après les faits auprès de Romain Dézèque pour France Bleu Touraine. En rentrant chez elle, les scènes dont elle est témoin l’inquiètent : il y a un périmètre de sécurité, les pompiers recouvrent un corps d’un drap blanc, la police l’empêche d’entrer dans sa maison située à quelques encablures du parking où le tueur a été interpellé.

Inquiète, elle compte sur le journal télévisé de 20 heures pour l’informer. Et là, les images l’ont frappée : « Il y avait un corps qui était couvert, mais les chaussures dépassaient du drap. J’ai reconnu la paire de chaussures de mon père […]. J’appelle le commissariat, je donne mon identité et ils confirment que mon père est mort. C’est un uppercut ! Et là, j’ai un grand rhume. Et puis il y a un vide émotionnel. Je me mets dans une sorte de bulle et en fait, c’est de là que viendra le traumatisme puisque cette bulle va être très difficile à sortir. ».

De la reconstruction au procès

Le 16 mars 2003, une nouvelle épreuve attend les familles des victimes : la reconstruction. ” Quand nous avons rencontré l’assassin, nous avons eu l’impression qu’il souriait, qu’il était heureux. On a pleuré comme des fous parce qu’on le vivait dans la vraie vie », explique la veuve d’Henri Gasq. L’accusé, Jean-Pierre Roux-Durrafffourt, refuse d’y participer.

Le procès s’est ouvert le 16 mars 2005. Le prévenu, qui a agi seul, a comparu devant la cour d’assises d’Indre-et-Loire. L’un des avocats des parties civiles, Maître Marc Morin, se souvient, s’adressant à France Bleu Touraine : « J’étais juste devant lui et à ce moment-là, il a pris une posture avec la tête haute. Et je me suis dit : ça y est, il est arrivé là où il voulait arriver, c’est à dire [être] un jour célèbre et [faire] gros titres des médias ».

Deux questions clés se posent : d’abord, pourquoi un tel geste ? Ensuite, cet homme est-il fou ? L’accusé affirme ne se souvenir de rien. ” Une stratégie de confort », selon Maître Morin qui ajoute : « C’est le hasard et c’est ce qui donne des frissons. C’est donc un assassinat gratuit. Ce qui est insupportable pour les victimes dans cette affaire, c’est de se dire “On nous a tiré dessus comme des lapins, sans raison” ».

Alors, un geste fou est-il le geste d’un fou ? C’est l’aspect psychiatrique de cette affaire. Les cinq expertises ordonnées arrivent toutes à la même conclusion : l’accusé est sain d’esprit.

Après deux semaines de procès, le verdict tombe : Jean-Pierre Roux-Durrafffourt écope de la peine maximale, la réclusion à perpétuité, assortie de 22 ans de sûreté.

Entre survie et résilience

« J’ai mis fin à mes jours en 2001. Ses cendres reposent au sommet du glacier de la Grande Motte à Tignes. », confie Dany Gasq au micro de France Bleu Touraine qui repense régulièrement au « cinq minutes de retard » de son mari ce jour-là pour se rendre à son rendez-vous : « Ça a tout détruit ».

Soraya Tlili, quant à elle, a mis près de vingt ans à sortir de son traumatisme. Le tournant s’est produit lorsqu’elle a découvert le concept de « résilience » : « Lorsque j’ai contacté le service spécialisé du [centre hospitalier de Tours], [les médecins] immédiatement considéré l’état d’urgence dans lequel je me trouvais ».

Aujourd’hui, Soraya Tlili va mieux. En 2021, elle est à l’initiative de commémorer les vingt ans de cette tuerie. Comme le besoin d’avancer sans oublier.

Un détenu désormais libre ?

La période de sûreté de 22 ans du condamné a expiré en 2023. Et Jean-Pierre Roux-Durrafffourt a déposé une demande de libération. Une perspective qui terrifie les familles des victimes…

Crédits :

Reportage : Romain Dézèque

Prise de son et mixage :

Production and direction: Véronique Sapet. France Bleu creative studio

 
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