Les accidents montent en flèche entre 17 h et 20 h dans les semaines qui suivent le changement d’heure automnal, révèlent des données récentes de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ). Les piétons sont particulièrement touchés.
Alors que le gouvernement Legault consulte sur la possibilité de mettre fin au changement d’heure, la SAAQ a comparé le nombre d’accidents survenus dans les 30 jours précédant et suivant le changement d’heure. Et les résultats sont frappants.
De 2019 à 2023, entre 17 heures et 20 heures, le nombre d’accidents corporels a bondi de 25 % à l’automne. Sur une journée entière, la variation est plus faible, mais reste en hausse, à 4 %.
En raison du changement d’heure en automne, l’obscurité arrive beaucoup plus tôt. Le 2 novembre, le soleil s’est couché à 17h39. Le lendemain, il s’est couché à 16h38.
Au printemps, lorsque la province avance l’heure et étend le niveau d’ensoleillement, la situation est complètement différente. Les réductions des collisions varient entre 24 % et 27 % selon l’heure de la journée.
Les piétons paient le prix
Ce sont les piétons qui subissent le plus durement l’impact du changement d’heure, révèlent les données de la SAAQ. Pour les personnes se déplaçant à pied, l’augmentation du nombre d’accidents atteint 78 % au retour à la maison à l’automne.
A l’inverse, au printemps, les accidents impliquant des piétons sont réduits de 45 % aux heures de pointe de fin de journée.
Année après année, avec près de 450 collisions, le mois de novembre, en plein automne, est le plus accidentogène. Au printemps, le mois de mars est le moins chargé en la matière, avec à peine 200 accidents corporels recensés.
Ces données concernant la surreprésentation des piétons dans les accidents suite au changement d’heure d’automne sont, une fois de plus, devenues réalité cet automne. Début novembre, un camionneur a percuté et tué un enfant de 11 ans dans le quartier Mile End de Montréal. L’accident avait relancé le débat sur le changement d’heure.
«Je remarque que cela s’est produit un jour après le changement d’heure, même s’il faisait nuit plus tôt», a déclaré la conseillère associée aux transports actifs, Marianne Giguère. Lorsque vous conduisez un véhicule automobile, vous devez redoubler de prudence, car vous avez entre les mains une arme potentiellement mortelle. »
Sensibilisation
À la lumière de ces statistiques, la SAAQ estime que les efforts de sensibilisation doivent se poursuivre, particulièrement à l’automne, « concernant l’importance d’être plus vigilant sur la route à cette période de l’année ».
«Nous l’avons fait lors de notre appel à la prudence à l’aube du Mois du piéton (octobre) et nous poursuivrons nos actions de sensibilisation concernant la fatigue au volant et le partage de la route», assure la porte-parole de l’organisme, Geneviève Perron.
Fin octobre, le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, annonçait la tenue d’une consultation publique, sous forme de questionnaire web, pour déterminer la possibilité d’abolir le changement d’heure.
Cette mesure, initialement adoptée pour économiser l’énergie et augmenter la productivité pendant la Première Guerre mondiale, a été adoptée au Québec dans les années 1940. Mais elle est de plus en plus remise en question. Dans l’Ouest, la Saskatchewan n’a pas fait avancer les choses depuis 1966.
« Le changement d’heure peut contribuer à un manque de concentration à l’école, un trouble de l’appétit, plus d’irritabilité et de somnolence à des moments inappropriés de la journée », a indiqué M. Jolin-Barrette, ajoutant que certaines études « dénotent une augmentation des crises cardiaques, des suicides ». et les accidents ».
Pour la directrice générale de Piétons Québec, Sandrine Cabana-Degani, « il est clair que l’obscurité, couplée au temps qu’il faut pour rentrer chez soi, est vraiment dangereuse pour les usagers vulnérables ».
« L’automne est toujours une période où la circulation est dense », explique-t-elle. En fin de journée, les gens quittent le bureau, l’école et les transports publics. Ils sont à pied, il fait sombre, donc si l’éclairage urbain n’est pas adéquat, ils sont beaucoup plus exposés aux risques. On le voit chaque année dans les chiffres. »
Que faire en attendant ?
En plus d’un potentiel changement réglementaire, il faut avant tout revoir la façon dont nous concevons nos rues, estime M.moi Cabana-Degani. « Trop souvent, notre éclairage urbain est très orienté vers la rue, et non sur les couloirs piétons. Parfois, de petits ajustements peuvent avoir un effet considérable sur la sécurité », note-t-elle.
Son groupe salue l’arrivée de technologies innovantes, comme les deux nouveaux passages à niveau intelligents qui s’allument automatiquement au passage d’un piéton, qui viennent de voir le jour à proximité des zones scolaires de Candiac, sur la Rive-Sud. Première en Amérique, l’initiative se veut un moyen de sensibiliser les automobilistes et ainsi de réduire les risques d’accidents.
« Bien sûr, il y aurait des avantages à ne pas changer l’heure, mais après, si nous fonctionnions uniquement à l’heure d’été, le matin, lorsque les enfants vont à l’école, il ferait de toute façon nuit. Quoi qu’il en soit, il y a du travail à faire pour changer fondamentalement nos dispositifs », poursuit M.moi Cabana-Degani.
Elle suggère par exemple de mieux éclairer les parcs municipaux et les sentiers urbains. « Lorsqu’il fait noir dans les espaces publics, nous ne nous sentons pas toujours en sécurité. Et c’est justement là qu’on va se promener dans la rue, sous les réverbères », dit-elle.