Tabac, soda, jeux d’argent… Les sénateurs ont voté jeudi 21 novembre plusieurs hausses d’impôts dites « comportementales », dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025. En revanche, ils ont rejeté plusieurs amendements dont un qui proposait d’augmenter la taxation de l’alcool.
La sénatrice écologiste de Paris Anne Souyris a dénoncé la présence « d’un lobby viticole dans l’hémicycle ». « Actuellement, un verre de vin standard à 12,5 degrés est taxé à 0,4 centime, contre 10 centimes pour une bière à 4 degrés et 31 centimes pour un spiritueux à 40 degrés »assure-t-elle.
Le vin 25 fois moins taxé que la bière
Anne Souyris a raison de dire que le vin est bien moins taxé que les autres alcools. C’est même en dessous de la réalité puisqu’un verre de vin est taxé non pas à 0,4 centime mais à 0,04 centime. C’est d’ailleurs un rapport du Sénat publié en mai 2024 qui, citant les calculs de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (MECCS), explique que « L’alcool du vin est environ 25 fois moins taxé que celui de la bière et 75 fois moins taxé que celui des spiritueux ». “Nous vous rappelons qu’un litre de vin est taxé à 4 centimes, soit 3 centimes pour une bouteille de 75 centilitres”, souligne les rapporteurs.
Les auteures du rapport, Élisabeth Doineau (UDI) et Cathy Apourceau-Poly (PC) évaluent cela « niche fiscale sur le vin » à 2,5 milliards d’euros par an. Cependant, du point de vue de la santé publique, ajoutent-ils, il n’y a aucune raison de taxer différemment ces différents types d’alcool.
Augmenter les impôts réduit la consommation
Au-delà du déficit financier, l’État se prive-t-il d’un outil efficace pour réduire la consommation d’alcool, causant 49 000 décès par an en Franceselon le ministère de la Santé ? Oui, répond le rapport du Sénat. En résumant les différentes études sur la taxation comportementale de l’alcool, les auteurs concluent : une augmentation du prix de l’alcool de 1 % réduit la consommation d’environ 0,5 %. Le rapport précise qu’il s’agit d’une moyenne, la baisse étant moins forte pour la bière que pour le vin et les alcools forts.
Ce que dit aussi ce rapport, à partir des expériences de nos voisins européens (au Danemark et en Ecosse notamment), c’est que pour espérer une réduction significative de la consommation d’alcool en France, il faut augmenter significativement les prix. . Et donc augmenter significativement les taxes pour pousser les constructeurs à répercuter la hausse sur les prix en magasin.
Comment expliquer cette exonération fiscale dont bénéficie le vin en France, comme dans d’autres pays vitivinicoles comme l’Espagne ? Le poids économique du secteur vitivinicole est l’un des principaux moteurs. Selon une étude de Deloittele secteur représente 1,4% du PIB et plus de 2% des emplois en France. Le rapport du Sénat admet sans ambiguïté :“Par souci de réalisme, les rapporteurs ne proposeront pas d’augmenter la taxation de l’alcool.”