à Menton, l’extrême droite sur les terres conquises à la frontière

à Menton, l’extrême droite sur les terres conquises à la frontière
à Menton, l’extrême droite sur les terres conquises à la frontière

Drôle de temps à l’est des Alpes-Maritimes. À l’image du paysage politique français, la météo change d’avis comme votre chemise. Du coup, il fait beau. Tout d’un coup, c’est gris. Quand le ciel s’assombrit, la brise marine tombe et une chaleur humide s’installe. La pluie arrive.

Dans un bar tabac mentonnais, non loin de la frontière, Lætitia sert une demi-pêche à l’un des quatre clients venus tenter leur chance au tirage de l’Euromillion. Ce mardi soir, la cagnotte est de 213 millions d’euros. « Avec ça, plus besoin de travailler »glisse Jeff, le photographe de Nice-Matin, en souriant.

Entre deux clients, Lætitia donne son avis sur la politique. La Mentonnaise de 55 ans fait partie de ces Français qui ont voté à gauche quand ils étaient jeunes, ont défilé contre l’extrême droite, ont cru en Macron en 2017 et l’ont amèrement regretté. « Il était jeune, pas stupide et parlait bienexplique le buraliste. Quand je l’ai vu marcher à la télévision pour prononcer son discours de victoire, j’ai senti que quelque chose n’allait pas. Il nous a tous fumés.

“Essayez l’infirmière autorisée”

Déçue, en colère, Lætitia a voté pour Marine Le Pen lors de la dernière élection présidentielle. Depuis, le Rassemblement national est devenu son parti. Elle fait partie des 5 028 Mentonnais ayant voté pour Jordan Bardella aux élections européennes. Et dimanche, elle votera à nouveau pour la députée RN sortante Alexandra Masson. « Il faut les essayer, préconise-t-elle. Cela fait des lustres que nous tournons en rond. La France doit retrouver sa souveraineté et contenir l’immigration. Et puis, ce n’est plus la fête d’il y a quarante ans ! On peut toujours essayer jusqu’en 2027, c’est mieux que cinq ans avec une majorité macroniste.»

Dehors, protégé de l’averse par la tonnelle, un couple de quinquagénaires prend un verre autour d’une table ronde. A leurs pieds repose un sac rempli de huit cartouches de cigarettes italiennes qu’ils allument et éteignent d’un mouvement quasi automatique.

Politique? Christel, ce n’est pas son hobby. Elle n’est même pas inscrite sur les listes. Mais son mari le suit. Alban est salarié à l’aéroport de Nice. Élevé dans la banlieue chic de Neuilly-sur-Seine, il a toujours voté à droite. Et votez toujours pour les Républicains “en principe”. « Bientôt nous ne serons plus que 12 sur la planète »il plaisante.

La 4e circonscription des Alpes-Maritimes n’est pas la sienne. Il vote à Vence, dans la 2e. Un nouveau butin de guerre pour le Rassemblement national lors des élections législatives de 2022. Pour contrer le député sortant Lionel Tivoli, un jeune candidat LR non ciottiste a été investi. “Je ne le connais pas, mais je vais voter pour lui”confie Alban.

Encore quelques fidèles LR

« Contre les extrêmes »le dernier des Mohicans du « droit traditionnel » confesser “je déteste Jean-Marie Le Pen et l’extrême gauche” qui, selon lui, « ne peut conduire qu’à un KO économique ».

Pourtant, Éric Ciotti, le patron de sa famille politique, a choisi de rejoindre l’extrême droite. UN “trahison” ce qui n’en est pas vraiment un pour Alban. « Le RN est dans son cœur depuis 15 ans. Quand il est devenu président du parti, il avait déjà un pied chez eux »grince-t-il.

Et le baron de la politique azuréenne n’est pas le seul à s’être tourné à tribord. « Les gens qui votent bleu marine aujourd’hui ne se cachent plusse lamente le Vençois. Il y a dix ans, ce n’était pas comme ça.

De qui est-ce la faute? Pour quoi? Alban s’arrête, réfléchit. « La nouvelle génération de députés RN moins fascistes », « des problèmes de société qui n’ont pas été abordés depuis 20 ans », la politique menée par Emmanuel Macron sont, pour lui, autant de raisons qui ont poussé les Français dans les bras de l’extrême droite. La dissolution de l’Assemblée nationale fut le coup de grâce. « En retournant la table, Macron a encaissé les coups », estime Alban. Une situation qu’il juge préjudiciable pour le pays.

“Aujourd’hui, personne ne peut dire ce qui va se passer, mais si les extrêmes gagnent avec une majorité relative, ce sera un désastre à l’Assemblée.”

Pour autant, les Vençois ne vont pas jouer la carte stratégique, lors des urnes, dimanche. Il votera pour le candidat LR “même si on va se faire avoir”. Au second tour, le 7 juillet, il ne fera pas barrière. “Si le RN passe, je m’abstiendrai.”

« Je ne suis pas raciste », mais…

Ce n’est pas le cas de Guy, que j’ai rencontré dans un bar du centre-ville. Guy a 59 ans. Il est couvreur et zingueur depuis quelques mois encore.

« À la fin de l’année, je prends ma retraite et je quitte la France ! il a dit. C’est un frontiste convaincu. “Je vote Front National (sic) depuis que j’ai 18 ans”déclare-t-il avant de préciser, immédiatement, “mais je ne suis pas raciste”. Le gars est « fier d’être français » mais déteste le gouvernement de Macron « qui ne sait que promettre ».

« Cela fait 44 ans que je travaille comme un idiot pour payer ma retraite et je ne peux pas me permettre d’en profiter ici. » Il estime que l’arrivée au pouvoir du RN pourrait changer les choses, « aider les gens d’en bas » et “pour rétablir l’ordre” dans le pays. Il rêverait de « remettre la peine de mort », « coupé la tête aux jeunes qui ont violé la jeune fille juive » [à Courbevoie, ndlr]et plus de sécurité aussi.

“Quand je vais à Nice, je ne suis pas rassuréil admet, à cause des Noirs et des Arabes.

Paradoxal, quand on sait qu’à la fin de l’année, Guy s’installera au Sénégal. Quand on lui fait remarquer cela, il sourit en coin : « Oui, mais ce n’est pas pareil. Là-bas, il y a les femmes sénégalaises.

Drôle de temps…

 
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