Au Soudan, le chemin de croix pour les patients atteints de cancer

Au Soudan, le chemin de croix pour les patients atteints de cancer
Au Soudan, le chemin de croix pour les patients atteints de cancer

Atteinte d’un cancer, l’épouse de Mohammed al-Juneid doit subir une radiothérapie. Mais dans un Soudan ravagé par la guerre, le couple n’a pas les moyens de parcourir les centaines de kilomètres qui les séparent du seul hôpital qui dispense encore ce traitement.

“Même si nous arrivons à Méroé, dans le nord, il faudra attendre notre tour pour recevoir ces soins”, déplore M. Juneid, 65 ans.

Au Soudan, pays fragmenté depuis avril 2023 par des combats sanglants entre généraux rivaux, plus de 70 % du système de santé est hors service, selon l’ONU. Pour des dizaines de milliers de patients, trouver des soins se transforme en dangereuses odyssées à travers les lignes de front pour atteindre des hôpitaux saturés et sous-équipés.

Ils sont nombreux à se rendre à Gedaref, une ville de l’est, et à sa clinique d’oncologie, où plusieurs femmes enveloppées dans leurs voiles colorés traditionnels, allongées sur leur lit, partagent une grande pièce carrelée.

Mme Juneid y suit une chimiothérapie. Originaire du centre du Soudan, elle suivait une radiothérapie à l’hôpital Wad Madani. « Elle a fermé à cause de la guerre », explique son mari.

« Maintenant, les médecins ont décidé qu’elle devait subir à nouveau une radiothérapie, qui n’est disponible qu’à l’hôpital de Méroé », ajoute le sexagénaire, bouleversé.

Le chauffeur, qui a accepté de les y emmener, parcourant 2 500 kilomètres de routes cahoteuses parsemées de checkpoints, a exigé environ 4 000 dollars. Une petite fortune que M. Juneid ne possède pas.

L’enseignante Fatheya Mohammed était soignée à Wad Madani.

« La maladie est revenue, j’ai dû reprendre le traitement », confie-t-elle depuis son lit à Gedaref.

« Ici, il n’y a pas de radiothérapie. Elle existe à Méroé, mais elle coûte des milliards » de livres soudanaises, déplore-t-elle. « Nous n’en avons pas les moyens. »

Elle doit réaliser des scans mais cela coûte aussi « très cher ». Et il faudrait parcourir 200 kilomètres jusqu’à Kassala, encore plus à l’est, près de la frontière avec l’Érythrée. Irréalisable : en un an, elle n’a reçu que trois mois de salaire.

– Des vies menacées –

Impacté par des décennies de conflit, le système de santé était déjà défaillant au Soudan, l’un des pays les plus pauvres du monde. En quelques mois, la guerre porte le coup final.

Les deux principaux centres d’oncologie de Khartoum et de Wad Madani ont fermé leurs portes. Depuis, l’hôpital de Gedaref – qui ne compte que 27 lits, alors qu’il en faudrait « au moins 60 » – est submergé par l’afflux, reconnaît son directeur, Motassem Morsi.

En 2023, « nous avons accueilli environ 900 nouveaux patients », ajoute le docteur Morsi. Les années d’avant, c’était « entre 300 ou 400 » patients, se souvient-il.

Au cours du seul premier trimestre 2024, son hôpital a traité 366 patients.

Sur la quinzaine de centres d’oncologie que compte le Soudan, une poignée accueille encore des patients atteints de cancer. Mais seule Méroé propose désormais de la radiothérapie, confirmait en octobre un article publié par des médecins soudanais dans la revue spécialisée « Ecancer Medical Science ».

Cependant, « les coûts liés à la radiothérapie, au transport et à l’hébergement les rendent inaccessibles pour de nombreux patients, les obligeant à affronter une mort imminente sans soins adéquats », soulignent les auteurs.

« L’accès limité aux services d’oncologie pendant la guerre actuelle met en danger la vie de plus de 40 000 patients soudanais atteints de cancer », prévient l’article.

– “Douleur atroce” –

Et au quotidien, on ne peut échapper à la douleur physique.

Parce que la guerre a perturbé « les chaînes d’approvisionnement et la disponibilité des analgésiques opioïdes ». Les patients se retrouvent alors à devoir « endurer des douleurs atroces », précise ce même article.

Fin mai, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a tiré la sonnette d’alarme pour ce pays de 48 millions d’habitants, où près d’une personne sur cinq a fui son domicile à cause des combats.

« Le système de santé s’effondre. Environ 65 % des Soudanais n’ont pas accès aux soins », a annoncé un porte-parole de l’agence onusienne, Christian Lindmeier.

Dans les zones « difficiles d’accès », seules 20 à 30 % des structures de santé sont encore fonctionnelles, « à un niveau minimal ».

En contrepartie, une « pression considérable » s’abat sur les quelques établissements encore opérationnels, « qui risquent d’être submergés par l’afflux de personnes en quête de soins », a récemment reconnu l’OMS.

Voilà ce qui se passe à Méroé.

« Nous avons deux machines de radiothérapie qui fonctionnent 24 heures sur 24 », explique un médecin de l’établissement, s’exprimant sous couvert d’anonymat.

« Si l’un des appareils tombe en panne pour cause de maintenance, cela provoque un afflux de patients venant de tout le Soudan. »

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