Encore, « Lors de notre lancement en 2014, les gens nous prenaient pour des fous, puisque le cidre était consommé principalement à l’Epiphanie et à la Chandeleur. Même si cela reste important en France, la consommation est devenue saisonnière.»retrace Pierre-Emmanuel Racine-Jourdren, le co-fondateur de Sassy avec Xavier d’Audiffret-Pasquier. Les deux hommes, qui travaillaient dans la finance, se connaissent depuis la maternelle. Au sein de la famille Audiffret-Pasquier se trouve le Château de Sassy, dans l’Orne, où l’on produisait du cidre pour son usage personnel. Aujourd’hui, un atelier permet à l’équipe de la PME de produire des cuvées expérimentales ou en édition limitée.
En route pour Londres
Pour lancer leur cidre, les deux partenaires ont souhaité renouveler l’image de cette boisson. « Nous avons recherché des producteurs et travaillé sur le packaging, qui pouvait être un frein à la consommation avec son aspect vieillot, et sur les recettes »indique Pierre-Emmanuel Racine-Jourdren. Au lieu de se confronter aux cavistes et restaurants normands, qui avaient déjà des références de longue date, ils ont ciblé des lieux plus disruptifs, comme le magasin parisien branché Colette (fermé depuis) ou des hôtels et restaurants de luxe. Sassy a ainsi vu ses cidres arriver à la table du Plaza Athénée. “En Normandie, chacun avait son producteur référencé, donc c’était plus simple à Paris”poursuit l’entrepreneur.
Conscients du potentiel du marché britannique, les fondateurs de Sassy traversent la Manche en 2016-2017. «C’est l’un des plus grands marchés de cidre au monde»se souvient Pierre-Emmanuel Racine-Jourdren. Après avoir fait appel à un importateur, ils ouvrent une filiale à Londres, où Xavier d’Audiffret-Pasquier s’installe.
« Quand on regarde une carte de bars à cocktails, les volumes sont assez incroyables » s’enthousiasme le partenaire qui, non content d’avoir séduit les bartenders londoniens, a également ciblé les restaurants gastronomiques et les grands magasins, avant d’étendre plus récemment la distribution aux réseaux de cavistes et de supermarchés au positionnement premium. En 2021, le Brexit a suscité quelques craintes, qui ont été rapidement surmontées : « C’était un défi à relever avec des contraintes administratives supplémentaires, mais ça s’est plutôt bien passé. »
Une diversification réussie dans le calvados
Pendant le Covid, l’équipe a travaillé pour trouver des relais de croissance dans la grande distribution, faute d’accès au réseau des bars-restaurants. Outre Monoprix, certains magasins de proximité Carrefour commercialisaient des produits Sassy. « C’est un défi de créer du volume pour une marque de cidre. 70 à 80 % des points de vente se trouvent dans les grandes et moyennes surfaces. »précise Pierre-Emmanuel Racine-Jourdren. Dans ce circuit, les efforts ont été recentrés sur certaines références de cidre.
En 2021, Sassy lance un calvados, en s’appuyant sur le savoir-faire d’un producteur, Nicolas Garnier, situé dans l’Orne. Des dégustations du calvados produit au Château de Sassy ont convaincu les deux partenaires d’élargir leur gamme à cet autre produit emblématique de la Normandie. « Comme le cidre, le calvados était un alcool un peu oublié, mais qui restait néanmoins artisanal dans son approche. Nous avons retravaillé des eaux-de-vie plus rondes et plus consensuelles que les calvados qui existaient. Par la suite, un cidre désalcoolisé a rejoint la gamme, avec succès puisque ses ventes ont augmenté de 30 % entre 2023 et 2024. Ce produit ne représente cependant pas plus de 3 % des ventes de l’entreprise. Les jus de fruits sont lancés au même moment.
Depuis la rentrée 2024, en France, « le marché des boissons a été perturbé par les conditions météorologiques, l’inflation et l’incertitude politique »observe Pierre-Emmanuel Racine-Jourdren. La croissance reste néanmoins à deux chiffres pour l’année 2024 pour l’entreprise, avec une hausse attendue du chiffre d’affaires de 15%. Des cocktails mettant en vedette Sassy sont également actuellement proposés dans les bars parisiens et normands.