UUn jour, le site du Châtelet aura peut-être révélé les énigmes qui entourent ces vestiges gallo-romains enfouis sous terre et restés confidentiels pendant des siècles, jusqu’à la fin des années 1960. Le bois qui recouvrait le site depuis le Moyen Âge a protégé ce site longtemps connu des seuls “agriculteurs”, révèle Philippe Duprat, co-président de la Société géographique de Rochefort.
Avant la reprise des études à grande échelle (lire par ailleurs), ce sont deux membres de la société savante, Camille Gabet et Paul David, qui furent les premiers et les seuls à commencer à lever le voile en réalisant des enquêtes archéologiques entre 1967 et 1973. .
Ils ont alors pu déterminer l’existence, sous terre, d’un vaste bâtiment mesurant 133 mètres sur 112 mètres de côté, entouré d’une grande galerie. Il abrite notamment six salles, dont des mosaïques, donnant sur des cours ou des jardins « avec colonnades et probable décor statuaire », précise Philippe Duprat.
Plusieurs ouvrages bâtis avaient également été identifiés à l’extérieur de ce quadrilatère, notamment un mur de 500 mètres de long au nord du bâtiment, un complexe thermal au sud-est, couplé à un collecteur d’eau qui surplombe la rivière Arnaise, petit affluent de l’Arnoult 500. mètres.
Mosaïques rares
“A part Paterre à Chaillevette, c’est le seul site à posséder des mosaïques près de la côte », poursuit le co-président de la société géographique.
Ces mosaïques bicolores (noir et blanc), conjuguées à la découverte d’un mobilier riche en éléments architecturaux (enduits peints, fragments de colonnes, chapiteaux) et en céramiques (1), ont conduit à considérer cette villa gallo-romaine comme unique par rapport aux autres. présents sur le secteur, mais à vocation agricole (Pépiron à Saint-Just-Luzac, Les Chapelles à Port-des-Barques et Le Renfermis à Soubise). La Saintonge était parsemée de villas et de fermes agricoles.
D’où l’émergence de plusieurs hypothèses : un sanctuaire, c’est-à-dire un temple destiné à des divinités (hypothèse moins pertinente de nos jours) ? Un vaste complexe thermal, corroboré par la présence d’un système de chauffage, mais qui impliquerait son inclusion dans une zone urbaine importante ? Ou plus sûrement une somptueuse villa (type palais) d’un riche gallo-romain, idée accréditée par le luxe qui s’en dégage ?
Une chose est sûre : les archéologues estiment qu’il s’agit d’un site « monumental ». De quand date-t-il ? Meubles et objets collectés lors de l’unique campagne de fouilles révèlent « une occupation du Iest siècle après Jésus-Christ (correspondant à l’occupation romaine) jusqu’au haut Moyen Âge (années 700 – 800 – 900) », selon Philippe Duprat, précisant la possibilité de périodes creuses inhabitées.
Des progrès ont été réalisés après la tempête Xynthia en 2010 grâce aux données Lidar (analyse des propriétés d’un faisceau lumineux renvoyé à son émetteur) utilisées pour affiner les niveaux topographiques afin de se prémunir contre de futures submersions marines. Ce faisant, cette télédétection aérienne laser a permis de mesurer et de cartographier des objets et des structures, même ceux cachés par la végétation. Résultat : « Des alignements qui suivent la même orientation que les structures romaines ont été mis au jour ». Confirmation que le site s’étend sur plusieurs hectares. Sa nature exacte reste à déterminer.
(1) exposé au musée Vieille Paroisse de Rochefort, avenue Rochambeau. Ouvert le mercredi de 14h30 à 18h
« Réexaminer le site pour le comprendre »
« On ne sait pas ce qu’est cette villa gallo-romaine. Il faut réétudier le site pour le comprendre. » C’est une action majeure qui commence et qui devrait durer plusieurs années.
Sous la direction de Bastien Gissinger, ingénieur d’études au service régional d’archéologie de la Drac (Direction régionale des affaires culturelles) Nouvelle-Aquitaine, un « réexamen du riche mobilier conservé au musée archéologique de la Vieille Paroisse est en cours (revêtements peints , décor architectural, marbre, fer, monnaie, faune) avec la participation active de la société géographique », indique Philippe Duprat. « Une mise à jour de ce qui est connu » qui précédera les levés géophysiques du sol ainsi que les nouvelles couvertures Lidar.
Autant de recherches préalables contribuant à la constitution d’un dossier, préalable indispensable avant toute nouvelle enquête. Les fouilles ne sont pas prévues à ce stade, sachant que les parcelles en question appartiennent à une trentaine de propriétaires différents.