L’artiste touche-à-tout, chrétien pratiquant, connu pour ses anges au visage doux, trouvait que sa lignée « était devenue trop jolie, trop ornementale ».
“Nous avons décidé, avec le diocèse, qu’il n’y aurait pas de dessin et que je ferais un travail extrêmement simple” avec des ornements “qui créent de la proximité”, qui parlent aux enfants, croyants comme athées, résume-t-il.
Il cite un souvenir marquant en tant que provincial de 17 ans : celui d’une robe du trésor de Notre-Dame ayant appartenu à Saint-Louis. “C’était une chose cruciforme, extrêmement simple”, décrit-il avec émotion, “qui a inspiré toute ma vie de designer”.
Il confie « l’exploit » que son inscription représente pour lui, « avec humilité », dans la longue histoire de la cathédrale, « comme un compagnon ».
– « La portée du peuple » –
Méticuleusement, JCC caresse et déplie les drapés des chasubles, « chevaleresques » pour ce passionné d’histoire, floquées comme des sweat-shirts pour embrasser la modernité.
Pendant un an et demi, il collabore avec les meilleures maisons françaises d’artisanat de luxe (Lesage, Goossens, Paloma, Montex, Maison Michel…), regroupées dans les ateliers 19M à Paris, pour aboutir à une symbolique simple mais dynamique et puissante.
Assis sur une grande table, Jean-Charles de Castelbajac saisit sa paire de ciseaux et découpe intuitivement des feuilles de papier rouge, vert, bleu, jaune – ses couleurs préférées, « universelles », sa « gamme du peuple ».
Il dispose les petits bouts de papier autour d’une croix et commente ses croquis : tenues des diacres avec un quadrillage d’or, rouge et bleu, « Mondrian médiéval », banderoles, chasubles et mitres d’archevêques avec la grande croix d’or…
« J’ai construit mes vêtements liturgiques autour de cette croix rayonnante, qui répand la joie, l’espérance, le vivre-ensemble à travers la multiplicité de ces couleurs », poursuit-il avec ferveur.
« Depuis le début de ma carrière, j’ai kidnappé l’arc-en-ciel », sourit-il en plissant ses yeux bleu ciel. “J’ai été réconforté par la couleur qui était sur les drapeaux, sur les vitraux, chaque matin dans mon collège.”
“C’est quelque chose que je partage intimement avec l’Église”, poursuit-il, institution avec laquelle il a collaboré à deux reprises, notamment en habillant Jean-Paul II pour les Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) en 1997.
En rouge, il voit le sang du Christ, le bleu est celui de Marie, le vert synonyme d’espérance, le jaune est l’or, « synthèse de tout ».
– « Époque dystopique », foi « motrice » –
Ce langage muet des couleurs et de leur agencement doit « donner espoir et force », d’où la dimension épique de ces explosions fragmentaires, pour « donner envie aux jeunes de continuer » dans un « âge de dystopie », selon lui.
L’Église est-elle en danger ? Plutôt « spiritualité », corrige l’artiste.
« Les jeunes générations sont captivées par la société du spectacle, par les images », regrette JCC, pour qui « le voyage intérieur est en train d’être éludé ».
Dans l’incendie de Notre-Dame, le 15 avril 2019, il a vu, avec une “terrible émotion”, “comme un signal prémonitoire adressé à un monde en difficulté”.
Mais pour cet « optimiste infatigable », ce feu était aussi « celui de l’espoir ». De retour chez lui, il dessine le toit de Notre-Dame en vitraux, installant des arcs-en-ciel et des anges.
« Le combat est en chacun de nous », insiste Jean-Charles de Castelbajac, défendant avec passion son « art bienveillant », son « art compatissant ». “Pas tendance du tout.”
« C’est presque plus rock n’ roll aujourd’hui de travailler pour l’Église que d’être avec les Sex Pistols sur la Tamise en 77 », glisse-t-il malicieusement.