Par
Fabien Ce
Publié le
21 novembre 2024 à 20h16
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En 2019, Manon Altazin est devenue la première femme pilote sourd de France. Un exploit pour cette habitante de Bazemont (Yvelines) qui a toujours aimé dépasser son handicap et ses préjugés.
Car lorsqu’elle était plus jeune, elle a aussi couru un marathon, gravi le Mont Blanc, réalisé un parcours à vélo de 1 060 kilomètres en dix jours en 2018 et s’est même essayée à la voltige. Sans compter qu’elle pratiquait la gymnastique à un haut niveau.
La seule femme sourde en France à piloter un avion
Les années ont passé et Manon Altazin s’est « adoucie ». Elle devient maman d’un petit garçon, Mathéo (qui a déjà appris la langue des signes), en 2022, et donnera naissance à son petit frère ou sa petite sœur début 2025. Elle exerce également comme physiothérapeute dans un cabinet à Flins-sur-Seine.
Un parcours qui suscite parfois l’admiration mais qui ne devrait pas, selon l’intéressé.
« On me dit toujours que je suis exceptionnel, incroyable. Alors bien sûr, je peux comprendre la réaction des gens. Mais ça devrait être normal. Cinq ans plus tard, je regrette d’être toujours la seule femme sourde en France à piloter un avion. Aux Etats-Unis, une personne handicapée allant nager dans une piscine est monnaie courante. Ici, nous sommes immédiatement regardés avec de grands yeux. »
«Ils nous mettent toujours des obstacles»
L’Yvelinais de 34 ans a trop souffert que nous ne croyons pas assez en elle quand elle avait des projets, quand elle était plus jeune.
« En France, on nous met toujours des obstacles. Mon année de préparation pour devenir kinésithérapeute a été la pire de ma vie. C’était très compliqué de trouver un interprète et c’était notre responsabilité. Quand j’ai voulu intégrer une école de physiothérapie, les directeurs de l’école m’ont dit qu’il valait mieux que je fasse autre chose. »
Kinésithérapeute libéral depuis dix ans
C’est finalement en Belgique qu’elle a trouvé une école qui lui a donné une chance.
« Là, le réalisateur m’a dit : Si tu réussis, tant mieux pour toi. Et si vous n’y parvenez pas, au moins vous avez essayé. Cela fait du bien de voir que nous sommes considérés comme une personne à part entière. »
Comme dans tous les domaines, Manon a réussi à surmonter les obstacles et elle exerce sa profession de kinésithérapeute depuis dix ans à titre privé.
« Personne ne me le dit plus tu ne peux pas ou tu n’entends pas. J’ai une bonne situation professionnelle et une vie de famille. Je construis ma maison. Je suis heureux de pouvoir vivre simplement et de ne pas avoir à me battre tout le temps. »
Elle propose des baptêmes de l’air aux enfants
Celui qui a plus 200 heures de vol seul à son actif, depuis l’obtention de son diplôme, aime partager son expérience, sensibiliser au handicap. Elle donne régulièrement des conférences dans de grandes entreprises, comme en octobre chez Airbus à Toulouse.
« Il y a souvent des questions et des débats intéressants. Je trouve cela enrichissant. Même si j’ai moins de temps qu’avant, j’ai envie de continuer à m’investir d’une manière ou d’une autre. »
Une manière également de rendre hommage à son petit frère Maxime, également sourd de naissance, décédé en 2016.
Parallèlement, Manon Altazin est également vice-présidente de l’Aéroclub des Sourds de France et participe chaque année à Rêves de Gosse en tant que pilote bénévole.
« Proposer des baptêmes de l’air aux enfants, c’est super, il y a beaucoup d’émotion. Face à eux, on ne parle pas de pilotes normaux ou handicapés. On les dit ordinaires ou extraordinaires. Cela leur sert de modèle. »
En 2011, elle s’est entretenue avec le président Nicolas Sarkozy
D’une manière générale, Manon Altazin porte un regard lucide sur la société actuelle, loin d’être encore assez inclusif à ses yeux.
« C’est vrai que beaucoup d’efforts ont été faits lors des Jeux Paralympiques, notamment dans les écoles. Mais pourquoi n’ont-ils pas lieu en même temps que les Jeux Olympiques ? Et pourquoi les mêmes moyens n’ont-ils pas été utilisés ? Ce n’est toujours pas suffisant. »
Elle révèle qu’en 2011, elle avait remis une lettre à Nicolas Sarkozypuis présidente de la République, qui a détaillé les difficultés qu’elle pouvait rencontrer au quotidien. « Il m’a répondu de la même manière que tous les hommes politiques. Mais au moins j’ai fait passer le message. »
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