“Nous arrachons notre héritage« . Ce cri du cœur est signé Damien Gilles, président de l’Union des vignerons des Côtes du Rhône (50 000 ha pour 4 500 adhérents), alors que la filière vitivinicole se trouve à un tournant de son histoire.
En fait, les chiffres inquiétants ont chuté. FranceAgriMer vient d’annoncer que le dispositif concerne 1 017 hectares dans le Vaucluse contre 27 000 pour la France entière. 328 dossiers ont ainsi été enregistrés auprès du ministère dans le département. Un volume limité, signe que les vignerons ont encore des ressources. “Nous croyons fermement que nous avons notre place, sans nous laisser bercer par de douces illusions», clame Damien Gilles. Aucune information n’a encore été communiquée sur le profil des vignerons participant à cette opération.
Quoi qu’il en soit, autant de professionnels qui, en échange de 4 000 euros par hectare, perdent à jamais leur autorisation de planter de la vigne, sur le site en question ou dans tout autre secteur. Dans tous les cas, s’ils souhaitent s’agrandir à nouveau, ils devront suspendre d’autres parcelles. Car le but est bien de limiter la consommation pour faire face à l’érosion du marché. Parmi les agriculteurs impliqués dans cette dynamique, «il y en a qui tirent pour arrêter le saignement», indique Thierry Vaute, président des Vignerons Indépendants de Vaucluse. En France, 8 000 viticulteurs cesseront leur activité en 2025, dont plusieurs dizaines dans notre département.
« Les jeunes se désintéressent, le passé s’efface »
Ce système, fruit de négociations ardues depuis trois ans avec le gouvernement, sonne comme un «victoire amère“pour tout un secteur.”Surtout compte tenu de la somme dérisoire obtenue par rapport au sacrifice, ce n’est pas un prix élevé à payer.souligne Damien Gilles. Compte tenu de tous les efforts que nous avons déployés, nous aurions aimé davantage de financement. C’est nous qui structurons le paysage et participons à l’économie locale.« .
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Beaucoup de ressentiment donc, mais aussi la prise de conscience de l’évidence, pour faire face à la dé-consommation du vin rouge, constituant le premier segment de production du Vaucluse. “Notre vignoble n’est plus adéquat et nous avons toujours pris les décisions qui s’imposaient», affirme le spécialiste, pointant l’inéquité entre les marges, d’un maillon du secteur à l’autre : «Si le prix du vin était juste, il ne serait pas nécessaire de l’arracher. Pourtant, il n’y a que deux acteurs qui crachent, le producteur et le consommateur« .
Une ambiance pesante plongeant les nouvelles générations dans le doute absolu. “Les jeunes se désintéressent, le passé s’efface», regrette Damien Gilles, voulant malgré tout garder la tête haute. “Nous y croyons, nous devons y croire. Nous devons être soutenus pour que nous puissions retrouver notre puissance économique. Nous sommes reconnus partout dans le monde. Nous sommes attendus sur de nombreux marchés« .
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Quant aux parcelles qui seront bientôt débarrassées de leurs souches, difficile encore de savoir quel avenir leur est promis. Il est bien trop tôt pour déterminer leurs nouveaux usages. “Il faudra du temps pour faire avancer autre chose. Dans tous les cas, il faudra du cash », rappelle Thierry Vaute. Ce qui n’est pour l’instant absolument pas le cas.