Viols, agressions sexuelles… La délicate expertise médico-légale des victimes toujours sous le choc

C’est un examen médical pas comme les autres. Lorsqu’un médecin légiste d’une unité médico-judiciaire voit un patient, celui-ci est souvent victime de violences sexuelles. Dans ce cas, sa mission ne sera pas de diagnostiquer ou de traiter, mais d’examiner attentivement pour rechercher des éléments qui serviront à l’investigation.

Lorsqu’elle a porté plainte après avoir été violée un samedi soir de mars 2019, Cindy était accompagnée par trois policiers jusqu’à une unité médico-judiciaire (UMJ), un parcours qui lui a semblé « une éternité ». Cindy se souvient qu’elle était encore sous le choc de son agression et bouleversée par son « traitement compliqué » au commissariat. Et le médecin qui l’a ensuite accueillie à l’UMJ « a été l’un des premiers à se montrer un peu compatissant ».

Instaurer un « climat de confiance »

Sophie Tellier, médecin légiste à l’UMJ de Bondy et à la Maison des Femmes de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), s’emploie à “rassurer” et “mettre en confiance” ses patientes autant que possible “par le discours”. . « Quand on explique bien, c’est mieux vécu », résume-t-elle. « Il faut respecter le rythme de la victime, lui faire comprendre que l’examen ne sera pas forcément facile tout en la rassurant », ajoute Renaud Clément, responsable de l’UMJ de Nantes.

La victime est souvent accueillie par un médecin assisté d’une infirmière. Et Cindy, qui faisait ses pas en pleine nuit, était seule avec le médecin et soulagée d’être avec une femme. “Cela aurait été un homme, je n’aurais été dans aucun état, je venais d’être agressée par un homme”, explique la femme qui indique n’avoir d’habitude aucun problème avec les médecins hommes. Renaud Clément est bien conscient que son sexe peut compliquer l’examen. Il remplit donc son rôle de médecin en commençant par un « examen médical classique qui permet d’établir un climat de confiance ».

Cindy se souvient avoir eu du mal à retirer ses sous-vêtements et à être complètement nue, alors le médecin « a accepté que je les garde pour une observation physique ». « Elle ne m’a pas touché, elle m’a demandé de me retourner. Ensuite, elle m’a demandé de remettre mon t-shirt pour enlever ma culotte. Je ne voulais pas être nue, je n’étais pas à l’aise et elle a compris. Nous étions pleins de gentillesse», confie-t-elle. Sachant qu’à tout moment, la victime peut dire « stop ».

Du plus visible au plus intime

L’expertise médico-légale d’une victime de violences sexuelles doit avoir lieu le plus rapidement possible après l’agression afin de perdre le moins possible d’éléments ayant servi à l’enquête. Les médecins rechercheront principalement l’ADN de l’agresseur et plus le temps passe, plus cela deviendra rare. Il en va de même pour les lésions, s’il y en a. « Au-delà de cinq jours, nous ne faisons pas de prélèvements », explique Sophie Tellier, selon qui des traces de lésions ne sont détectées que dans dix à 30 % des cas.

Cette recherche de documents nécessaires à l’enquête nécessite des manipulations du corps de la victime. Alors pour éviter de revivre un traumatisme, le médecin prendra des précautions. Renaud Clément indique qu’il commence toujours par les parties du corps les plus visibles, comme les bras et les avant-bras, le cou, le visage, « toujours au rythme de la personne et en expliquant chaque geste ». “Petit à petit, la victime se détend et se rend compte qu’il ne s’agit pas d’une nouvelle agression donc on peut commencer à aborder des zones à caractère plus sexuel comme les jambes, les cuisses, le thorax, les seins et le bassin”, poursuit-il.

Le délicat examen gynécologique

Petit à petit, le médecin aborde les parties intimes. L’examen s’apparente à un examen gynécologique, avec les pieds dans des étriers et l’exposition des organes génitaux. « C’est un moment crucial, explique Renaud Clément, car on rappelle involontairement l’attentat ; c’est le moment le plus intense qui puisse déclencher un phénomène de réminiscence.

En « mode automatique », Cindy a subi « ce toucher vaginal et un examen anal ». « Nous venons de subir un viol, donc nous ne sommes pas dans un état normal, nous en sommes presque plus proches car tout ce que nous venons de vivre était violent », se souvient-elle avant de souligner : « Il faut que le médecin soit attentif et ça a été le cas. pour moi, donc ça s’est bien passé. Elle n’en a pas ajouté davantage. La démarche s’est même avérée utile : « J’avais des amnésies occasionnelles, donc après examen, le médecin a confirmé l’acte de pénétration, il y avait bien des lésions. C’était la prise de conscience de ce qui venait de se passer, ça m’a presque soulagé. » En effet, quand c’est fini « la personne peut souffler et souffler, l’appréhension diminue car on a travaillé avec douceur et bienveillance », assure le responsable de l’UMJ de Nantes.

Notre dossier sur les violences sexuelles

Ainsi, s’ils ne sont pas policiers, les médecins légistes « réfléchissent forcément à l’enquête car les prélèvements peuvent avoir un impact important », constate Renaud Clément. Et lorsque l’expert retrouve la trace de l’agresseur, “c’est une satisfaction car on apporte un élément de preuve dans la procédure”.

Un élément qui n’aura toutefois pas pesé dans le cas de Cindy. Malgré la constatation d’ADN et de blessures constatées, « la plainte a été classée sans suite et la police a demandé la destruction des documents » recueillis lors de l’interrogatoire, affirme-t-elle avant d’expirer : « c’est pour cela que les récits de violences sexuelles n’avancent pas. Cindy est loin d’être seule dans cette situation. Entre 2012 et 2021, 86 % des plaintes déposées pour violences sexuelles ont été rejetées.

 
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