C’est l’heure d’un concert | La presse – .

“Es-tu sûr de ne pas être trop fatigué pour assister à un concert ?” »


Publié à 1h46

Mis à jour à 6h00

Ma petite maman a dit « non, non, c’est bon » en me regardant.

Traduction libre : « Oui, et après ? Ne sois pas une mère poule ! »

Le radio-oncologue l’avait prévenue. Le pic de fatigue après radiothérapie était susceptible de survenir environ deux semaines après la fin des traitements. Exactement le même jour que le concert au Cégep de Saint-Laurent marquant le cinquième anniversaire de MusiquEntraide, un programme qu’elle a cofondé avec Jo-Anne Fraser, une de ses anciennes élèves qui cherchait une façon de faire vivre la musique. Réfugiée syrienne enfants.

Alors au diable la fatigue. Il fallait absolument qu’elle soit présente à ce concert, puisqu’elle avait tenu à y être lorsque Jo-Anne, 16 ans, l’avait invitée à assister à son récital de piano.

Si cette histoire vous dit quelque chose, c’est qu’elle a commencé ici même, il y a cinq ans, dans une chronique d’été où je racontais les retrouvailles après quatre décennies de ma mère, enseignante du secondaire à la retraite, et d’une ancienne élève, qui à son tour est devenu professeur de musique⁠1.

Tout est parti d’un simple mail de Jo-Anne Fraser, qui souhaitait retrouver son professeur de mathématiques de CM2, figure marquante de son adolescence, pour lui dire merci.

« Si Amal est ta mère, peux-tu lui envoyer cette lettre ? »

J’ai joué le rôle de messager, comme je le fais souvent lorsque les anciens élèves de ma mère m’écrivent. Au fil du temps, j’ai réalisé qu’elle avait tout un fan club dont j’ignorais l’existence.

C’est ainsi que ma mère et Jo-Anne se sont retrouvées dans un café. Ils commencèrent à discuter comme s’ils ne s’étaient jamais quittés. Quarante années s’étaient écoulées, mais le lien particulier qui les unissait était intact.

Ce jour-là, Jo-Anne, qui était à l’époque coordonnatrice des programmes au département de musique du Cégep de Saint-Laurent, parlait à ma mère du projet qu’elle avait en tête depuis un bon moment déjà : offrir de la musique aux enfants réfugiés syriens. Ma mère, qui a quitté son Alep natale en 1967 et est bénévole à l’Entraide Bois-de-Boulogne – un organisme communautaire montréalais qui vient en aide aux familles syriennes qui ont dû fuir les horreurs de la guerre –, a proposé d’en faire leur projet commun. Son engagement exceptionnel lui a valu la Médaille de l’Assemblée nationale le 1euh en juin dernier, lors du gala des 60e anniversaire de l’Entraide Bois-de-Boulogne.

PHOTO FOURNIE PAR ENTRAIDE BOIS-DE-BOULOGNE

Amal Karazivan Elkouri a reçu le 1er janvier la Médaille de l’Assemblée nationale des mains du député André Morin.euh en juin dernier, à l’occasion du gala des 60e anniversaire de l’Entraide Bois-de-Boulogne.

Jo-Anne n’imaginait pas vraiment une si belle suite à la simple lettre de remerciement qu’elle souhaitait envoyer à son professeur préféré.

” Vraiment pas ! La vie est incroyable parfois ! Les étoiles étaient véritablement alignées. »

A la fin de ma chronique du 6 juillet 2019, j’écrivais quelques lignes sur le projet qu’ils ont imaginé ensemble et le lancement d’une campagne de collecte d’instruments de musique. Le jour de la publication, Jo-Anne était en vacances, en route pour la Gaspésie. Entre Montréal et Gaspé, sa boîte aux lettres était remplie de courriels de lecteurs désireux de faire don d’instruments de musique. Lorsqu’elle a jeté un coup d’œil à son téléphone à la fin de la journée, elle a été stupéfaite. Tout un orchestre l’attendait !

Le projet MusiquEntraide est né en un temps record grâce à une petite équipe dévouée et de généreux donateurs. À l’automne 2019, le projet décolle. Une quarantaine d’enfants âgés de 5 à 16 ans de l’Entraide Bois-de-Boulogne ont commencé à suivre des cours de musique donnés par une douzaine d’élèves-enseignants du département de musique du Cégep de Saint-Laurent.⁠2.

Lors du concert marquant le cinquième anniversaire de MusiquEntraide en avril dernier, Jo-Anne, très émue, s’est adressée aux parents des jeunes élèves d’origine syrienne qui ont pu bénéficier de ce programme.

« Je croyais qu’à votre arrivée au Québec, offrir de la musique à vos enfants pouvait vraiment les aider à guérir du traumatisme de la guerre. Je n’ai pas vécu la guerre. Mais j’ai vécu une situation familiale où la musique a été pour moi un grand sauveur. Et c’est pour ça que je me suis dit que ça aiderait les enfants. »

Cinq ans plus tard, alors que le projet dans sa forme actuelle est terminé et que nous réfléchissons à un moyen de permettre aux jeunes talents découverts au fil du chemin de poursuivre leurs cours de musique, Jo-Anne peut dire que mission accomplie.

Aux élèves-enseignantes du Cégep de Saint-Laurent, Jo-Anne a raconté comment son professeur de mathématiques lui a donné le virus de l’enseignement, même si l’élève qu’elle était n’avait pas vraiment de talent pour les mathématiques.

«Je détestais les mathématiques!» Mais j’adorais les maths cette année-là ! J’ai eu une superbe enseignante qui a eu un impact sur moi dans mon parcours de jeune femme et d’enseignante aussi. Cela m’a donné envie de vous apprendre, chers étudiants, à rester proches des jeunes. »

L’enseignante leur a également raconté comment ses merveilleuses retrouvailles avec son professeur après plus de 40 ans avaient donné naissance à MusiquEntraide. Et comme elle espérait qu’à travers ce projet, la roue de l’éducation continuerait de tourner. « J’espère que vous en ferez votre carrière et que vous serez aussi heureux que moi. »

PHOTO FOURNIE PAR MUSIQUENTRAIDE

Concert marquant le 5e anniversaire de MusiquEntraide, le 21 avril, au Cégep de Saint-Laurent

Sous le regard ému de l’ancienne élève qui avait retrouvé son professeur, chaque élève-maître est venu présenter l’élève qu’il avait pris sous son aile.

« De voir tous ces jeunes progresser… Il y en a certains que je connais depuis le début. Ils ont grandi et fait tellement de progrès. En voyant aussi comment les étudiants parlent de leurs élèves… Je sens qu’ils sont tellement investis dans leur rôle. Ça m’a touché, ce lien de confiance qu’ils ont appris à développer. J’étais vraiment fier. »

Et puis, me dit Jo-Anne, la voix brisée, ce qui était vraiment touchant pour elle, c’était de voir ma mère se présenter au concert alors qu’elle était encore en convalescence et n’avait pas pu assister aux concerts précédents. .

Elle avait été un modèle pour elle au lycée. Elle était encore là aujourd’hui avec sa résilience et son espoir en la vie et en l’humanité.

Lors d’un concert, il n’y avait plus ni guerre ni maladie, mais une enseignante si fière de son élève et une élève si fière de son professeur. Et aussi une fille assez fière de sa petite maman.

1. Lisez la rubrique « Et je pense à toi »

2. Lire la chronique « Un piano pour Noël »

 
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