A 29 ans, Isabelle Thiollière Horth ouvre un café végétal à Lyon. Son nom : Wassaï, une manière pour la jeune femme de mettre en avant ses origines guyanaises.
Premier arrondissement de Lyon. Dans une des rues, un salon de thé commence à se faire une réputation auprès des gourmets. Wassaï ouvert le 6 novembre, non loin de la place des Terreaux, au coeur de la ville. A la tête de la marque, une jeune femme de 29 ans : Isabelle Thiollière Horth. Malgré des grands-parents maternels boulangers-pâtissiers à Saint-Etienne, Isabelle n’avait jamais envisagé, lorsqu’elle était enfant, de suivre cette voie. « À leur époque, c’était dur. Il fallait se lever à trois heures du matin. Cela ne me semblait pas attrayant. Aujourd’hui, grâce à la technologie, le métier a beaucoup évolué. »
C’est un voyage qui va tout changer, dans le cadre d’un stage, alors qu’elle étudie la photographie. Un voyage en Guyane. « La Guyane m’a secoué, de manière positivedit la jeune femme avec enthousiasme. Mmon père, Henriot Horth, originaire de Sinnamary, m’a parlé de la Guyane, mais j’avais besoin de la voir de mes propres yeux. En y arrivant, j’ai rencontré ma grand-mère, mes oncles, tantes, cousins. J’ai complété ce qui manquait à mon identité. » A son retour en France vient une phase de questionnement. « J’ai réalisé que le milieu artistique dans lequel j’évoluais était assez superficiel à mes yeux. Cela ne correspondait pas à ce que je voulais faire de ma vie. »
Isabelle Thiollière Horth abandonne alors ses études de photographie et commence à travailler, principalement dans la restauration rapide. Tour à tour serveuse, vendeuse dans un restaurant, dans une boulangerie, chez un glacier, elle a fini par travailler dans un salon de thé. « Dès que le café était calme, j’aidais à la pâtisserie ». Pour elle, c’est un peu une révélation. Lorsqu’elle obtient son CAP de pâtisserie, son projet commence à mûrir dans sa tête, tandis qu’elle multiplie les séjours en Guyane.
« Cela fait presque dix ans que je ne consomme presque plus de produits d’origine animale. Je voulais quelque chose qui me permettrait de réunir toutes les composantes de mon identité : l’art, la pâtisserie, le côté végétal, l’aspect guyanais et donc afro-descendant. J’avais besoin d’un endroit où nous pourrions rassembler des gens d’horizons culturels différents. Créer ma propre entreprise me permettrait d’avoir tout cela, sans avoir à faire de compromis sur les produits et la direction artistique. » Il faudra trois ans de réflexion, de tests de recettes, de démarchage auprès des banques, pour que la structure voie le jour.
Aux souhaits initiaux, Isabelle Thiollière Horth a ajouté d’autres exigences : « Je voulais allier plantes, culture, bien-être et santé. Je voulais aussi pouvoir exprimer ma créativité sans qu’on puisse me dire « ah non, c’est trop afro ». Dans mon salon, j’ai choisi chaque couleur, chaque meuble. » Pour les produits, la jeune femme sélectionne soigneusement ses fournisseurs, principalement sur des plateformes respectueuses des producteurs. Avec regret : « Il est plus facile de trouver des produits en Afrique qu’en Guyane. Parfois, une quantité minimale est requise pour passer des commandes et pour le moment, je n’ai ni les fonds ni l’espace de stockage pour le faire. J’aimerais beaucoup être en contact avec des petites marques et producteurs de Guyane qui livrent à Lyon afin de proposer leurs produits : wassaï, thés, fruits secs… »
Au menu de Wassaï, on retrouve entre autres des biscuits au moringa ou à l’hibiscus, du fondant à la farine de manioc, des lattés aux fruits de baobab… et du wassaï bien sûr ! « C’est vraiment une saveur dont je suis tombée amoureuse en découvrant la Guyane. Quand il s’agissait de trouver un nom, je me suis creusé la tête. Ici, les gens connaissent le mot « açaï », et non « wassaï » comme on dit en Guyane. Choisir ce prénom, c’était une façon de faire un clin d’œil à la Guyane et à mes origines. Comme logo, j’ai choisi un palmier qui donne une idée tropicale, mais sans tomber dans l’exotisme. C’est un symbole de prospérité, il s’élève vers le soleil. D’ailleurs, les fruits du palmier sont à la base de plusieurs de mes recettes… »
J’ai souhaité créer un pont vertueux et tisser des liens entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique du Sud, sans hiérarchie entre les territoires.
Isabelle Thiollière Horth
En trois mois d’existence, Wassaï a déjà trouvé son public. : des expositions ont déjà eu lieu, ainsi que des ateliers, notamment dans le cadre d’Octobre Rose. « Les gens l’apprécient, constate le propriétaire des lieux. Parfois, ils retrouvent des produits qu’ils connaissent, mais sous une autre forme. J’ai souhaité créer un pont vertueux et tisser des liens entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique du Sud, sans hiérarchie entre les territoires.se souvient Isabelle Thiollière-Horth. Trouver un moyen de rassembler autour de certaines valeurs, leur permettre de se faire plaisir tout en ayant un impact plus doux sur l’environnement, sur leur santé et sur les producteurs. » Et selon les avis en ligne, l’objectif est atteint : Wassaï dispose de nombreux avis positifs rédigés aussi bien par des professionnels que par des consommateurs ordinaires.
Mais même si les affaires marchent bien, Isabelle Thiollière-Horth garde la tête sur les épaules et avance doucement. : « Nous sommes deux et je pense qu’il est encore trop tôt pour en embaucher davantage. ». Néanmoins, le jeune chef d’entreprise se prend à rêver d’ouvrir un autre Wassaï… « pourquoi pas en Guyane ? »