Que mange-t-on quand on mange du Québécois ? – .

C’est notre première fois à la Binerie Mont-Royal. Le pâté chinois, le ragoût de raviolis, la tourte, le pain de viande et le boudin noir au menu nous donnent l’impression d’un dîner de Noël traditionnel. Disons que cela contraste avec les 30 degrés Celsius ressentis… Heureusement, l’établissement de la rue Saint-Denis est climatisé.

Catherine Lefebvre est une nutritionniste passionnée d’histoire culinaire et aujourd’hui, elle a accepté de m’offrir un cours intensif sur l’origine des plats typiquement québécois.

«Je trouve qu’au Québec, on est souvent dans une sorte de crise d’identité», réfléchit-elle. La cuisine est une bonne excuse pour se retrouver. »

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Catherine Lefebvre est nutritionniste et passionnée d’histoire culinaire.

Les emprunts entre cuisines du monde sont pour Catherine Lefebvre vecteurs d’ouverture et de curiosité.

Le fait est que notre gastronomie est le résultat d’une hybridation marquée par de nombreuses vagues d’immigration. Reconnaître cela signifie valoriser le patrimoine de plusieurs communautés culturelles.

Catherine Lefebvre et son coanimateur Bernard Lavallée ont récemment consacré deux épisodes de leur émission podcast On s’appelle et on déjeune (offert sur OHdio) sur l’identité culinaire canadienne. Ce midi, la nutritionniste m’a plutôt proposé de m’expliquer d’où viennent nos classiques locaux.

Mais d’abord, vous devez déterminer ce que vous mangez. Pas évident, l’offre est vaste. Catherine commande un long macaroni à la sauce à la viande et j’opte pour le sandwich au smoked Meat de Montréal.

En attendant son assiette, la nutritionniste souligne à quel point son choix est un bon exemple d’hybridation : « Toutes les grand-mères québécoises ont une recette de spaghetti, sans forcément avoir de lien avec une famille italienne. Je trouve ça magnifique ! »

Dans l’émission podcast On s’appelle et on déjeune, l’historienne culinaire Émilie Masson-Labonté explique que les pâtes sont arrivées au Québec avec les frères Catelli, qui ont ouvert une usine à Montréal en 1860 pour produire des vermicelles et des macaronis. Pourtant, à l’époque, il s’agissait de pâtes plutôt longues qui ressemblaient à des bucatini… Et ce sont justement ces pâtes traditionnelles que Catherine aura droit dans quelques minutes.

C’est des décennies plus tard que les immigrants italiens nous ont fait découvrir la sauce tomate. Il n’en demeure pas moins que notre sauce à la viande est une interprétation très québécoise de la bolognaise… Notre utilisation de viande hachée est due aux producteurs qui, voulant transmettre des morceaux de moindre qualité pendant la Seconde Guerre mondiale, ont broyé des morceaux de viande et les ont mélangés à de la graisse. , explique également Émilie Masson-Labonté. Ainsi est né NOTRE spag.

Catherine Lefebvre ajoute que les communautés autochtones ont aussi leurs variantes de sauce à spaghetti, notamment à base de viande de cerf. C’est véritablement un plat emblématique du Québec.

Vous savez, la viande fumée est aussi intéressante. C’est très montréalais et reconnu internationalement! Mais au fond, c’est un plat créé pour les travailleurs…

Catherine Lefebvre, nutritionniste

Toujours dans l’émission podcast On s’appelle et on déjeune, Émilie Masson-Labonté raconte que des immigrants juifs lituaniens offraient des sandwichs à la viande fumée aux ouvriers des usines textiles de Montréal. C’était délicieux, donc ça s’est rapidement répandu dans le reste de la communauté…

Je remercie en silence la direction d’avoir de bons réflexes culinaires pendant que le sympathique serveur dépose mon plat sur le comptoir. Catherine est ravie de son bol de macaronis longs très instagrammable.

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Les fameux macaronis longs de La Binerie

“C’est les spaghettis de destination!” dit-elle en le goûtant. Il y a des plats comme ça, on se déplace pour les manger. »

On goûte à tout en passant au peigne fin la carte des classiques québécois.

Catherine Lefebvre me raconte que les tourtières (qui ressemblent ici à une tourte à la viande) sont une influence des colons britanniques, tout comme le menu du midi type « bûcheron » avec ses fèves au lard.

Certains ragoûts sont liés à la vague d’immigration irlandaise et certaines viandes d’élevage, comme le porc, reviennent aux colons français. Y a-t-il quelque chose qui nous soit totalement unique ?

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Copropriétaire Jocelyne G. Brunet et son fils Jean-Philippe

Catherine montre la section « poutines » du menu. C’est notre création (même si le fromage nous a aussi été apporté par la colonisation).

« Le steak haché sauce brune nous appartient peut-être aussi… » ajoute l’hôte, dubitatif.

Par ailleurs, si notre gastronomie a été influencée par plusieurs communautés, elle reste colorée par notre territoire. Pendant longtemps, nous avons cuisiné avec ce qui était disponible autour de nous.

Un bon exemple offert à la Binerie Mont-Royal est le jambon fumé à l’érable.

Notons que la sève d’érable était utilisée par les Premières Nations bien avant l’arrivée des colons, tout comme les haricots, un autre aliment important dans nos traditions culinaires. Au fond, ce sont eux qui ont permis aux Français d’adopter des ingrédients locaux. Nous avons également conservé le nom indigène de certains poissons comme le bar, la ouananiche ou le maskinongé…

Soudain, un plat attire notre attention sur la carte : le chili binerie. Un chili tex-mex à base de fèves au lard et servi sur du riz basmati. Nous venons de trouver la quintessence d’une rencontre culturelle ! Si ce n’est pas le Québec qui se débarrasse sans vergogne des frontières, je ne sais pas ce que c’est.

D’ailleurs je remarque qu’autour de nous, il y a des touristes, des habitués, des amoureux, petits amis des gars, des gens de tous âges et d’origines variées. Tout le monde semble trouver son bonheur parmi les classiques québécois.

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Accueillir!

« Alors, que retiendrez-vous de votre première visite à La Binerie, Catherine ?

— Que ce ne sera pas la dernière. D’autant que tout le monde est le bienvenu, répond-elle en désignant une affiche à l’entrée. »

“Accueillir.”

C’est ce qui est écrit au-dessus de la caisse.

Je reviendrai aussi, mais plus pour honorer notre diversité culinaire et déguster de bons plats que pour profiter de ce délicieux jeu de mots. Simple question de goût.

Écoutez les épisodes de l’émission podcast On s’appelle et on déjeune sur l’identité culinaire du Canada

 
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