La a-t-elle encore les moyens de disposer d’autant d’aéroports régionaux ?

La a-t-elle encore les moyens de disposer d’autant d’aéroports régionaux ?
La France a-t-elle encore les moyens de disposer d’autant d’aéroports régionaux ?

Notre pays est le champion de ces aéroports régionaux. Il y en a 32 au total, soit trois fois plus qu’en Allemagne et plus qu’au Royaume-Uni. Or, depuis la pandémie de Covid, leur état de santé se dégrade, notamment ceux qui dépendent de la clientèle professionnelle. « Les entreprises ont réduit leurs déplacements, les compagnies aériennes ont donc revu leur positionnement, notamment Air qui quittera Orly d’ici 2026 et a retiré son Hop ! d’un certain nombre de villes », décrypte Thomas Juin, président de l’Union des aéroports français (UAF).

Les préoccupations environnementales et la concurrence des trains ont également contribué à vider les tarmacs. Le trafic national s’est effondré. Et par extension, celui des aéroports locaux aussi, en baisse de 17 % entre 2019 et 2023. Les discussions actuelles des parlementaires sur l’augmentation des taxes aériennes et aéroportuaires n’arrangeront pas la situation. “Je m’attends à des annulations de lignes en série et certaines compagnies pourraient placer leurs avions dans d’autres pays”, alerte Thomas Juin, qui rappelle : « En dessous d’un million de passagers, un aéroport ne peut pas gagner d’argent. »

Près de 200 millions d’euros de financements publics entre 2019 et 2021

C’est tout le problème. Leurs bilans sont structurellement déficitaires. La faute en revient à la loi de décentralisation de 2005, qui a confié la propriété de ces aéroports aux collectivités. Selon un rapport de la Cour des comptes de 2023, il a créé « une situation où aucun des acteurs publics n’a plus, en termes de mise en réseau, de responsabilité ou de vision d’ensemble ». Et où villes et départements, en compétition, dépensent chacun des millions pour soutenir leurs aéroports.

Ainsi, entre 2019 et 2021, selon la Cour des comptes, 30 aéroports intermédiaires ont a reçu au total près de 200 millions d’euros de financements publics, pour des dépenses de fonctionnement ou d’investissement. À cela s’ajoutent les chèques signés dans le cadre des lignes d’obligation de service public (OSP). Ces liaisons non rentables, également appelées lignes d’occupation des sols (LAT), sont jugées nécessaires au désenclavement de certaines zones. Les entreprises qui les exploitent reçoivent une subvention.

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Aide de 40 euros par passager

Enfin, il existe un autre poste de dépense publique, plus surprenant : le financement des compagnies aériennes à bas prix, dont dépendent de plus en plus les aéroports de province pour maintenir leur activité. En échange de leur installation, les collectivités locales leur versent des « services marketing », en réalité des subventions déguisées. Ryanair est champion dans toutes les catégories de ces pratiques.

A Nîmes, où elle représente à ce stade 100 % du trafic (en attendant l’arrivée de la compagnie L’Odyssée en mai), la low cost irlandaise bénéficie, selon nos informations, d’une aide équivalant à une quarantaine d’euros par passager. Presque le prix du billet ! L’entreprise dirigée par Michael O’Leary a beau être dans le viseur de la Commission européenne – elle a été condamnée en 2022 au remboursement de 8 millions d’euros d’aides reçues de l’aéroport de La Rochelle –, elle continue de marquer ses esprits. loi. Pour l’instant.

Car d’ici 2027, Bruxelles tranchera la question de la légalité de ces aides publiques aux plateformes aéroportuaires en France. L’étau se resserre d’autant plus qu’en même temps, « Les collectivités ont un budget de plus en plus contraint, décrypte un connaisseur. Il aborde : «Quand il s’agira de décider entre fermer une cantine et payer des millions à Ryanair, le choix sera évident, surtout face à la pression des écologistes. »

A Saint-Etienne, 4 500 passagers annuels

De plus en plus d’acteurs dénoncent haut et fort le gaspillage public et une aberration écologique à l’heure où certains avions financés par le contribuable volent à moitié vides. C’est le cas de l’ONG bruxelloise Transport & Environnement. Depuis l’agence parisienne, son spécialiste du transport aérien Jérôme du Boucher s’exclame : « Nous appelons à un mouvement de développement touristique beaucoup plus local qui ne s’appuie pas sur ces contrats prédateurs de Ryanair et low cost ! La tendance sera de s’orienter vers un déclin du développement du trafic aérien qui remet en cause le modèle de développement de ces aéroports, basé sur une forte croissance du trafic. » La capitale est loin d’avoir les prérogatives de contester.

Sur le terrain, de nombreux acteurs multiplient les pétitions et autres cris du cœur dans la presse locale pour dénoncer ce qu’ils considèrent comme des situations absurdes. A Saint-Etienne, l’association Forez Agir réclame la fermeture de l’aéroport, qui a reçu l’an dernier 1,5 million d’euros de subventions pour transporter seulement 4 500 personnes ! En Occitanie, c’est la députée écologiste Christine Arrighi, rapporteure chargée des transports à la commission des Finances de l’Assemblée, qui s’agace : « Avoir des aéroports à proximité n’a aucun sens et coûte cher aux collectivités. » Et pour cause, sa région affiche la densité aéroportuaire record du pays, avec dix sites dont celui de Nîmes, conçu pour 800 000 passagers, mais qui n’en accueille que 252 290.

Ouverture territoriale

Face aux critiques, les défenseurs des aéroports régionaux ne manquent pas d’arguments. Que ferait Clermont-Ferrand sans son aéroport, se demande Sabine Granger, la directrice des cinq aéroports locaux exploités par le géant des concessions, le groupe Vinci. « La vétusté de la ligne ferroviaire entraîne des retards importants, observe-t-elle. Cet aéroport, qui fournit 2 500 emplois, est nécessaire à Michelin ainsi qu’aux sociétés de maintenance aéronautique qui y sont implantées. »

Martin Meyrier, directeur général des concessions d’Edeis (qui exploite dix-sept aéroports en métropole et en outre-mer) insiste sur les efforts budgétaires réalisés : « Les collectivités négocient plus qu’avant leurs contrats avec les gestionnaires, ce qui entraîne une réduction des subventions publiques aux aéroports. Et c’est très sain ! »

Ces groupes ont des alliés de choix : aux quatre coins de la France, élus et personnalités influentes défendent leur aéroport. Comme à Nîmes, où le président de la métropole Franck Proust s’agace : « On dit que ces aéroports vivent de subventions, mais qu’en est-il de la SNCF ? D’Air France ? Les subventions sont dans l’ADN des transports, car elles assurent une mission de service public ! »

Plus au sud encore, le maire d’Hyères Jean-Pierre Giran, dont l’aéroport (Toulon-Hyères) a vu son trafic baisser de 39% depuis 2019, est tout aussi optimiste. Le 19 mars, il adresse une lettre à Emmanuel Macron pour dénoncer le remplacement d’Air France par Transavia et déplorer la baisse des fréquences, notamment en hiver. Quiconque se sent sacrifié par rapport aux aéroports proches de Nice Côte d’Azur et de Marseille ne va pas se la couler douce : « La situation est très grave et justifie mon action résolue et déterminée auprès de vous pour que toutes les mesures soient prises pour préserver l’aéroport de Toulon-Hyères. » Il peut compter sur le soutien de personnalités locales, comme le puissant et très connecté banquier Philippe Villin, résidant à Cavalaire-sur-Mer, qui se bat aussi ardemment pour maintenir une activité soutenue sur la ligne Toulon-Orly.

François Bayrou, ambassador of Pau

Face au mécontentement de ces élus et élites locales, un acteur du secteur soupire : «Dès que des entreprises tentent de se retirer de certains services déficitaires, il y a un tollé. » François Bayrou aura du mal à dire le contraire. Le maire de Pau défend farouchement la desserte de l’aéroport du Béarn, malgré ses difficultés : le trafic y a chuté de 43 % depuis 2019 en raison de la baisse des déplacements professionnels, de la croissance des trains… et de la concurrence de la plateforme voisine de Tarbes-Lourdes, située à seulement 50 kilomètres. Cet été, Transavia a finalement jeté l’éponge et annoncé la fermeture de sa ligne vers Orly, la plus déficitaire de son réseau, avec des pertes de 6 millions. Impossible de rivaliser avec la low cost Volotea, qui bénéficie entre Paris et Tarbes d’un OSP subventionné à hauteur de 4,8 millions par an.

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Une distorsion de concurrence, selon Grégory Casadebaig, président de l’association Béarn Adour Pyrénées, qui a déposé un recours contre l’État. Il proteste : « Depuis le nouveau contrat OSP signé en 2022 avec Volotea, les financements publics sont passés de 2,5 à 4,8 millions par an ! » Ci-contre, Gilles Gosselin, directeur France de Volotea se défend : « L’ouverture de notre base de Tarbes a permis d’embaucher 34 salariés et nous avons signé un contrat d’investisseur averti, ce qui signifie qu’à long terme les liaisons vers l’Italie doivent être rentables pour l’Aéroport. »

Pas de quoi calmer François Bayrou, déterminé à défendre sa ligne paloise favorite. Dès la nomination du nouveau gouvernement, celui qui est haut-commissaire au Plan depuis quatre ans débarque dans le bureau de Michel Barnier et obtient son soutien pour rouvrir la ligne. Dans le même temps, il l’a annoncé… mais sans l’accord de Transavia. Sa proposition ? Créer une double OSP commune à Pau et Tarbes. Autrement dit, encore plus de fonds publics à sortir des caisses. Je ne suis pas sûr que cela fonctionnera.

 
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