Un agent en CDD affirmait même avoir dû avancer de l’argent dans de nombreuses situations.
Le chef du service d’appui opérationnel (SDSO) de la police nationale de Seine-Maritime est dans la tourmente. Visée par une enquête administrative de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) de Rennes (Ille-et-Vilaine), elle est accusée d’avoir fait travailler clandestinement ses agents pour des travaux à son domicile, a révélé France Bleu Normandie ce lundi 18 novembre.
“On lui a tout fait”
Les salariés – ses agents, qui ne sont pas des policiers – auraient travaillé pendant près de deux ans dans la maison de leur directeur, située à Saint-Aubin-Lès-Elbeuf (Seine-Maritime). Du sol au plafond en passant par l’extérieur, “on a fait la plomberie, l’électricité, le carrelage, tout”, a témoigné un de ses agents.
Travail versus avancement de carrière
Payé en cash, le directeur leur devrait quand même de l’argent : environ 10 000 euros, d’autant que beaucoup d’entre eux ont avancé de l’argent. C’est le cas d’un salarié en CDD qui affirme avoir dû retirer de l’argent « en espèces » pour « chercher du matériel au magasin de bricolage ». En plus du travail, les employés ont également dû sortir le chien du directeur pour lui “faire ses affaires” : tâches qui ont été effectuées pendant leurs heures de travail. En échange de ces « services », le réalisateur leur a promis une évolution de carrière.
De lourdes preuves contre le chef de service
C’est ce que confirme un compte rendu de l’entretien professionnel de l’un de ces responsables, datant d’avril 2024, que France Bleu Normandie a pu analyser. « Un excellent professionnel qui mérite d’être reconnu à sa juste valeur, en étant promu au rang de contrôleur »c’est ce que dit le directeur. Outre les témoignages qu’ils ont pu recueillir, nos confrères disposent également de SMS, de vidéos et de photos qui confortent ces accusations.
Leur prime de fin d’année pour son fils
Tout aussi accablant, un rapport adressé au directeur interministériel de la police nationale (DIPN), Nicolas Bouferguene, accuse le directeur de leur avoir ordonné de “verser une partie de leur prime de fin d’année à leur fils”embauché fin 2023 dans le service, qui a donc pu bénéficier d’un complément de rémunération annuel (CIA), une prime versée exclusivement aux fonctionnaires.
Pour cela, le suspect a gonflé les primes des titulaires au maximum, jusqu’à 1 000 euros. Le directeur leur a alors ordonné de verser la somme de 500 euros en espèces aux agents contractuels… dont son fils. “J’ai reçu par virement la somme de 500 euros d’un agent titulaire, alors même que je n’ai pas le droit de recevoir de l’argent de cette prime”» a déclaré à France Bleu Normandie l’un des salariés du SDSO.
Des accusations démenties par l’accusé
Le réalisateur a « formellement » nié ces accusations. “Elle ne répondra pas sur le fond compte tenu du devoir de réserve que lui confère ce statut”, a réagi son avocate, Me Laura Kalfon, auprès de France Bleu. Si une enquête est effectivement en cours, « elle n’est pas judiciaire », a-t-elle soutenu. Enfin, le chef du département collaborerait « avec l’autorité chargée de l’enquête afin d’établir la vérité ». Par ailleurs, l’avocat assure que le directeur – toujours en poste au sein de la police nationale – “n’a aucun pouvoir de décision concernant la promotion des membres de son service.”
Le procureur de la République de Rouen, Sébastien Gallois, a confirmé qu’une enquête administrative avait été ouverte en juillet. Quant au détournement de fonds publics, “A ce stade, aucune enquête judiciaire n’est en cours.”