APRÈS UN VACCIN | Ses maux de tête amplifiés par Québec

Le processus pour obtenir une indemnisation est long et parfois chaotique. Parlez-en à Geneviève. C’est un nom fictif car Geneviève travaille en soins infirmiers. Elle croit aux vaccins. En acceptant de raconter son histoire, elle a cependant voulu éviter d’avoir des ennuis au travail et de devenir l’image du mouvement anti-vaccin. D’où l’anonymat.

«Je sais que je suis l’exception à la règle», affirme la mère. Parmi les nombreuses personnes que j’ai vaccinées au cours de ma vie, je n’ai jamais vu ça.

— Geneviève

Le vaccin

À l’automne 2017, comme chaque année, Geneviève a reçu un vaccin contre la grippe : Fluviral. Les symptômes sont apparus peu de temps après l’injection. « J’avais des vertiges, je ne me sentais pas bien et je l’ai signalé à l’infirmière », raconte Geneviève. […] Ce n’était pas un choc anaphylactique, mais je savais qu’il y avait quelque chose. »

Geneviève a commencé à ressentir des symptômes peu de temps après l’injection. (Archives Le Soleil)

Une fois à la maison, des maux de tête et de la fièvre apparaissent. Les jours suivants, elle n’a pas pu terminer ses journées de travail. Ses maux de tête s’aggravent et les éruptions cutanées s’ajoutent aux symptômes. Quatre jours après son vaccin, elle a décidé de se rendre aux urgences.

« D’après les écrits du dossier, le médecin urgentiste a conclu à une encéphalite virale ou à une encéphalite secondaire au vaccin », peut-on lire dans un jugement rendu ultérieurement. Geneviève explique que l’urgentologue lui a confirmé que son état était dû au vaccin.

Plusieurs autres consultations ont suivi, notamment en neurologie. Maux de tête, vertiges, tremblements : malgré les médicaments prescrits, Geneviève n’a presque jamais de répit dans ses symptômes. De longs arrêts maladie sont nécessaires, au fil des années. Sa dernière tentative de retour à temps partiel n’a pas abouti. Elle est de nouveau en congé d’invalidité depuis plusieurs mois.

Début 2019, Geneviève a déposé une demande au programme d’indemnisation des vaccinations.

Geneviève a attendu plus de trois ans pour obtenir une réponse à sa demande d’indemnisation. (Coops d’information)

Il a fallu un peu plus de trois ans entre le dépôt de sa demande et l’obtention d’une décision du ministre de la Santé. Au terme d’une analyse réalisée par un comité de trois médecins, le gouvernement a jugé, en mars 2022, qu’il n’y avait pas de « lien de causalité probable » entre les symptômes de Geneviève et le vaccin reçu en 2017. Sa demande d’indemnisation a été refusée.

Des avis médicaux contradictoires

Geneviève ne comptait pas s’arrêter là. Elle a décidé de faire appel au Tribunal administratif du Québec (TAQ), qui lui a donné raison l’automne dernier.

D’une part, Geneviève a soumis une lettre de son neurologue soutenant que « le diagnostic d’encéphalite post-vaccinale, posé par l’urgentiste en novembre 2017, est tout à fait possible puisqu’une étude a déjà montré une incidence de 0,5 cas d’encéphalite ». pour 10 millions de vaccins administrés contre la grippe », pouvait-on lire dans la décision rendue par le TAQ en octobre dernier.

Du côté du gouvernement, un contrat de 35 000 $ a été accordé au Dr Alex Carignan, microbiologiste-infectiologue, pour agir à titre d’expert dans le cas de Geneviève. Tout en reconnaissant que les maux de tête peuvent souvent être associés au vaccin Fluviral, il a précisé qu’ils sont de courte durée. Le Dr Carignan a conclu que les migraines vécues par Geneviève « ne sont ni d’origine infectieuse ni attribuables à la vaccination », indique la décision du TAQ.

La probabilité à 50% + 1

Dans un tel cas, la personne qui demande réparation n’a pas à prouver hors de tout doute que ses symptômes sont liés à un vaccin. « Le degré de preuve requis est une probabilité de 50 % + 1. » Pour réussir, le lien de causalité doit donc être « probable ».

Dans sa décision, le TAQ « ne remet en aucun cas en cause la valeur médicale des explications du Dr Carignan ». Il n’accepte cependant pas la conclusion du microbiologiste-infectiologue concernant les maux de tête chroniques de Geneviève.

« Il n’existe aucune preuve que la vaccination contre la grippe puisse déclencher [des migraines qui deviendront chroniques]mais il n’y a aucune preuve du contraire non plus.

— Extrait de la décision du Tribunal administratif du Québec

Le TAQ constate que la vie de Geneviève a changé le jour de la vaccination et que « plus rien n’est redevenu comme avant ». Son témoignage était « extrêmement crédible » et ses déclarations « ne sont en aucun cas remises en cause par le tribunal ».

Les juges administratifs Michèle Randoin et David Perron ont conclu que l’évolution constante des maux de tête depuis l’injection « plaide en faveur d’un lien de causalité » et que « la vaccination a joué un rôle », qu’il soit « total ou partiel », dans l’apparition des symptômes de Geneviève. Le TAQ a ainsi infirmé la décision rendue par le ministre en mars 2022.

Geneviève souffre de violents maux de tête depuis 2017. (Les Coops de l’information)

Le Québec conteste à son tour

Geneviève n’était pas encore au bout de ses peines. Le gouvernement a décidé de contester cette décision devant la Cour supérieure, qui a entendu la cause l’hiver dernier.

Devant le tribunal, la professionnelle infirmière a tenu à souligner qu’elle n’adhère en aucun cas au mouvement anti-vaccin.

« Je crois vraiment à la vaccination et aux bienfaits qu’elle apporte. »

— Geneviève

Après des mois d’attente, la décision est tombée récemment. La Cour supérieure a rejeté la « demande de contrôle judiciaire » du parti gouvernemental, qui souhaitait « réviser la légalité de la décision » du tribunal administratif.

La Cour supérieure a jugé que l’analyse du TAQ était « transparente, intelligible et justifiée ». La décision établissant un lien de causalité probable entre le vaccin et les symptômes de Geneviève était donc « raisonnable et dénuée d’erreur révisable » par la Cour supérieure.

Le processus de reconnaissance d’un lien de causalité probable entre le vaccin et les symptômes ressentis s’est étalé sur plusieurs années pour Geneviève. (Coops d'information)

Le processus de reconnaissance d’un lien de causalité probable entre le vaccin et les symptômes ressentis s’est étalé sur plusieurs années pour Geneviève. (Coops d’information)

Six ans et demi après avoir vu sa vie bouleversée, Geneviève comprend mal l’entêtement du gouvernement. Elle ne sait pas encore si la décision de la Cour supérieure fera l’objet d’un appel. Le ministère de la Santé n’a pas répondu à la demande d’informations des Coops à ce sujet.

Geneviève ne s’attendait pas à ce que tout soit réglé en quelques mois, mais ne croyait pas que son dossier s’étendrait sur autant d’années. Elle ne sait pas quand elle pourra recevoir une compensation – si le gouvernement ne prend pas de mesures supplémentaires.

« Plein d’embûches »

Geneviève a été surprise d’apprendre que Québec avait versé 35 000 $ à un expert pour son cas. «C’est plus de la moitié du salaire annuel de mon partenaire», a-t-elle déclaré. Comment pouvons-nous lutter contre cela ? […] Cela donne l’impression que la justice n’est pas juste et qu’elle n’est pas accessible à tous.

Au même moment, son assurance ne couvre plus un médicament exceptionnel prescrit pour prévenir les maux de tête, qui coûte 800 $ par mois. « Depuis que j’ai arrêté, je n’ai jamais trouvé de traitement qui m’aide à être fonctionnel à temps plein. »

Devant la Cour supérieure, Geneviève a confié avoir vécu « beaucoup d’embûches » dans le processus d’obtention d’indemnisation. Elle se demande comment des citoyens qui n’ont aucune connaissance en santé parviennent à en arriver là.

 
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