Écrit par Manale Makhchoun
Une enquête de l’AMF révèle que près de 80 % des maires souffrent de stress et d’épuisement liés à leur mandat. Si tous les élus locaux ne sont pas épargnés, les maires ruraux sont particulièrement touchés. Isolés, ils font face à une charge de travail écrasante et à un manque de ressources. Témoignages.
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En assumant seuls le poids des responsabilités, les maires ruraux risquent de s’effondrer. La santé mentale des maires ruraux est un sujet qui revient de plus en plus dans les débats, alors que le stress, la solitude et l’épuisement des élus locaux prennent des proportions alarmantes. Selon une enquête publiée par l’Association des maires de France (AMF) le 15 novembre, près de huit maires sur dix estiment que leur santé physique ou mentale est affectée par l’exercice de leur mandat. Un constat inquiétant qui résonne particulièrement fortement dans les petites communes, où les élus sont souvent laissés seuls face à des responsabilités multiples et des ressources limitées.
Dans le Puy-de-Dôme, plusieurs maires ruraux parlent des difficultés auxquelles ils sont confrontés au quotidien. Ces élus, qui assument des tâches aussi diverses que la gestion des déchets, l’entretien des espaces publics ou la sécurité des habitants, portent un fardeau bien plus lourd qu’on ne l’imagine.
Denis Legendre, maire de Moriat, commune de 400 habitants, n’hésite pas à qualifier son rôle de « prison dorée ». A la tête de sa commune depuis deux mandats, il souligne le manque de moyens qui pèse sur les petites collectivités. « Un maire d’une commune de 400 habitants reçoit 900 euros par mois. Nous ne pouvons pas vivre avec ça» dit-il, ajoutant qu’il doit gérer son entreprise de fabrication d’éclairage pour joindre les deux bouts.
La fatigue mentale qui en résulte est palpable. Selon lui, les maires ruraux sont souvent contactés pour des problèmes qui, à première vue, paraissent anodins, mais qui s’accumulent : “Si quelqu’un se plaint de deux crottes de chien devant chez lui, on appelle le maire pour régler le problème”il explique. “Cela peut paraître anodin, mais ces petites exigences s’additionnent au quotidien et, si l’on n’est pas préparé, cela peut être épuisant.”
Un autre maire du Puy-de-Dôme, François Crégut, maire de Saint-Martin-des-Plains, dresse un constat similaire. Avec 43 ans de mandat à son actif, il évoque la lassitude et l’isolement qui touchent de plus en plus les maires ruraux. « Les relations avec l’administration se sont détériorées. Il n’y a plus de visites de gendarmes ou d’autres contacts réguliers avec qui interagir. Il confie :
On se retrouve seul face à des problèmes sans avoir les moyens de les résoudre
François Crégutmayor of Saint-Martin-des-Plains (Puy-de-Dôme)
François Crégut estime également que les maires ruraux sont souvent perçus comme des figures sacrées, mais en réalité, “ils n’ont plus de fonction, plus d’autorité”. Selon lui, la charge mentale est d’autant plus lourde que les attentes des citoyens n’ont cessé de croître au fil des années, sans que les ressources pour y répondre n’aient suivi. « Faute de soutien et de motivation, j’ai souvent pensé à abandonner mon mandat »il admet,
Rachel Bournier, mairesse de Sauviat et nouvellement élue, apporte un éclairage différent sur la question de la gestion du stress. “J’ai trouvé un équilibre en compartimentant ma vie privée et ma vie professionnelle”dit-elle. Elle concède toutefois que dans les petites villes, la tentation est grande de vouloir tout gérer soi-même. « Il est important de fixer des règles, comme limiter les réunions après 18 heures »conseille-t-elle, soulignant que de nombreux élus préfèrent cacher leur fatigue et leurs doutes, de peur d’être perçus comme faibles.
Cette pression est encore plus forte pour les femmes maires, comme le souligne Michelle Gaidie, maire de Saint-Bonnet-près-Orcival et présidente des élues du Puy-de-Dôme. « Dans les petites villes, les maires font tout : de l’administration à l’entretien des bâtiments publics »explique-t-elle. « Les demandes sont constantes, mais les moyens humains et financiers font cruellement défaut. » Elle souligne l’importance de la solidarité entre élus pour faire face à ces difficultés, soulignant que l’entraide est indispensable pour éviter l’épuisement.
Selon l’édile, les maires ruraux ont besoin d’un soutien, non seulement matériel et financier, mais aussi psychologique. « Il est urgent de mettre en place des espaces d’écoute, des formations adaptées et des mécanismes d’accompagnement aux niveaux local et national. Car si l’épuisement des maires ruraux n’est pas un sujet tabou, il reste un enjeu majeur pour le bon fonctionnement de nos collectivités et la santé des élus ».
L’enquête de l’AMF a été réalisée en ligne auprès de 5 000 maires. Plus de 3 000 ont complété intégralement le questionnaire de 60 questions, précise l’association, indiquant que l’échantillon est représentatif de l’ensemble des conseillers municipaux en exercice en avril 2024.