Pour la réouverture officielle, le 8 décembre, le Pape ne sera pas là et le Président prendra enfin la parole sur la place… Peu importe ! Ce vendredi 15 novembre, Notre-Dame est revenue à Notre-Dame, et c’est là l’essentiel. La cathédrale est réanimée, au sens étymologique du terme. Elle est la première à entrer. Il provient de Saint-Germain-l’Auxerrois, où il a été installé lors des travaux. Dans les rues de Paris, une immense procession aux flambeaux l’accompagnait. La statue – un fac-similé, car l’original, trop fragile, a été transportée directement par camion –, sur un châssis fleuri, est portée par les Chevaliers du Saint-Sépulcre. De loin, vues du Pont-Neuf, les bougies allumées en serpentin sur les quais étroits de la Seine ressemblent aux « lucioles sortant de la grande catacombe » cher à Philippe de Villiers.
Le miracle
Savez-vous que cette statue de deux mètres est appelée « la miraculeuse » ? Cette Vierge intacte au milieu des décombres était un concentré d’espoir dans la déréliction générale. L’abbé Stéphane-Paul Bentz, aumônier de Notre-Dame, prend la parole, le FCRde ” prodige » : « Il y avait un tas de pierres et de bois à ses pieds, mais elle restait debout. » Il y voit tout un symbole : « Dans la tradition chrétienne, la Vierge qui reste debout est la Mère était debout : la Vierge debout au pied de la Croix. »
Si l’on en croit le site Internet de la boutique Notre-Dame qui propose une reproduction aux touristes, « à partir du 12e siècle, un autel dédié à Marie était accolé au pilier sud-est de la cathédrale. Ce lieu est un haut lieu de dévotion depuis le Moyen Âge. » Mais c’est bien plus tard, en 1818, que l’architecte Viollet-le-Duc remplace la Vierge du XIIIe siècle.e siècle, détruite à la Révolution par une Vierge à l’Enfant : cette « nouvelle » sculpture date du milieu du XIVee siècle. Il provient de la chapelle Saint-Aignan, située dans l’ancien cloître des chanoines, sur l’île de la Cité.
Claudel et Huysmans
C’est auprès d’elle qu’on appelle aussi « la Vierge du Pilier » que se convertit le poète Paul Claudel, lors des vêpres de Noël de 1886 : « J’étais debout dans la foule, près du deuxième pilier à l’entrée du chœur, du côté droit de la sacristie. Et c’est alors que s’est produit l’événement qui a dominé toute ma vie. En un instant, mon cœur a été touché et j’ai cru.. Dans son livre La CathédraleHuysmans décrit le visage de pierre : « La bouche se contracte en une moue et prédit des pleurs. Peut-être qu’en parvenant à imprimer à la fois sur le visage de Notre-Dame ces deux sentiments opposés, la tranquillité et la peur, le sculpteur a voulu lui faire traduire à la fois la joie de la Nativité et la douleur anticipée du Calvaire. » Sauf que cette fois, la douleur (du feu) a précédé la joie (du grand retour).
Pour mémoire (actualité oblige), en juillet 2017, Melania Trump, en marge d’une visite officielle de son mari, s’était rendue à Notre-Dame en compagnie de Brigitte Macron. Deuxième « première dame » – après Jackie Kennedy – de foi catholique, elle a tenu à aller vénérer la couronne d’épines et a placé deux bougies devant ladite statue. Monseigneur Patrick Chauvet, qui leur servait de guide, les avait accueillis en ces termes : « Ici, il y a une première dame à visiter ! C’est Notre-Dame de Paris qui vous accueille, la maîtresse de maison et surtout la plus belle femme du monde ! » Donald Trump, lui aussi, est très attaché à Notre-Dame : « C’est tellement terrible d’assister à ce gigantesque incendie à Notre-Dame de Paris. Peut-être devrions-nous utiliser des bombardiers d’eau pour l’éteindre. Il faut agir vite », a-t-il très vite tweeté (un peu agaçant, avec ses conseils aussi radicaux qu’expéditifs, les Français). Et plus tard, lors d’une réunion, il déclara que cette cathédrale était « l’un des grands trésors du monde », « probablement plus grand que presque tous les musées du monde « . Le nouveau président des États-Unis est considéré comme un cabot et un misogyne ; il y a au moins une « dame » qu’il respecte.
La « dame » sur son pilier
La « dame » – c’est ainsi que l’appelait sainte Bernadette, à Lourdes – trouva donc sa place sur le pilier. Pendant ce temps, les cloches sonnaient. Le plus dérangeant (et le plus touchant) ? Entendre les mêmes prières, les mêmes hymnes que ceux que la foule rassemblée spontanément avait scandés devant la cathédrale en feu il y a cinq ans. Le cercle est bouclé. Les cathédrales seraient des catéchismes en images : les pérégrinations de cette Vierge à l’Enfant racontent à elles seules l’incarnation, la passion, la rédemption et la résurrection. Même la symbolique de son entrée dans la cathédrale alors que les fidèles restent encore sur la place. La mère souffrait il y a cinq ans, elle l’est aujourd’hui Bonne porte du paradiscomme dans le cantique grégorien médiéval Ave maris stella : heureuse porte du Ciel qui précède les élus.
Loin des politiques, notables et prélats qui se presseront à l’intérieur, le 8 décembre, le « vrai » retour de Notre-Dame a eu lieu ce vendredi.
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