Près de deux ans après les grands incendies de Gironde, la coopérative Alliance Forêt bois s’apprête à lancer des opérations de reboisement. A l’occasion de l’assemblée de la section Gironde et Lot-et-Garonne à Préchac mercredi 12 juin, le président Édouard Bentéjac et le directeur Stéphane Viéban font le point sur la replantation du massif.
8 000 hectares de forêt appartenant à Alliance Forêt bois ont brûlé en 2022.
Guillaume Bonnaud/Sud Ouest
Combien d’hectares de pins gérés par votre coopérative ont brûlé dans les incendies de Gironde en 2022 ?
SV Sur les 30 000 hectares brûlés, 8 000 appartiennent aux membres de l’Alliance, dans le Sud-Gironde et le Médoc.
EB C’est considérable. Mais malheureusement, nous y sommes habitués. Lors de la tempête Klaus en 2009, 200 000 hectares ont été détruits. Alliance en a reboisé près de la moitié. C’est l’une des forces et des raisons d’être de la coopérative : gérer le quotidien et se mobiliser lors des crises.
Quel manque à gagner pour les propriétaires ?
EB Sur bois mature, même s’il a été coupé un peu plus tôt que prévu, dans l’ensemble, le membre propriétaire s’en sort bien. Le déficit est cependant plus important dans les peuplements jeunes. A moins de 10 ou 12 ans, le bois n’était pas commercialisable, c’était une perte sèche sur un bon tiers de la surface brûlée.
SV Ce bois était broyé et vendu pour alimenter de grandes chaudières. Cela n’a rien apporté aux propriétaires, mais cela a permis de financer l’enlèvement de ces petits morceaux de bois.
VE Il faut ajouter la perte à venir en capital des bois intermédiaires d’une vingtaine d’années qui n’ont pas été amenés à maturité et valorisés comme ils auraient dû l’être. On est sur un ratio de un à quatre entre le pin de 20 ans et le pin de 40 ans.
Avez-vous commencé à reboiser ?
SV Il a fallu attendre à cause du risque d’hylobe. C’est un ravageur du pin naturellement présent en forêt. Quand on coupe le pin, il reste présent dans les souches. Et si on plante juste après, ces petits insectes viennent sucer la sève des nouveaux plants et les font mourir en cas d’attaque importante. Il vous faut un vide sanitaire d’au moins un à deux ans. La grande campagne de reboisement débutera à l’automne 2024.
En quoi consiste le travail ?
EB Le premier travail consiste à utiliser le rouleau landais pour finir de casser les branches et les souches. Ensuite nous labourerons par bandes, soit environ 40% de la parcelle. Ensuite nous émietterons et enfin planterons à la main des plants de 20 cm de haut en rang, espacés de 1,80 mètres.
Combien de plants cela représente-t-il sur ces 8 000 hectares gérés par Alliance ?
EB Nous plantons entre 1 200 et 1 400 plants par hectare. Cela représentera près de 10 millions d’arbres. Les plants sont produits dans nos pépinières et proviennent de nos vergers à graines avec la meilleure qualité génétique possible pour nos adhérents. Soit VF3. « V » pour vigueur avec une croissance de 35 à 40 ans pour arriver à maturité. « F » pour forme : ils sont plus rectilignes. Compte tenu de la courbure du pin maritime, nous avons scié à 2 ou 2,50 m. Notre objectif est de développer la production de bois de 4 m avec des arbres plus droits pour attaquer des marchés internationaux très précieux. « 3 » signifie troisième génération.
De quelle aide financière bénéficiez-vous ?
EB Dans le cadre du plan de relance France 2030, l’État a décidé d’aider à hauteur de 80 % les forestiers concernés pour les opérations de reboisement.
SV C’est la première fois que l’État finance un plan de reboisement après un incendie. Cela comprend la préparation du sol, le coût des plants et l’entretien des parcelles. Ce sont des dossiers très complexes à constituer, propriétaire par propriétaire, parcelle par parcelle. Cela représente une aide de 10 millions d’euros pour les membres de l’Alliance.
Des voix s’élèvent contre la monoculture du pin. Est-ce que vous replantez différemment ?
EB Avec des incendies comme ceux que nous avons connu en 2022, tout brûle. Nous plantons ce qui pousse. Mais dans les Landes, à part le pin, il ne pousse pas grand-chose. En revanche, nous veillons lors de la replantation à respecter les éléments environnementaux tels que les forêts riveraines. Ils sont conservés s’ils n’ont pas été détruits lors de l’incendie. Sinon, nous replantons des feuillus dans le lit principal du cours d’eau.
SV Nous recommandons également des bordures de feuillus en bordure de parcelle. Les propriétaires bénévoles peuvent être accompagnés dans cette démarche par le fonds de dotation Plantons pour l’avenir.
Quand retrouverons-nous les paysages d’avant l’incendie ?
EB D’ici douze ou treize ans. Après la première éclaircie, nous commencerons à avoir quelque chose qui ressemble à un paysage forestier.
