Aux Antilles, la haine ne peut pas passer par nous – Libération – .

Après un vote massif pour l’extrême droite aux élections européennes, Serge Letchimy, le président du Conseil exécutif de la collectivité de Martinique, lance un appel aux habitants d’outre-mer : dans la perspective des élections législatives, il faut rester exigeant, intraitable, face à ceux qui tentent de manipuler nos frustrations.

Martiniquais, Martiniquais, mes chers compatriotes, aujourd’hui, je vous parle avec un cœur brûlé, une bouche amère. Nous, peuples des Antilles – descendants de peuples amérindiens génocidés, fils d’Africains déportés dans les enfers de l’esclavage, fils aussi de ces hommes, de ces femmes, arrachés à l’Inde, à la Chine, à la Palestine, à la Syrie ou au Liban, dans des conditions barbares – nous avons traversé des siècles de souffrance, de luttes incessantes mais aussi d’héroïsme obstiné et de résilience marron.

Notre histoire est marquée par des effondrements complets de cultures et de civilisations, mais aussi par des renaissances inattendues et des sursauts passionnants. Nous avons vécu cela « crachat omni-niant ! » dont parlait Césaire. Nous avons enduré les chaînes du corps et de l’esprit, les brutalités de la colonisation, les blessures abjectes du racisme, les angoisses que subissent encore les minorités humiliées aux quatre coins du monde. Chacune de nos générations a dû surmonter des obstacles terrifiants pour préserver intacts les trésors de dignité, d’humilité sereine et d’humanité fière. Ils ont gravé certaines des plus belles pages de l’expérience humaine. La haine ne peut donc pas passer à travers nous.

Une idéologie qui menace tous les fondements de l’État de droit