« Toute notre vie est dans des cartons », un an après le séisme en Charente-Maritime

Un première alerte en début d’après-midi, une autre quelques secondes avant l’« explosion » de 18h38, précédant celle de 4h27. Les habitants des communes de La Laigne, Cramchaban, Sainte-Gemme et La Grève- sur-Mignon ne sont pas prêts d’oublier ces brefs instants où la terre a tremblé, sans compter les quelque 600 répliques jusqu’au mois d’octobre, dues à la rupture d’une faille inconnue à cinq kilomètres sous leurs pieds.

Pas de victimes, mais environ 5 000 bâtiments endommagés autour de ce secteur, situé entre Charente-Maritime, Vendée et Deux-Sèvres, dont 148 maisons déclarées inhabitables et autant de familles sinistrées. Un an plus tard, La Laigne, village le plus touché, apparaît comme un immense chantier en cours. Presque partout, les murs sont soutenus par des étais, les toits sont recouverts en partie ou en totalité. Les cicatrices sont encore visibles à quelques kilomètres de là, à Cramchaban, où là aussi des familles sans autre logement alternatif ont été hébergées dans des mobil-homes. Les résidents ont également choisi de séjourner à proximité de leur domicile, dans une caravane ou un mobil-home placé dans leur jardin.

« Au moins on est chez nous », soulignent Élodie Raggi et Alban Licheron. Ce couple de trentenaires, parents de deux enfants de 6 et 2 ans, s’est installé en 2014 dans l’ancienne laiterie de Cramchaban, qui surplombe la plaine de l’Aunis, classée noire (inhabitable) après le séisme. Neuf années de travaux de rénovation réduites à néant en quelques secondes. « Toute notre vie est dans des cartons. Nous avons choisi de rester pour surveiller la maison qui est isolée et être proche de nos affaires. On s’est dit aussi qu’on pouvait suivre les travaux. Nous ne pouvions pas imaginer ce qui s’est passé ensuite. »


L’ancienne laiterie de Cramchaban est l’une des maisons les plus endommagées par le séisme.

Frédéric Zabalza/SO

La proximité a un coût, celui du mobil-home acheté à leurs frais (25 000 euros branchement compris). La famille est passée de 1 500 à 36 mètres carrés. Rien de comparable au « marchandage » avec l’expert en assurance, puis avec la banque. « Pas de côté humain, juste de l’argent pour l’argent », résume Élodie. L’assurance estime la réparation à 495 000 euros, dont 150 000 à la charge des propriétaires. Trop pour eux. Ils décident donc d’utiliser l’argent pour acheter une autre maison, à Benet (Vendée). « On se donne quatre ou cinq ans pour voir ce qu’on fait de la maison, pour se donner le temps de faire les travaux nous-mêmes. »


Élodie et Alban dans le mobil-home de 36 m² acheté à leurs frais.

Frédéric Zabalza/SO

Un souhait pour Noël

Un peu à l’écart de la commune de Cramchaban, Roland Druhet vit également dans un mobil-home, mis à disposition par les propriétaires de son logement, dans un hangar situé juste en face. Au contraire, il n’y dort que. À 80 ans, impossible de quitter ce qui est pour lui « comme une maison familiale ».

« Ma mère est née à 200 mètres de là, j’y viens depuis que je suis petit », sourit le retraité, confiant qu’il a été « l’un des premiers clients » à consulter l’unité psychologique. L’attachement au lieu et aux « jeunes voisins bien élevés » l’ont fait rester malgré le traumatisme. Même si la maison est classée noire, il y revient tous les jours, à ses risques et périls. Pourtant, il y a deux semaines, les travaux ont commencé. Elles seront certes longues, mais il y a de l’espoir. « Mon rêve est d’y passer Noël et le Nouvel An. »


Roland Druhet devant la maison où il habite, où les travaux ont enfin commencé.

Frédéric Zabalza/SO

À quelques rues de là, chez Carole Faucher, les maçons entreront eux aussi en action, dès mardi prochain. Trois semaines de préparation avant de démolir un pan de l’ancien mur en moellons de sa maison et de la reconstruire plus solidement, « avec deux rangées de parpaings ». Depuis un an, la retraitée, qui s’inquiète toujours à chaque bruit non identifié, n’arrive pas à se résoudre à quitter l’endroit où elle vit depuis quarante-trois ans déjà. D’abord classée noire, la maison a été reclassée en rouge par l’expert. « J’ai pu vivre du côté qui n’était pas trop affecté. De toute façon, j’aurais mis quelque chose dans le jardin pour rester ici. »

A La Laigne, parmi les maisons vides, en attente de travaux ou à vendre, la fumée d’un grill trahit la présence de Lise et Alex. Le jeune couple s’y est installé après le tremblement de terre de décembre dernier. Sans crainte. « Nous avons quand même veillé à ce qu’il soit habitable et le propriétaire a fait quelques travaux. » Les locataires admettent que la décoration a tout d’une « ville fantôme », mais ils s’y sentent bien. « Il faut relancer les commerces, redonner un peu de vie. Après, si on avait eu des enfants, rien ne dit qu’on serait venu vivre ici… »

« Les choses avancent plus vite »

Pour Matthieu Priez, président du collectif Séisme La Laigne, il y a « un avant et un après le 25 avril », date à laquelle une vingtaine de compagnies d’assurance se sont engagées à prendre en charge les frais de relogement des victimes du séisme. . « 30 % des dossiers concernant les maisons les plus touchées ont été traités à cette date. Aujourd’hui, nous sommes à mi-chemin. Cela n’a l’air de rien, mais ça avance plus vite », assure celui qui a dû pousser un « coup de gueule » début avril. L’intervention du Premier ministre, la pression du préfet de Charente-Maritime et des parlementaires ont contraint les assureurs à prendre leurs responsabilités. « Désormais, les case managers viennent directement sur site », se félicite Matthieu Priez. Une ombre cependant : « Nous avons réussi à rassembler les parlementaires de tous bords pour faire évoluer la législation sur la prise en charge des sinistrés. La dissolution a tout arrêté. Nous devons continuer à nous battre. »

 
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