La sexualité a connu des “changements majeurs” en 10 ans en France, selon une vaste enquête publiée mercredi qui révèle des “pratiques plus variées”, moins majoritairement hétérosexuelles, des relations moins fréquentes et un niveau de violence qui reste préoccupant. Ces évolutions “s’inscrivent pour la plupart dans le long terme, bien avant #Metoo”, a souligné Nathalie Bajos, sociologue et directrice de recherche à l’Inserm, lors de la présentation de cette enquête publiée par son institut, l’ANRS Maladies infectieuses et santé publique France. .
Des pratiques qui ont évolué
Fruit de cinq années de travail, cette enquête sur le « contexte des sexualités en France 2023 » est la quatrième enquête scientifique depuis 1970 à étudier la vie affective et sexuelle en France et à la replacer dans le contexte des évolutions sociétales.
Elle s’appuie sur les réponses à un questionnaire téléphonique auprès de plus de 31 000 personnes âgées de 15 à 89 ans, tirées au sort, en France métropolitaine et dans quatre territoires d’outre-mer (Martinique, Guadeloupe, Guyane, Réunion). Dans ses premiers résultats pour la France métropolitaine, l’enquête montre “une augmentation” de l’âge médian au premier rapport sexuel, à 18,2 ans pour les femmes et 17,7 ans pour les hommes en 2023.
Le nombre moyen de partenaires des femmes de 18-69 ans ayant déjà eu des rapports sexuels est passé de 3,4 partenaires en moyenne au cours de leur vie en 1992 à 4,5 en 2006 et à 7,9 en 2023. Pour les hommes, ces chiffres, stables entre 1992 et 2006 autour 11, a augmenté « sensiblement » à 16,4 partenaires en moyenne en 2023. Le répertoire des pratiques s’est enrichi « significativement diversifiée », de plus en plus d’hommes et de femmes déclarent avoir expérimenté des pratiques sexuelles autres que les rapports vaginaux (masturbation, sexe oral et rapport anal).
Une augmentation des relations sexuelles non consensuelles
Dans le même temps, certains indicateurs d’activité sexuelle ont diminué. En 2023, 77,2 % des femmes (contre 82,9 % en 2006) et 81,6 % des hommes (contre 89,1 % en 2006) âgés de 18 à 69 ans ont déclaré avoir eu une activité sexuelle avec un partenaire au cours des 12 derniers mois. Les résultats montrent également une diminution chez les femmes, depuis 2006, de la fréquence des relations sexuelles acceptées pour plaire à son partenaire sans vraiment le vouloir soi-même.
Autre phénomène notable : la proportion de personnes exerçant une sexualité non exclusivement hétérosexuelle « augmente de manière très significative », et « les femmes déclarent pour la première fois en 2023 plus d’expériences avec des personnes du même sexe que les hommes ».
La mobilisation sociale contre les formes de violences sexuelles a également « modifié les cadres normatifs du consentement », mais l’enquête « dresse un tableau de l’ampleur de ces violences qui reste préoccupant ». Ainsi, 29,8% en 2023 des femmes âgées de 18 à 69 ans ont déclaré avoir subi un rapport sexuel forcé ou une tentative de rapport sexuel forcé, contre 15,9% en 2006. Chez les hommes, ces chiffres sont passés de 4,6% en 2006 à 8,7% en 2023.