Le département de l’Hérault, comme beaucoup d’autres en France, est confronté à une profonde crise budgétaire. Une série d’arbitrages a été faite par Kléber Mesquida qui vise à réduire drastiquement les aides aux communes et les multiples dépenses d’investissement de la collectivité. Explications.
Nous avons appris cette semaine que le Département suspendait son budget participatif pour les associations, mais cette mesure ne représente qu’une petite partie des économies que vous avez décidé de réaliser.
Lorsque nous avons lancé le budget participatif, nous n’avions pas la visibilité que nous avons aujourd’hui. Nous allons donc le suspendre comme nous allons arrêter les opérations de partenariat. Si nous pouvons reprendre ces projets fin 2025, nous conserverons les mêmes projets pour les valider. Mais aujourd’hui nous sommes plus que dans le brouillard, nous sommes sous l’eau.
Pourquoi la communauté en est-elle arrivée à ce point ?
Tout d’abord, il faut savoir que 29 ou 30 départements sont dans des situations très critiques. L’association des départements estime que 85 départements seront dans la même situation fin 2025. C’est général, ce n’est pas imputable à une mauvaise gestion, nous n’avons rien fait. Notre fiscalité a été remplacée par une part de la TVA nationale. Chaque année, nous dépendons de la croissance. Entre la notification en début d’année et celle en fin d’année, les recettes de l’État ont diminué de 31,20 millions d’euros. Ensuite, il y a des charges supplémentaires que nous assumons mais imputables à l’Etat. Nous disposons par exemple de six assistantes sociales dans les commissariats et les gendarmes pour accompagner les femmes victimes de violences. Dans les services sociaux, nous sommes obligés de recruter, nous allons donc réintégrer ces six agents dans nos services. Lorsque nous évaluons et hébergeons des mineurs non accompagnés, 1,50 million d’euros ne nous sont pas remboursés. L’État a également décidé de verser la prime Ségur aux maisons de retraite, représentant 4,50 millions d’euros de charges supplémentaires. Ensuite, nous avons des dépenses décidées par l’État sans compensation : la revalorisation du RSA, l’augmentation du Smic. C’est justifié, on ne les remet pas en cause mais ce n’est pas compensé. Au total, ce que l’État a mis en place sans compensation s’élève à environ 24,10 millions d’euros. Au total, avec les 31,20 millions d’euros, cela fait 55 millions d’euros.
En parallèle, le Département doit-il encore faire face à la baisse des droits de mutation ?
C’est un fait économique. Tout le monde sait que le marché immobilier s’est effondré. La perte de recettes des DMTO est de 52 M€ en 2024. Nous sommes à 236 M€ contre 288 en 2023. Nous sommes donc à moins 107 M€ sur le budget 2024.
Quelles mesures d’économies comptez-vous prendre ?
Bien sûr j’expliquerai aux communes et aux associations qu’on ne peut pas emprunter pour les subventionner. Nous allons donc arrêter les aides aux communes. Tout compris, c’est environ une quarantaine de millions d’euros.
Un arrêt complet ?
Presque. Seule exception, lorsque des aides ont été votées par l’Etat ou la Région et que les communes attendent que le Département lance le projet, alors nous viendrons. Je ne veux pas que nous soyons responsables de l’annulation des chantiers de construction. En 2021 nous avons emprunté pour subventionner les communes mais nous le faisons une fois pas deux et nous n’étions pas dans la même situation financière. Si l’on supprimait les réserves de 26 millions d’euros du DMTO que nous avons injectées en 2024, nous aurions terminé l’année en déficit. Pour 2025, avec le remboursement du prêt, nous attaquerons l’année avec un déficit de 61,70 millions d’euros sans avoir rien fait.
La nouvelle ligne Montpellier-Perpignan n’est pas
Quelles coupes à blanc sont prévues ?
En gros, il y a la nouvelle ligne Montpellier-Perpignan. Cela représente 3 millions d’euros par an. L’État dit aux collectivités d’avancer… Je dis non. Dans le volet routier du contrat de plan État-Région, nous ne sommes pas en mesure d’apporter notre contribution, notamment pour la déviation de Lunel. C’est également le cas du canal du Rhône à Sète. Pour les routes, nous maintiendrons uniquement des opérations de sécurité absolue. Le programme de renouvellement des couches de moquette attendra si la route est en bon état. Concernant la loi Plein Emploi, les services me disent qu’il est compliqué de quantifier les surcoûts générés pour l’accompagnement. Nous n’avons pas le cryptage donc nous nous arrêtons. Pour l’hébergement des femmes victimes de violences conjugales qui relève de la responsabilité de l’Etat, c’est une dépense de 1,20 M€, on s’arrêtera aussi. Que l’État loue les chambres d’hôtel.
Avec toutes ces économies, parviendrez-vous à maintenir un budget équilibré en 2025 ?
Non, car rien qu’avec le remboursement du capital des emprunts, nous serions obligés d’emprunter. C’est donc un équilibre fictif. Et en 2025, il faut ajouter les investissements qui ont fait l’objet d’un marché public. Pour le Lien par exemple. Si je dénonce le marché – c’est impensable – l’entreprise pourrait me demander une compensation, c’est son droit, donc nous continuerons. Aux collèges de Juvignac et de Maraussan, nous les fournirons mais avec des prêts. Le montant des prêts que nous afficherons sera effrayant. Sur les travaux dans les collèges, les extensions, l’imperméabilisation des cours, nous ne pourrons pas le faire. Mais en ce qui concerne la sécurité, nous le ferons. Il faut savoir que la maintenance informatique des collèges, qui était prise en charge par l’État, nous coûte environ 17 millions d’euros. A force d’accumuler les transferts de charges, cela finit par être insupportable.
En 2025, le département de l’Hérault devrait échapper à l’effort d’économies demandé par le gouvernement aux collectivités. En avez-vous la confirmation ?
Nous n’avons pas de confirmation officielle mais cela montre que les finances des départements concernés sont réellement en difficulté. Mais le fonds de compensation de la TVA pour nos investissements va baisser de deux points. Cela représente un impact de 3 millions d’euros. En 2025, quand j’additionnerai les dépenses et les recettes, je ne sais pas comment je compléterai mon budget de fonctionnement avec l’augmentation mécanique des charges obligatoires, l’aide sociale à l’enfance, l’APA, l’allocation d’invalidité, le RSA, c’est 800 millions d’euros hors frais de personnel. Je suis dans une impasse absolue.
Les sujets comme l’eau et l’irrigation des terres restent-ils vos priorités ?
Nous continuerons à aider à la recherche, au forage, à la rénovation des canalisations, à l’assainissement. Mais les salles polyvalentes, les skateparks, les courts de tennis on dirait non.
Envisagez-vous des conséquences pour la main-d’œuvre de la communauté ?
Nous avons des missions à assumer. En revanche, j’ai demandé aux services de rationaliser au maximum si quelqu’un part en arrêt maladie. Nous allons faire de la piscine. Nous serons très vigilants sur les remplacements et les départs à la retraite.
Pensiez-vous vous retrouver si rapidement dans cette situation ?
Je suis au Département depuis trente ans, je n’ai jamais vécu ça, c’est une obsession, ça me ronge constamment. Ce qu’on a fait à Bayssan, dans les départements on ne pourrait plus le faire aujourd’hui.