« La passion est la même qu’au Mondial 2006 », affirment les anciens Girondins Dieter Müller et Gernot Rohr

« La passion est la même qu’au Mondial 2006 », affirment les anciens Girondins Dieter Müller et Gernot Rohr
« La passion est la même qu’au Mondial 2006 », affirment les anciens Girondins Dieter Müller et Gernot Rohr

Ils se sont rencontrés il y a 40 ans, le défenseur accueillant l’attaquant sur le bassin d’Arcachon pour mieux l’intégrer. Depuis, ils ne se sont jamais perdus de vue, le premier venant même fêter les 70 ans du second le 1er avril près de Francfort où ils résident. Les Allemands Gernot Rohr et Dieter Müller ont fait le bonheur des Girondins, en remportant ensemble deux titres de champion en 1984 et 1985. Alors que débute ce vendredi l’Euro dans leur pays, l’actuel sélectionneur du Bénin, qui a remporté lundi un succès historique face au Nigeria lors des éliminatoires du Coupe du monde 2026, et l’ancien international (9 buts en 12 sélections) et ex-président des Kickers Offenbach (D2 allemande) revient au « Sud Ouest » sur la compétition, l’approche du football dans son pays et les forces en présence.

La Coupe du monde 2006 en Allemagne a été un succès populaire. Ressentez-vous la même attente ?

Dieter Müller. Oui. J’ai hâte que ça commence. Le football allemand est en grande forme, il y a beaucoup de passion. A mon époque, par exemple, on jouait à Dortmund devant 10 ou 15 personnes. Maintenant, c’est 60 000 à chaque match. Je regarde le football français et je n’ai pas l’impression de voir la même passion, sauf peut-être à Lens. Philippe Lahm (président du comité d’organisation de l’Euro) était un grand joueur. C’est une personne très honnête, assez timide mais qui se révèle être un excellent organisateur. Le problème du football à mes yeux, c’est qu’il y a trop d’argent qui prend le dessus : Paris SG, Bayern Munich, UEFA, FIFA, organisation de la Coupe du monde au Qatar… Mais les spectateurs viennent au Stadium. J’ai acheté quelques billets à des amis pour le match d’ouverture : la place coûtait 500 euros, même sans manger ni boire compris. Pour la finale, idem.

Gernot Rohr. En 2006, c’était magnifique. Je ressens la même passion. Toute ma famille prévoit d’aller voir des matchs. Il y a aussi un autre contexte. Après la Coupe du monde au Qatar en 2022, l’Allemagne veut célébrer un football de liberté, de démocratie et de culture ouverte. Il y a un rôle qui va au-delà du sport : c’est l’Euro de liberté, d’émancipation. C’est un défi de montrer que le football peut s’épanouir, que personne ne peut être critiqué pour une quelconque orientation.

Allez-vous voir des matchs ?

Dieter Müller. Bien sûr, mais surtout à la télévision. Je suis invité au Danemark – Angleterre par un ami avec qui j’ai travaillé lorsque j’étais Team Diner au Dynamo Dresden. Je suis allé à Dortmund pour la demi-finale de Ligue des champions contre le Paris SG mais à mon âge je suis plus fatigué avec autant de monde.

Gernot Rohr. Ma famille vit à Mannheim, près de Francfort. J’ai acheté des billets pour France – Pologne (le 25 juin à Dortmund) et Portugal – Géorgie qui se joueront ensuite (à Düsseldorf) le lendemain. Ensuite, je verrai en fonction des résultats pour aller voir d’autres matchs lors des tours éliminatoires.

La sélection allemande reste sur trois compétitions ratées (éliminations de groupes aux Coupes du monde 2018 et 2022, huitièmes de finale à l’Euro 2021). Comment l’expliquez-vous ?

Dieter Müller. Nous avons eu des problèmes offensifs. Il manquait un attaquant finisseur et des joueurs offensifs talentueux sur les flancs.

Gernot Rohr. L’année 2022 a été une grosse déception. Mais elle a mal commencé. J’ai tout de suite senti que le climat allait être compliqué : ils ont pris cette photo la main devant la bouche (pour dénoncer les consignes de la FIFA de ne pas prendre parti sur les lois répressives, NDLR), certains dont Philippe Lahm ont boycotté. On a ressenti un rejet des Allemands pour cette Coupe du Monde et à l’inverse un rejet de la part des Qataris, voire de la FIFA, de l’Allemagne. Contre le Japon (1-2), ils ont encaissé le but alors que le ballon passait à côté.

Comme à chaque fois que le pays descend au classement FIFA, il y a eu une grande remise en question. L’approche de la sélection des joueurs a changé : le blocage du Bayern est moins important ; l’entraîneur a changé. Si Julian Nagelsmann (entraîneur depuis octobre dernier, NDLR) est allé au Bayern, cela a été de courte durée. Cela apporte de la fraîcheur.

Pensez-vous que la Mannschaft peut gagner cette année ?

Dieter Müller. Avec Julien Nagelsmann, je pense qu’ils ont trouvé un bon entraîneur. Les six derniers mois ont été difficiles, avec notamment une défaite contre l’Autriche (2-0, le 21 novembre). Mais ils se sont aussi imposés contre la France (2-1, le 23 mars). Nous avons une bonne équipe, avec Florian Wirtz qui est jeune mais qui est actuellement l’un des meilleurs joueurs offensifs d’Europe. Il y a aussi Jamal Musiala. Je pense qu’elle a le potentiel pour aller en demi-finale et même être championne d’Europe avec le soutien du public, l’euphorie.

Gernot Rohr. Il y a un renouveau au niveau des clubs et la sélection s’en ressent : Dortmund, le Bayer Leverkusen, Stuttgart sont représentés. Cela pourrait être une bonne chose pour le football allemand. Il y a une envie palpable d’aller de l’avant, la contribution du public. C’est le bon moment pour revenir au haut niveau.


Dieter Müller (2e à partir de la droite) et Gernot Rohr (à droite) avec Bernard Lacombe lors de la victoire contre le Dinamo Bucarest en novembre 1984 (1-0).

SUD-OUEST

Que pensez-vous de l’équipe de France ?

Dieter Müller. C’est aussi une très bonne équipe. Elle fait partie des favorites, elle a Kylian Mbappé. Je l’ai vu à Dortmund. C’est un grand joueur et je me demandais s’il était bon. Je ne sais pas exactement à quoi m’attendre. Didier Deschamps est un entraîneur très fort. Mais Olivier Giroud est au bout. Derrière, Dayot Upamecano a des qualités, va très vite, mais a réalisé une saison assez faible avec le Bayern Munich. Nous devons voir.

Gernot Rohr. La France est favorite car il y a une continuité. Un entraîneur n’a pas beaucoup de temps et c’est un avantage d’être là depuis longtemps. Le groupe est à la fois rajeuni à certains postes et dispose de joueurs capables de faire la différence individuellement. Les derniers résultats lors des compétitions internationales parlent en leur faveur. On ne recherche pas le spectacle, mais l’efficacité : et pour cela, Didier Deschamps a fait ses preuves.

Les Bleus et la Mannschaft se sont rencontrés 11 fois depuis 2012, dont cinq fois en matches amicaux. Existe-t-il une rivalité footballistique franco-allemande ?

Dieter Müller. Certainement pas ! A Bordeaux, tout le monde était très gentil avec moi et c’est encore le cas à mon retour. De nombreux joueurs de l’équipe de France évoluent aujourd’hui en Bundesliga (huit, NDLR). Ce sont deux grandes nations du football. J’ai joué avec Schumacher et ce qu’il a fait à Patrick Battiston (en demi-finale du Mondial 1982, NDLR) n’était pas bon. Mais c’est du passé.

Gernot Rohr. Après la demi-finale à Séville, je me souviens que nous et les Girondins avons été sifflés sur tous les terrains à l’extérieur. Cette rancune n’existe plus. Depuis, il s’est passé des choses, notamment le match du 13 novembre 2015 à Paris où les deux équipes ont vécu ensemble les attentats dans les vestiaires. Il y a une amitié.

Vu du côté allemand, le football français est très apprécié : il suffit de regarder le nombre de joueurs français ayant joué au Bayern. Je me souviens qu’après la déception de la Coupe du monde 1998 et la victoire de la France, la Fédération allemande m’avait invité à découvrir le fonctionnement de l’entraînement. Ils ont mis en place un système inspiré de ce qui se faisait déjà.

Selon vous, quels sont les autres favoris ?

Dieter Müller. L’Espagne est très forte. L’Italie en est également capable mais a connu des difficultés lors des derniers matches amicaux. Le Portugal aussi : Ronaldo reste un grand joueur mais n’est plus le même. Il a marqué deux fois contre l’Irlande du Nord mais ce n’est pas une nation de référence. Les Pays-Bas et la Belgique ne sont pas mauvais. C’est difficile à dire mais j’espère que la France et l’Allemagne seront en demi-finale.

Gernot Rohr. Je vois un final four avec la France, l’Allemagne, l’Angleterre et une quatrième équipe qu’on attend moins. Le Portugal pourrait être ceci, ou l’Autriche. Les Autrichiens peuvent sortir de leur groupe avec la France et aller loin. Le coach (Ralf Rangnick) fait de très bonnes choses, ils sont proches de chez eux.

Y a-t-il un joueur que vous attendez particulièrement avec impatience ?

Dieter Müller. Harry Kane est très fort, mais je ne sais pas si l’équipe d’Angleterre qui l’entoure est capable de gagner l’Euro.

Gernot Rohr. On attend Mbappé. Il justifiera sa réputation. Côté allemand, on voit Jamal Musiala s’amuser. Il arrive à plus de maturité même s’il a un peu raté la saison avec le Bayern et aura envie de le montrer. Pour le reste, c’est difficile, il y a beaucoup de renouveau.

 
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