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11 novembre 2024 |
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© Lucie Jansch

ƒƒƒ article de Sylvie Boursier

Qui a dit « La vie nous jette en l’air comme des pierres, et de là-haut nous disons : « Voyez comme je bouge. » » Cioran ? pas Pessoa dont le nom portugais signifie Personne et en étymologie latine masque de théâtre, vous saurez pourquoi l’écrivain a continué à se multiplier en une pluralité de personnages (il n’y a pas moins de 70 hétéronymes) dans une structure plus structurée. proche du théâtre intérieur comme de la Comédie Humaine.

Bob Wilson a attendu ses 83 ans pour s’emparer de cette œuvre sans événement précis, chez un spectateur hanté par l’effacement du sujet et absorbé dans la contemplation du monde. Le directeur visuel, comme l’écrivain portugais, est obsédé par la forme, les géométries imaginaires et les cartes abstraites. Dans un monde pétri de narcissisme, ces deux artistes rappellent que nous ne sommes rien ou pas grand-chose.

Bob Wilson divise trois périodes, une bleue, celle de l’enfance, une rouge et noire à l’âge adulte et une vert-de-gris à l’approche de la mort. Chacun correspond à des fragments du Bergerde Faust un toi Livre des troubles scandé par sept diablotins, avatars de l’auteur. La scène oscille entre apesanteur (moment magnifique de lecture d’une lettre de rupture par une cariatide au masque de licorne), exubérance frénétique et énergie dévastatrice. Des éclats de rires enfantins aigus dans un désordre de verre brisé relient les tableaux comme si toute tentative de représentation se brisait dans le miroir du néant.

Des petits êtres comme Groucho Marx tentent de se réveiller du cauchemar de l’existence et font valser les tables et les papiers froissés au fond d’une salle de restaurant. Ces bouffons du vide ont chacun une « personnalité », mélancolique ou farfelue, avec une signature gestuelle spécifique sur une chorégraphie chorale à l’esthétique léchée. Les 7 acteurs, danseurs, mimes et chanteurs issus d’une distribution internationale étonnent par leur plasticité, leur précision et leur grâce avec Maria de Medeiros en tête du spectacle.

Des impressions d’un soleil levant rouge sur une mer bleue à la grisaille d’un radeau Méduse, Bob Wilson a un air d’enfant. Avec lui nous prenons conscience de ce que nous avons perdu mais aussi de ce qui nous reste, notre incroyable capacité à nous laisser éblouir par le monde qui nous entoure et sa transposition visuelle lorsque les repères habituels s’inversent, le haut, le bas, le ciel et la terre, côté droit et arrière.

Personne-Depuis que je suis moi navigue entre le vide sidéral (j’aspire à ne pas exister dit Pessoa) et un labyrinthe hypnotique. On repart tranquille, suspendu à la lanterne magique d’un magicien d’Oz, avec le sentiment d’une navigation au long cours dans la salle des machines de deux grands poètes. Écrire selon Rilke, c’est « apprendre à voir », « Est Je vis dans un de ces jours où je n’avais jamais d’avenir, dit Pessoa qui ne se livrait à rien sauf à écrireil n’y a qu’un présent immobile, entouré d’un mur d’angoisse […] Il y a des navires qui accosteront dans de nombreux ports, mais aucun n’accostera dans celui où la vie cesse de causer de la souffrance. et il n’y a pas de quai où l’on puisse oublier. Le plus immobile des poètes est notre frère.

Les images se cristallisent sur la rétine, de mystérieux hiéroglyphes, dans un croisement exceptionnel du réel et du langage au Théâtre de la Ville.

© Lucie Jansch

Pessoa-Depuis que je suis moi, d’après Fernando Pessoa

Mise en scène, scénographie et lumière : Robert Wilson

Dramaturgie : Darryl Pinckney

Costumes: Jacques Reynaud

Associated scenography: Annick Lavallée-Benny

Concepteur lumière associé : Marcello Lumaca

Création sonore et musicale : Nick Sagar

Avec : Maria de Medeiros, Aline Belibi, Rodrigo Ferreira, Klaus Martini, Sofia Menci, Gianfranco Poddighe, Janaína Suaudeau

Jusqu’au 16 novembre 2024 à 20h

Durée : 1h20

Théâtre municipal-Sarah Bernhard

2 place du Chatelet

75004 Paris

Réservation : 0142742277 / 01 53 45 17 17

www.theatredelaville-paris.com

www.festival-automne.com

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