Contre les rixes, des collectifs de toute la France défilent à Paris

Contre les rixes, des collectifs de toute la France défilent à Paris
Contre les rixes, des collectifs de toute la France défilent à Paris

Pour ces « des jeunes qui meurent trop tôt », comme le dit Aïcha du collectif Familles des Victimes de Marseille, les gens se pressent sous des parapluies sur le parvis de la mairie du 11ᵉ (Paris). Sous la statue de Léon Blum, le cortège de la marche contre les rixes et «pour apaiser les tensions dans nos quartiers» formes.

Cette marche a été initiée par Aoua Diabaté, la mère d’un jeune tué dans le quartier de la Roquette (Paris, 11ᵉ) en 2018. Après ce drame, elle a créé avec des proches l’association HDJ (Hismaël Diabley Junior) pour lutter contre ce fléau et sensibiliser la sensibilisation du public.

Avant le départ de la marche, les mamans ayant fait le déplacement expliquent les particularités qui touchent les quartiers du sud de la France. “Je suis une maman qui a perdu mon fils en 2018”, Aïcha se présente. A Marseille, le problème est davantage lié au trafic de drogue. “Il y a des gens qui obligent nos jeunes à rester dans ces réseaux”elle dénonce.

Sa présence aujourd’hui est naturelle, son collectif et Aoua se connaissent et échangent sur un groupe WhatsApp qui regroupe tous les collectifs similaires « On se soutient », témoigne Aïcha. Ce dernier prévoit également d’organiser une marche le 15 juin à Marseille.

Une cause qui rassemble

Laëtitia, porte-parole du collectif, a perdu un neveu en 2021. « La douleur est la même pour tout le monde. Quand on perd un enfant, que ce soit dans une bagarre ou une fusillade, le combat est le même. », clame-t-elle. Elle note des avancées au niveau local : cellules d’écoute dans le quartier concerné, gestion des lieux de décès, etc.

A ce sujet, elle avoue ne pas mâcher ses mots. « Alors, je ne sais pas comment ça se passe à Paris, mais à Marseille, quand il y a eu un assassinat, ce sont les gens du quartier qui ont nettoyé le sang, les morceaux de cerveau et tout ce qui va avec. Les mamans le faisaient pour leurs enfants. »

Aoua Diabaté (au centre), sur la place de la République

L’importance de la rencontre et du partage d’expérience

Naïla, de l’association Mamans du Cœur mobilisée à Trappes, s’approche pour saluer Laëtitia. Pour elle, la transmission de témoignages et de conseils permet aux discours de prévention de porter leurs fruits. Le dialogue local ne suffit pas, car trop désincarné. « Les jeunes n’écoutent pas les mères de leur quartier. Mais quand je parlais de votre collectif, ils me disaient : « Si ces mamans viennent, on les écoutera car leurs paroles sont plus profondes ». »

Il est très important de créer des liens et de partager des pratiques

“Vous venez de l’extérieur, vous avez vécu des choses difficiles et vous parlerez avec plus d’émotion”, Naïla s’avance. “Là vous voyez, ce type d’événement permet ces rencontres qui peuvent déboucher sur de belles choses, sur la prévention”, ajoute Laëtitia. En effet, l’idée d’impliquer les mamans marseillaises auprès des jeunes de Trappes a été lancée. Ousseyni, responsable de la médiation de la ville de Paris, fait le même constat : « Nous interagissons avec tous les acteurs, éducateurs, clubs de prévention et associations du secteur. Il est très important de créer des liens et de partager des pratiques. Quand on se croise sur le terrain, on se présente et on discute. »

Une promenade pour calmer et maintenir la communication

« La paix commence avec moi » C’est le message imprimé sur les t-shirts imprimés pour l’occasion. Une phrase qui invite à se sentir concerné et à agir à son échelle. « C’est un mot de soutien qui a été laissé à l’endroit où Hismaël est tombé. Et c’est une réalité »explique Aoua.

Je ne veux pas grandir dans un monde où on me dit tous les quatre matins qu’un tel est mort.

Alors que le cortège s’élance, Anissa explique que les bagarres sont un sujet qui la touche particulièrement. L’étudiante en BTS économie sociale et familiale et stagiaire à Strata’j’m (association ludique d’éducation populaire) a grandi avec ces problématiques. « Il y a à peine une semaine, l’une des personnalités marquantes de ma ville est décédée. Il faut en parler autour de nous, montrer que ce n’est pas normal. Je ne veux pas grandir dans un monde dans lequel on me dit que parce que je vis dans le 93, je serai forcément plus exposé aux morts et à la violence. Dans un monde où on me dit tous les quatre matins qu’un tel est mort. »

Manon et Bambi ont 17 ans. Ils habitent à La Roquette et s’impliquent auprès de la Fondation Olga Spitzer. Ils y accompagnent et y accueillent les jeunes. « Là, nous sommes juste venus en notre nom. Nous voulons transmettre un message de paix et d’amour”, expliquent-ils. A ce moment, Aminata, 8 ans et demi, s’approche pour dire : « Il vaut mieux faire des marches civiques que des marches blanches. »

Mais pour Dion, ami d’Hismaël, le dialogue ne suffit pas. « Nous venons à chaque événement. Bien sûr, c’était un de nos amis proches. Mais il faut emmener les jeunes et les sortir un peu des quartiers, pour qu’ils voient autre chose. Si nous sommes tout le temps au même endroit, même si nous parlons 10 000 fois, cela ne changera pas. Il faut voir d’autres horizons. »

Trouver des alternatives pour que les jeunes puissent exister dignement

Yazid Kherfi fait forcément partie de cette marche. Il est le fondateur de l’association Médiation Nomade qui soutient la jeunesse locale. Il connaît les problèmes et insiste sur les solutions : la rencontre. « Se connaître pour se respecter, se respecter pour vivre ensemble. Les jeunes ont besoin d’exister, s’ils n’existent pas de manière honnête, ils existeront par la violence », prévient-il. Son parcours personnel est un exemple d’espoir. « J’étais en prison et aujourd’hui je suis spécialiste de la prévention de la délinquance. »

Morjane et Mégane de l’association Pas de la même ville et alors ? ont perdu deux de leurs amis dans des bagarres. A 20 ans, ils se mobilisent déjà depuis quatre ans contre les violences à travers diverses initiatives : interventions dans les écoles, productions, réalisation du film. Confond. Morjane, le président, rappelle que la mort n’est pas la seule conséquence des rixes. « Normalement, à 14 ou 15 ans, on va à l’école. Mais lorsqu’il y a des tensions entre deux villes, si le lycée d’un jeune est dans la ville « opposée », il ne va plus à l’école de ce fait. Cela provoque un échec scolaire, se lamentent-ils.

Aucune solution n’est fournie. A nous de nous relever, de créer des choses, de nous entraider

Pour Mégane, il y a une mauvaise représentation des rixes dans les médias. « Les gens pensent que seuls les jeunes du quartier vendent de la drogue. Alors queUn combat peut vraiment partir de tout et de rien, de quelque chose de très stupide. La plupart du temps, les gens ne savent même pas pourquoi ils se battent. A la télé, on n’en parle pas pour dénoncer, mais juste pour dire « Ah bon, regardez comment sont les gens du 93, du 94, les gens de banlieue ». Aucune solution n’est fournie. A nous de nous relever, de créer des choses, de nous entraider. »

Cette implication de plus en plus importante des jeunes réconforte Aoua. « Les jeunes ont porté la marche. Ils ont partagé sur les réseaux. Aujourd’hui, nous comptons 14 000 vues grâce à eux. »

Une attention politique croissante

Étaient également présents des élus comme Éric Coquerel, député France Insoumise de Seine-Saint-Denis. « Malheureusement, ma circonscription est également très touchée par les rixes. Il y a peu, à Saint-Denis, il y avait deux décès en quelques semaines. Nous allons essayer de réfléchir à un plan d’urgence législatif. Plutôt que de répression, il faut penser en termes de services publics : plus d’écoles, plus d’éducateurs, et particulièrement dans un domaine dont on parle peu : la psychiatrie. »

Les militants marseillais démontrent également des progrès dans l’intérêt politique accordé à leur cause. Sébastien Delogu (député France Insoumise de Marseille) et Sabrina Agresti-Roubache (secrétaire d’État à la Ville), ont pu amplifier leur voix. Il y a également eu des initiatives parlementaires. Mais Aoua insiste : il n’y a pas besoin de relance politique.

« Quand un enfant meurt, il n’y a aucune couleur politique. Mais aujourd’hui, je suis heureux. J’ai vu Aïcha et Laëtitia, qui essuyaient le sang de leurs enfants dans la rue à Marseille. J’en ai vécu quelques-unes à Paris, mais maintenant, c’est juste une joie pour moi de pouvoir enfin partager un moment de fête avec eux. elle est excitée.

Toujours sous la pluie, la marche arrive à République, où les derniers cortèges de la mobilisation antifasciste en hommage à Clément Méric, pour la Palestine et Kanaky se sont élancés avenue de la République. Sur l’estrade au pied de la statue centrale, Christine, la sœur d’Hismaël, récite les noms des enfants mineurs décédés ces dernières années et demande une minute de silence pour eux. Les représentants des Mamans du 95, de la Brigade des Mamans du 20e, des Mamans de Couronnes et d’ailleurs, de l’association HDJ, Pas de la même ville et alors ? sont ensuite exprimés tour à tour.

Khady Mané, fondatrice de Banana Moms, s’adresse aux jeunes présents. « Vous êtes nombreux, merci d’avoir répondu à l’appel, nous comptons sur vous. » Le dernier mot est donné à Joëlle Bardet, psychosociologue spécialisée dans les violences dans les quartiers populaires. Ensuite, tout le monde passe le micro pour nous rappeler que « La paix commence avec moi ! » »

Louise Sánchez-Copeaux

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV Grand-Bouctouche récolte les retombées économiques des Jeux de l’Acadie – .
NEXT un village entier dénonce sa conduite jugée dangereuse, le conducteur condamné