« On a l’impression qu’un Etat pastefien se met progressivement en place » – .

« On a l’impression qu’un Etat pastefien se met progressivement en place » – .
« On a l’impression qu’un Etat pastefien se met progressivement en place » – .

Mauvaise stratégie pour préserver le pouvoir

« Aujourd’hui, nous allons nous concentrer sur la stratégie de Macky Sall consistant à conserver le pouvoir puis à prolonger le mandat. Il a plus ou moins rejeté Amadou Ba qui est le candidat de la mouvance présidentielle. Mais aussi, le candidat légitime de l’opposition (Ousmane Sonko) n’était pas sur la ligne de départ. La question de la succession et de la conservation du pouvoir doit être analysée. Nous n’avons pas l’habitude de travailler sur le pouvoir et sur l’évolution de ce que nous appelons la démocratie représentative, qui s’essouffle et est en fin de cycle un peu partout dans le monde.»

« En Europe, par exemple, nous assistons à la montée de l’extrême droite et des mouvements antidémocratiques. Ici, en Afrique, ce sont des coups d’État militaires. Nous au Sénégal, notre démocratie est de l’ordre de l’imprévisible, du miracle. Quand j’entends parler de la décision historique du Conseil constitutionnel du 15 février 2024. Alors que ce n’est qu’une décision normale qui a été surinterprétée, miraculeuse. Tout cela montre que nous vivons des changements. Et en même temps, la contradiction qui existe avec cet énorme besoin de changement. C’est ce que nous allons essayer d’analyser rapidement.

Les dangers de l’hyperprésidentialisme

« En réalité, tous les dysfonctionnements que nous avons constatés sont délibérés, provoqués et constituent des attaques contre la démocratie en tant que régime politique et démocratie électorale. C’est là qu’il faut mettre le doigt sur la toute-puissance de l’hyperprésidentialisme. En réalité, l’État de droit est né du caractère impersonnel du droit face au pouvoir personnel des monarques. Car l’État de droit est né au XVIe siècle bien avant la démocratie. Sans parler du caractère complètement équivoque du mot démocratie : gouvernement représentatif, Etat représentatif… mais la démocratie est une question de tirage au sort.»

« Gardez le pouvoir, étendez le pouvoir. Lors du 3ème mandat, Macky Sall a souhaité conserver le pouvoir, en supprimant toute possibilité d’héritier présomptif dans son entourage. Mais devant l’échec de ce projet de 3ème mandat dû à la résistance organisée, il tente de faire prolonger le mandat. Par rapport à l’ampleur des dysfonctionnements, il y a eu l’organisation de la résistance. C’est à ce moment-là que nous pouvons dire que nous assistons à l’émergence d’une société démocratique avec un peuple vigilant, un peuple de veto.»

« Je ne suis pas d’accord avec l’invalidation de la candidature de Sonko et Karim Wade »

« A ce niveau l’expérience des luttes sociales et politiques antérieures (1968, 1988, 1993, 23 juin 2011), la sédimentation de ces expériences ont joué un rôle. Au Sénégal, nous n’avons jamais eu d’organisation des différents segments de la société. Les pétitions qui sont sorties, cette formation discursive ont servi de levier à différents mouvements sociaux : Jammi Rewmi, F24, Aar Sunu élection qui est intervenue à un moment clé marqué par le report de la présidentielle. La mobilisation des candidats sélectionnés a également été décisive.»

« S’il y a un paramètre qui a échappé à Macky Sall et qui a tout chamboulé, c’est bien : Bassirou Diomaye Faye. La validation de la candidature de Diomaye a été un moment de déstabilisation du régime. C’est à cette époque qu’il se passe beaucoup de choses avec le report, les accusations du Pds contre les juges du Conseil constitutionnel. Je voudrais également dire au passage que je ne suis pas d’accord avec le Conseil constitutionnel sur l’invalidation de la candidature d’Ousmane Sonko et de la candidature de Karim Wade. Car au moment où ils délibéraient, Karim avait déjà renoncé à sa nationalité française.»

Surcharge de légitimité vs dette politique/Sonko vs Diomaye

« Maintenant, par rapport à tout cela, que nous arrive-t-il ? C’est ce que nous devons revoir. L’inversion qui existe au niveau de la hiérarchie du parti au pouvoir (Pastef) fait qu’on a quelqu’un qui a un excès de légitimité (Ousmane Sonko, NDLR) qui devient Premier ministre. Cela décentralisera complètement le pouvoir, et c’est ce que nous constatons. Cela créera de nouvelles tensions qu’il faut prévenir dès maintenant. De l’autre, nous avons la dette politique de Diomaye (le Président de la République). Une dette extrêmement élevée qui pèse actuellement sur ses épaules. C’est ce qui crée des tensions au sommet du pouvoir.»

« Pour réaliser l’idéal d’un gouvernement démocratique qui constitue notre plus grand défi, nous avons besoin d’un État neutre et impartial afin que les critères de transparence et d’égalité des citoyens puissent être respectés. De mon point de vue, après avoir été témoin de ce qu’on peut appeler un État agressif, on n’a pas l’impression d’avoir tourné la page de l’État partisan. On a l’impression qu’un Etat pastefien se met progressivement en place. Le défi est de voir comment nous pouvons naviguer dans cette nouvelle transformation de la démocratie, et ne pas réduire notre démocratie à une démocratie électorale. Et ne réduisez pas la légitimité à la seule légitimité des élus. De nouvelles légitimités émergent, qui sont fortes.»

 
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