Depuis la nouvelle législature qui a suivi la dissolution, et alors que le livre de Jordan Bardella sort en librairie samedi 9 novembre, le Rassemblement national doit continuer à se contenter du rôle d’opposant. Dans le Var, en juillet, le parti a conquis 7 des 8 circonscriptions du département. Quatre mois plus tard, les électeurs ont toujours la gueule de bois et certains appellent Marine Le Pen et ses troupes à faire tomber le gouvernement.
Sur un marché de Toulon, des militants RN sont en pleine opération de remorquage. Devant les stands de la Cour Lafayette, de nombreux retraités passent et la plupart prennent avec le sourire le tract qui leur est remis. Ils sont déjà engagés pour la cause du parti d’extrême droite. Et lorsque la discussion s’engage, le même refrain revient presque à chaque fois : “On mérite mieux que ça, c’était un vol évident”dit un homme. « Les gens nous mettent toujours des obstacles, nous devons malheureusement nettoyer ce pays »dit cette femme, quand une autre bouillonne. « Je suis très en colère, je suis en colère contre tout. Et Madame Le Pen, je l’aime et je voterai pour elle”, assure-t-elle.
Ces électeurs n’ont toujours pas digéré le résultat des élections législatives, avec ce front républicain qui s’est dressé face au RN. Lydia et Marc, deux anciens macronistes, sont particulièrement en colère contre un homme, Emmanuel Macron. “C’est juste dommage.”glisse Lydia, tandis que son compagnon déclare « qu’avec le temps, nous déclarerons probablement la pire présidence de la Ve République ». Aujourd’hui, ce couple de jeunes retraités a rejoint le Rassemblement national.
“Même s’ils n’étaient pas mon premier choix, au fil du temps, je trouve qu’ils sont cohérents.”
Lydia, ancienne macroniste rejoint le RNsur franceinfo
Marc appelle à la patience : « Il faut attendre maintenant, deux ans, deux ans et demi. S’ils savent attendre, je pense qu’ils auront tout à gagner.
Mais en attendant la prochaine échéance, ces électeurs ne sont pas tous d’accord avec la stratégie du RN depuis la rentrée. Certains ne comprennent pas la relative bienveillance dont fait preuve Marine Le Pen à l’Assemblée envers le gouvernement Barnier. Selon une étude Ifop-Fiducial, publiée il y a une dizaine de jours, plus d’un sympathisant du RN sur deux souhaite que le parti vote rapidement la motion de censure. “Nous aurions dû le faire il y a longtemps”renchérit un sympathisant du RN à Toulon. « Nous devons renverser le gouvernement et essayer de voir ce que nous pouvons planifier en fonction de ce que nous attendons aujourd’hui. »
Le projet du parti interroge justement les électeurs lépénistes les plus attentifs. Jean-Claude, 86 ans, vante le positionnement très social du parti, notamment sur la réforme des retraites. Jusqu’à ce qu’on lui rappelle que les députés de Marine Le Pen votaient au même moment, il y a quinze jours, contre le rétablissement de l’ISF, l’impôt de solidarité sur la fortune, qu’il n’a pas compris. « Même si ces gens peuvent mettre la main à la poche, ils peuvent être taxésil admet. Je pense que nous pouvons y gagner quelques dollars.
Un passant se joint à la discussion, mais refuse le tract que lui tendent les militants. Cet ancien électeur de Jean-Marie Le Pen est carrément agacé par les changements de stratégie du RN.
« Ils se battent pour des questions qui ne sont pas essentielles. »
Jean-Marie, un électeur déçusur franceinfo
Le parti ne doit se dire ni de droite ni de gauche, selon lui. « Nous sommes au Front National pourquoi ? Pour une immigration invasive, pour des choses comme ça »il répond, indiquant que “si nous voulons économiser de l’argent”, ce serait mieux « supprimer les associations d’aide aux migrants » plutôt que de revenir à la réforme des retraites. « La prochaine fois, je voterai peut-être pour Reconquête »conclut cet électeur.
Toutefois, l’électorat de Marine Le Pen ne risque pas de s’éroder. C’est en tout cas ce que disent les études d’opinion. Mais plus le Rassemblement national se normalise et se rapproche du pouvoir, plus il risque de décevoir les plus radicaux de ses électeurs et de perdre le vote des antisystèmes.
En sortant du marché de Toulon, nous rencontrons un homme à la terrasse d’un café. “Je ne vote plus, c’est fini”confie ce trentenaire marseillais. Tony, employé dans la Région Sud, a voté RN, mais voilà qu’il met le Rassemblement National dans le même sac que les autres partis. «Je suis déçu par tout le monde. On travaille, on ne peut même plus subvenir à nos besoins, les gens comme nous, on ne vit plus ! » Il salue certaines propositions de Marine Le Pen, mais finalement, même le RN fait comme les autres, selon lui.
“Une fois élus, il ne se passe plus rien, c’est toujours pareil.”
Tony, ancien électeursur franceinfo
Attirer de nouveaux électeurs sans chasser les anciens : telle est la difficile équation que devra résoudre Marine Le Pen si elle veut succéder à Emmanuel Macron.