Si d’un côté les locataires se plaignent de la tension locative et du niveau des loyers pratiqués en Haute-Savoie, les propriétaires, de leur côté, déplorent des revenus locatifs nets de plus en plus faibles.
La constitution d’un patrimoine immobilier locatif dans le département est de plus en plus compliquée. A l’origine du problème, il y a évidemment les prix de l’immobilier qui n’ont cessé d’augmenter en Haute-Savoie : “+18,2% entre 2019 et 2024”, recalls Sébastien Cartier, president of the Savoie Mont Blanc National Real Estate Federation (FNAIM SMB).
Une valeur de la pierre qui alourdit de facto le rendement locatif potentiel. A quoi il faut ajouter des charges de copropriété plus lourdes depuis plus de deux ans avec la crise énergétique.
Mais ce sont loin d’être les seules raisons selon Sylvain Grataloup, président de l’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) : « Les propriétaires fonciers voient de plus en plus d’obstacles à l’investissement, tandis que les incitations fiscales disparaissent. »
Plus d’obligations, moins d’incitations
Parmi les obstacles, il énumère, pêle-mêle, l’augmentation de la taxe foncière de 30% en 10 ans, les contraintes liées au diagnostic de performance énergétique (DPE), les normes de construction ou encore le manque de foncier qui font augmenter les prix du neuf. …
Et une fiscalité de moins en moins avantageuse« poussant les propriétaires à se détourner des locations longue durée, ce qui amplifie les tensions locatives sur le marché traditionnel. »
A la fin de l’année, le dispositif d’investissement locatif Pinel prendra fin, sonnant le glas de 40 ans de politique fiscale incitative qui soutenait la production de logements neufs.
Au 1est Janvier 2025, l’interdiction de louer des logements avec un DPE de classe G entrera en vigueur (pour tous les nouveaux baux conclus à partir de cette date), si le nouveau gouvernement ne modifie pas le calendrier.
L’inquiétude est assez forte en Haute-Savoie, qui compte 20 % de passoires thermiques, de nombreux propriétaires se voyant déjà obligés de vendre.
Au printemps prochain, ces bailleurs pourraient aussi avoir la désagréable surprise de déposer une déclaration d’impôt sur le revenu avec de nouvelles règles fiscales défavorables si le gouvernement supprimait effectivement, dans sa loi de finances pour 2025, les derniers avantages fiscaux liés à la location meublée.
« Oui, on peut le dire, certains investisseurs locatifs ressentent un sentiment de persécution »» nous reconnaissons du côté de la PME FNAIM.
« Pauvreté des propriétaires »
Même si les loyers haut-savoyards sont parmi les plus élevés de France, l’imbrication des mesures nationales combinée au contexte local suffit à décourager les investisseurs locatifs.
Un rapport parlementaire rédigé par la députée Renaissance Annaïg Le Meur sur la fiscalité locative, publié cet été, pointe également la faible rentabilité des locations traditionnelles et appelle à une réforme fiscale.
Selon les chiffres de la FNAIM PME, le prix moyen d’un achat en Haute-Savoie est de 4 475 € le mètre carré et le loyer moyen est de 14,71 € le mètre carré.
Un propriétaire ne peut donc, en théorie, générer en moyenne que 3,90% de rentabilité locative brute.
A Annecy, avec une moyenne de 5 598 € le mètre carré à l’achat et 15,40 € le mètre carré en location, la rentabilité théorique chute à 3,30 % brut.
“Charges foncières et taxes déduites, difficile d’avoir un rendement positif”, déplore Sylvain Grataloup, qui confirme « un appauvrissement des propriétaires, qui ne sont pas compris. Dans l’écrasante majorité des cas, il s’agit de petits propriétaires qui ont réalisé un ou deux investissements pour lesquels ils ont du crédit, dans l’espoir de s’offrir une retraite un peu plus confortable. Bien sûr, un propriétaire peut devenir riche, mais n’oublions pas qu’il prend le risque de s’endetter, contribue à la création de valeur et permet la mise sur le marché d’un nouveau logement. »
Succès de la revente
Les agents immobiliers confirment également ce constat avec « des bailleurs qui se lamentent et finissent par vendre »observe Sébastien Cartier, qui souhaite néanmoins nuancer : « Malgré tous ces écueils, investir en Haute-Savoie reste un bon investissement. Les arguments sont nombreux : le pire ennemi de l’investisseur, ce sont les logements vacants. Et dans le département, c’est extrêmement faible partout. »
En effet, selon les données compilées par la FNAIM Savoie Mont Blanc, il est de 0,90% à Annecy, 2% à Thonon-les-Bains, 2,50% à Annemasse ou encore 2,60% à Saint-Julien-en-Genevois, contre 8,30% au niveau national. .
Un argument de poids qui peut rassurer les investisseurs locatifs. « Les loyers continuent également d’augmenter, notamment parce que la zone est peuplée de nombreux frontaliers capables de payer des acomptes plus élevés qu’ailleurs en France »ajoute le président.
Potentiel de valeur ajoutée
Sans oublier cette autre grande force de la Haute-Savoie : le potentiel de plus-value immobilière. « La réussite d’un investissement se juge sur le long terme et notamment à la revente. Si vous ne générez pas forcément beaucoup de rendement locatif tout au long de la période de location, mais que la valeur ajoutée est importante, alors cela vaut la peine d’acheter en Haute-Savoie ! Comme je le répète souvent : quand il y a une crise du logement en France, les prix stagnent ici. Depuis un an, alors que la crise est sévère, on constate simplement une légère baisse sur neuf mois, et les prix recommencent déjà à remonter.»defends Sébastien Cartier.
Alors qu’ils n’ont baissé que de -2% sur un an, la PME FNAIM pointe déjà une reprise à la hausse sur les trois derniers mois, fin septembre, avec +0,50%.
Alors, de ce point de vue, il est vrai que l’investissement immobilier en Haute-Savoie représente une excellente assurance vie.
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