L’année n’est pas terminée mais 2024 s’annonce déjà comme une année record en termes de ventes d’électricité de la France à ses voisins. EDF a annoncé jeudi 7 novembre que le solde net exportateur devrait atteindre 90 TWh. C’est deux fois la consommation annuelle d’un pays comme le Portugal. C’est du jamais vu. Le précédent record annuel d’exportation nette datait de 2002, avec 77 TWh, et sur les 10 dernières années, l’exportation nette moyenne était de 44 TWh.
L’année dernière, la France a exporté 50,3 TWh, rapportant quelque 4 milliards d’euros à la balance commerciale. En 2022 en revanche, la France est importatrice nette d’électricité pour la première fois depuis 1980, avec un solde négatif de 16,5 TWh. La faute aux problèmes de corrosion sous contrainte rencontrés dans une partie du parc nucléaire et à une production hydraulique en berne, du fait de la sécheresse.
Faire face à l’intermittence des énergies renouvelables
Mais tout commence à revenir à la normale aujourd’hui. Les barrages sont pleins et fonctionnent à pleine capacité. Les réacteurs gagnent à nouveau en puissance, même si leur production reste inférieure au niveau atteint lors de la décennie précédente avec par exemple 416 TWh en 2015 et 420 TWh en 2006 !
EDF profite désormais de la situation rendue plus complexe sur les marchés par le développement des énergies renouvelables intermittentes. Lorsqu’il n’y a pas de vent, il y a peu ou pas d’énergie éolienne, comme c’est le cas actuellement, et la production solaire est évidemment égale à zéro, dès la fin de la journée. Pour nos voisins, allemands par exemple, qui n’ont plus de nucléaire, il vaut mieux acheter de l’électricité française décarbonée plutôt que de faire fonctionner leurs centrales au gaz ou au charbon.
Sur les six premiers mois de l’année, la France a été exportatrice nette d’électricité au quotidien, principalement aux heures de pointe, tôt le matin et le soir, lorsque la demande est plus forte. Il aurait même pu vendre encore plus, s’il n’y avait pas eu des travaux sur certaines interconnexions, justement pour les renforcer, a reconnu RTE, le gestionnaire dans son rapport semestriel, publié fin juillet.
La baisse des prix devrait se poursuivre
Les prix sur les marchés de gros, revenus à leurs niveaux d’avant-crise, sont ainsi redevenus parmi les plus bas d’Europe en France, ce qui redonne évidemment de la compétitivité aux industriels et du pouvoir d’achat aux ménages. “ En 2022, les prix français étaient en moyenne 5 à 10 € plus élevés que les prix allemands. Aujourd’hui ils sont 15€ de moins », souligne Marc Benayoun, directeur d’EDF, en charge du pôle clients. Avec l’Italie, l’écart est même de 40 €/MWh, en faveur de la France.
Le mouvement devrait se poursuivre. Selon le marché de gros, le prix moyen de l’électricité de base était de 84 €/MWh cette année. Il s’échange actuellement à 72 € pour une livraison en 2025, à 67 € pour 2026 et 64 € pour 2027.
Mais après les bouleversements observés ces dernières années, avec l’invasion de la Russie par l’Ukraine et l’arrêt d’une grande partie des livraisons de gaz russe, les industriels ont besoin de garanties, en signant des contrats plus longs. “ C’est une nouvelle tendance qui devrait perdurer, avec des offres de plus en plus sophistiquées, qui prennent en compte la variabilité des prix induite par les énergies renouvelables. », souligne Julien Pourchon, porte-parole de Mon Courtier Energie. Depuis le début de l’année, les entreprises ont signé des contrats en moyenne pour une durée de 41 mois, précise EDF, expliquant avoir signé 3 600 contrats, pour un volume annuel d’environ 17 TWh annuels.
Développer de nouveaux usages de l’électricité
Reste cependant une situation qui n’était pas prévue : la stagnation de la demande d’électricité (environ 400 TWh en France en 2024 comme en 2023). Il reste même 8 à 10 % inférieur, selon les mois, à ce qu’il était en 2019. Ceci est lié à la fois à la flambée des prix qui a poussé les clients à revoir leurs modes de consommation mais aussi à l’amélioration des appareils. Une lampe LED consomme quatre fois moins d’électricité qu’une ampoule classique, un réfrigérateur neuf 15 à 20 % de moins qu’un ancien, etc.
Mais à mesure que de nouvelles capacités, éoliennes et solaires, arrivent sur le marché, écouler tout surplus devient une priorité pour les producteurs. EDF estime désormais être en mesure de répondre à de nouveaux besoins de l’ordre de 150 TWh par an, d’ici 2035. » C’est une demande qui n’existe pas sur le marché aujourd’hui, mais qui répond aux objectifs de l’électrification afin de réduire les émissions de CO2. », explique Marc Benayoun.
Environ 70 TWh seraient destinés aux transports, notamment à l’électrification des poids lourds. L’industrie aurait besoin de 60 TWh, notamment en remplacement du gaz, et 20 TWh seraient dédiés aux datacenters, de plus en plus gourmands en électricité, avec le développement de l’intelligence artificielle. Dans les bâtiments en revanche, la consommation électrique serait stable, estime EDF, grâce notamment aux mesures d’efficacité énergétique et aux travaux d’isolation.