LUDOVIC MARIN / AFP
Qui a brûlé la boîte ? Le Sénat enquête sur les deux principaux suspects (photo de Macron et Le Maire prise en avril 2024)
POLITIQUE – Une question à plusieurs milliards. Les membres de la Commission des Finances du Sénat reprennent les travaux de leur mission d’information sur le « détérioration des finances publiques. » Avec un axe central : comprendre les causes du glissement du déficit cette année (de 4,4% à 6,1% du PIB), et identifier les responsables de cette situation.
Autrement dit, celles de Valérie Pécresse dans ce dossier : les sénateurs chercheront à savoir » qui a brûlé la caisse. » Principal suspect, déjà accusé par l’opposition et une partie de son propre camp, Bruno Le Maire est interrogé ce jeudi 7 novembre à partir de 8 heures. Après lui, suivront les ex-locataires de Matignon Gabriel Attal vendredi, et Élisabeth Borne en novembre. 15.
L’enjeu est important pour le camp présidentiel. C’est, en tout cas, le cas pour l’ancien ministre tout-puissant pendant sept ans à Bercy. Mais il l’est aussi pour Emmanuel Macron et ses partisans, qui risquent de voir leur bilan être sérieusement dégradé et leur stratégie économique mise à mal.
Le Maire a-t-il tardé à réagir ?
Bruno Le Maire n’envisage pas de porter le chapeau. L’ancien ministre, professeur à l’Université de Lausanne en Suisse depuis son départ du gouvernement, est accusé par l’opposition et la droite d’avoir cherché à dissimuler l’état des comptes publics, après avoir tardé à réagir sur l’ampleur du gouffre. entre les prévisions de déficit et la spirale réelle.
Depuis l’automne 2023, nombreux sont ceux qui dénoncent son « manque de sincérité budgétaire », même sa société de « mystification », comme Jean-François Husson, sénateur LR en charge de ces auditions. Dans ce sillage, Michel Barnier lui-même insiste chaque fois qu’il en a l’occasion sur la situation » tombe » qu’il a « découverte » dès son arrivée à Matignon.
Concrètement, plusieurs enquêtes médiatiques ont révélé en octobre dernier que l’ancien locataire de Bercy n’avait pas immédiatement pris en compte les alertes de ses propres services, un an plus tôt. Le nouvel Obs affirme par exemple que l’administration a exprimé ses inquiétudes à trois reprises en un mois, sans que le ministre change de cap. Une sorte d’attentisme que le premier concerné réfute depuis sa mise sur le banc des accusés.
Sur un plan plus politique, il est vrai que Bruno Le Maire est le premier en Macronie à avoir alerté sur la nécessité d’œuvrer au redressement des comptes publics. Il a par exemple plaidé pour la fin de « quoi qu’il en coûte » quand il était temps de « chèques » de toutes sortes pour lutter contre la crise inflationniste, avant d’imposer un coup dur de 10 milliards d’euros en février 2023, puis de pousser – en vain – un projet de loi de finances rectificative au printemps 2024. Il ne manquera pas de le rappeler aux sénateurs – et au-delà –. Jeudi.
Macron ne sera pas épargné
Selon Le ParisienBruno Le Maire – qui a déjà fait connaître sa volonté de s’expliquer – aurait l’ambition de « remettre les pendules à l’heure avec un scalpel », « face au torrent de mensonges et à la brutalité des accusations. » Les choses peuvent alors se corser, notamment pour Emmanuel Macron.
Le président de la République pourrait en effet être attaqué sur trois flancs. Sur son dogme économique, fondé sur la stratégie de l’offre et la théorie du ruissellement, qui n’a pas produit les effets escomptés selon les oppositions de gauche. Sur ce point, Bruno Le Maire sera le premier soutien du chef de l’Etat. Mais aussi sur des choix plus récents, et contestés jusque dans son propre camp.
En ce sens, le ministre de l’Économie aura cette fois du mal à défendre l’arbitrage du président de la République sur le fameux projet de loi de finances rectificative. Emmanuel Macron a effectivement refusé le principe de ce texte défendu par Bruno Le Maire (et apportant des mesures forcément impopulaires) à quelques encablures des élections européennes. L’ancien locataire de Bercy risque aussi d’avoir du mal à expliquer le choix du chef de l’Etat de dissoudre l’Assemblée nationale et de laisser en place un gouvernement illégitime pour prendre des décisions structurantes.
« Cela nous a interrompus dans le plan de redressement des finances publiques »» concédait l’ancien ministre du Budget Thomas Cazenave mi-octobre sur LCI. En avant-goût de son audition au Sénat, pour sa part jeudi après-midi ? Les dirigeants du camp présidentiel n’ont en tout cas pas prévu de supporter le fardeau de cette dérapage face aux seuls enquêteurs du Sénat. Les services de Bercy, qui n’ont pas brillé dans leur exercice de prévision, ou encore Les Républicains et leurs coûteuses ambitions sur le budget 2023, risquent également de rejoindre le banc des accusés au fil des différentes auditions.
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