Le ministère de l’Immigration du Québec refuse de permettre à un étudiant étranger de passer du cégep à la formation professionnelle

Le ministère de l’Immigration du Québec refuse de permettre à un étudiant étranger de passer du cégep à la formation professionnelle
Le ministère de l’Immigration du Québec refuse de permettre à un étudiant étranger de passer du cégep à la formation professionnelle

Oumou Ndiaye demande seulement de pouvoir poursuivre ses cours de pâtisserie, déjà amorcés depuis janvier à l’École hôtelière de la Capitale, mais le ministère de l’Immigration du Québec (MIFI) refuse de lui permettre de passer du cégep à une école professionnelle. Ces refus sont de plus en plus fréquents, même si les études professionnelles font partie des priorités éducatives du gouvernement et que les besoins de main d’œuvre demeurent dans plusieurs secteurs.

Plusieurs centres de formation professionnelle au Québec font en effet ce constat depuis plusieurs mois. Ils comptent toutefois sur l’apport des étudiants étrangers pour remplir les rangs des cohortes, «surtout en région», souligne notamment Nabila Bedjbedj, de Destination formation Québec, qui regroupe quatre de ces centres au Lac-Saint-Laurent. Jean.

Le MIFI nie pour sa part tout changement de politique.

Quant à Mmoi Ndiaye, elle, est arrivée du Sénégal l’automne dernier et a débuté une session au Cégep de La Pocatière. Elle se heurte rapidement à des difficultés : « J’allais à mes cours tous les jours, je faisais mes examens, mes exercices, mais je n’arrivais pas du tout à suivre le haut niveau d’études », écrivit-elle plus tard au MIFI pour justifier sa demande de changement.

Dans une interview, elle a également déclaré qu’elle ne s’était jamais sentie à sa place : « C’était la première fois que je me retrouvais dans une classe en tant que seule personne de couleur. »

Ayant déjà travaillé dans le secteur de l’agroalimentaire dans son pays d’origine, elle cherche une solution. Le cours de pâtisserie à l’École hôtelière de la Capitale lui semblait une bonne option.

Elle commence donc la session le 18 janvier et dépose les copies pour changer de niveau d’études cinq jours plus tard. Ce type de délai était accepté auparavant et le changement, « une simple formalité », souligne Micaël Papillon, le conseiller d’orientation qui l’accompagne dans ces démarches.

Plus de 11 semaines de cours plus tard, en avril, le MIFI lui a donné un refus définitif, après avoir déjà fait part de ses intentions en mars. Une deuxième série de pièces justificatives avait été fournie entre-temps, mais la lettre de refus indique qu’elles ne l’étaient pas. Or, ils figurent bel et bien dans le dossier consulté par Le devoir. «Ils ont tous les documents, l’agent d’immigration me les a lus au téléphone», souligne M. Papillon, de l’École hôtelière de la Capitale.

La lettre de l’agent d’immigration cite en outre une date incorrecte.

Continuer à couler

Le ministère reproche également à la jeune femme de ne pas avoir étudié plus d’une session avec son premier Certificat d’acceptation du Québec (CAQ), celui accordé pour les études collégiales. Enfin, les cinq jours écoulés avant le dépôt de sa candidature à une formation professionnelle lui sont retenus.

Ce n’est pas comme si elle n’allait pas à ses cours au cégep. Elle a fait tout ce qu’elle avait à faire. Elle réussit, elle parle français, elle a payé sa séance. Et là, elle a peur d’être expulsée du pays.

« Qu’aurait-elle dû faire ? Continuer à grands frais dans un programme où il était en train de sombrer ? » demande M. Papillon, qui qualifie ce refus d’« aberrant ».

« Je me sens très instable, je suis très stressé et je ne sais pas vers qui me tourner. […] Je veux juste étudier », dit Mmoi Ndiaye.

« Ce n’est pas comme si elle n’avait pas suivi ses cours au cégep. Elle a fait tout ce qu’elle avait à faire. Elle réussit, elle parle français, elle a payé sa séance. Et là, elle a peur d’être expulsée du pays», raconte son conseiller.

« Je vais devoir la mettre à la porte. » Un grain soudain dans la voix, il ne cache pas son ras-le-bol. Son incompréhension s’est accrue au fil des refus des derniers mois : « Où est le désavantage pour le Québec d’avoir des cuisiniers, des bouchers, des pâtissiers, des préposés aux bénéficiaires ? Où y a-t-il de grandes pénuries de main-d’œuvre ? Je ne comprends pas. » Le MIFI présume des « intentions malveillantes », alors que « les jeunes se sont tout simplement trompés de programme », observe-t-il.

À la recherche de « stratagèmes » ?

Depuis l’automne dernier, d’autres établissements ont vu ce type de refus augmenter.

«Oui, on constate la même chose», confirme Nabila Bedjbedj, agente de développement de la mobilité internationale au Centre de services scolaire du Lac-Saint-Jean, qui s’occupe de quatre centres de formation professionnelle.

International Education, qui représente plus de 90 centres de formation professionnelle, a également noté que « ce n’est pas anecdotique », confirme la directrice générale, Lysiane van der Knaap. Sans préciser si cela est justifié ou non, l’organisation explique que plusieurs raisons peuvent expliquer ces refus.

En Abitibi-Témiscamingue, une dizaine d’élèves se sont vu refuser le transfert en formation professionnelle parce qu’ils n’étaient pas allés au cégep comme prévu initialement, nous a indiqué le Centre de services scolaire de l’Or-et. -Des bois. Cinq autres ont été acceptés.

Le MIFI indique par email qu’il est impossible de fournir des statistiques précises sur ce phénomène et qu’aucun changement de politique n’a eu lieu.

En coulisses, cependant, des responsables de ce ministère ont indiqué à ces responsables que la volonté était « d’éliminer les stratagèmes » des étudiants qui « utiliseraient » les cégeps et les universités pour entrer au Québec.

Le chercheur Islem Bendjaballah refuse de qualifier ces voies de « stratagèmes » : ce sont plutôt des « opportunités ». « Les systèmes d’immigration au Québec et au Canada le permettent. Certains profitent de cette opportunité et, finalement, trouvent du travail plus facilement que les universitaires », constate ce chercheur qui a rédigé sa thèse de doctorat sur le parcours des étudiants internationaux et qui continue de travailler aux côtés de dizaines d’entre eux.

D’une part, les étudiants peuvent être exclus de leurs programmes s’ils connaissent quelques échecs. Et de l’autre, ils ne peuvent plus changer de programme : « Cela crée des situations vraiment difficiles », conclut le chercheur.

Bonnes perspectives

Toutefois, les opportunités d’emploi dans le domaine de la restauration ou du tourisme restent plutôt bonnes, malgré un ralentissement ces derniers mois.

La cuisine et la pâtisserie sont encore plus demandées que la pâtisserie, mais les besoins sont « généralisés », explique Martin Vézina, vice-président aux affaires publiques de l’Association Restauration Québec. Le parcours professionnel « n’est pas un détour » et il espère qu’il sera valorisé, dit-il.

De manière plus générale, l’industrie de la transformation alimentaire aurait besoin de 142 000 nouvelles personnes d’ici 2030, selon de récents calculs de Food Processing Skills Canada.

« Nos étudiants trouvent tous du travail à leur sortie, confirme Micaël Papillon, de l’École hôtelière de la Capitale.

Pour chaque diplômé professionnel, « il y a deux emplois », explique Lysiane van der Knapp, d’Education Internationale.

“La survie de certaines formations professionnelles” est également en jeu, ajoute M.moi Bedjbedj.

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