Une situation tout à fait exceptionnelle, qui pose la question de la liberté académique dans un pays qui entretient une tradition de collaboration universitaire historique avec la France. Comment les chercheurs sont-ils accompagnés sur leurs terres et comment peuvent-ils être protégés ?
Comment comprendre une telle arrestation ?
Étudiant qui ne semble pas présenter de traits atypiques, Victor Dupont a même été « fait partie intégrante de la société tunisienne »plaide Amin Allalson codirecteur de recherche. « C’est quelqu’un dont le parcours professionnel est tout à fait ordinaire compte tenu de la Tunisie post-2011. Il fait partie du « boom » des études en sciences sociales en Tunisie. Son sujet de recherche, au moment de son arrestation, portait sur les jeunes de Jendouba, une région située au nord-ouest de la Tunisie. « Il s’intéressait à ces personnes devenues acteurs des processus sociaux et politiques après la révolution tunisienne de 2011 ». Un sujet somme toute assez loin d’une approche qui pourrait poser problème au régime actuel, observe Amin Allal, éperdu.
«Un excès sécuritaire très fort»
Il espère que cette arrestation constitue un incident historique, d’autant plus que l’université tunisienne était en train de s’imposer, au fil des années, comme une place forte de la recherche dans le monde arabe : « L’histoire récente de l’université tunisienne est si importante et profonde qu’à un moment donné, on pouvait croire que Tunis allait devenir une sorte de capitale arabe, sinon méditerranéenne, de la recherche. Des congrès, des colloques s’y déroulaient presque quotidiennement dans la plus grande transparence. Dans ce contexte, se retrouver sous le feu des projecteurs de la justice militaire nous semble être une exception qu’il faudrait vraiment réussir à corriger très rapidement..
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Sensibiliser le public en « ouvrant la boîte noire de la recherche » ?
Accélérer la libération de Victor Dupont pourrait passer par une plus grande prise de conscience de l’opinion publique française et tunisienne. “Cela permettrait de stopper un enthousiasme que l’on sent déjà et qui mélange indistinctement le terme de souveraineté sans même comprendre ce qu’il pourrait réellement recouvrir.” Il n’est pas possible de sortir de cette situation alarmante. « qu’en prenant en considération le point de vue des chercheurs tunisiens qui vivent eux aussi aujourd’hui les bouleversements de l’autoritarisme et la remise en cause de ces libertés académiques, affirme Amin Allal. Selon moi, la meilleure manière de protéger les chercheurs est d’être pédagogique, c’est-à-dire d’ouvrir la boîte noire de ce qui peut réapparaître, de ce que l’on fait.»