Ses premiers mois de vie n’auront été qu’abandon. Stay a connu la rue, la fourrière, la SPA de Saint-Pierre-du-Mont, connu les fausses joies de deux adoptions avec, à chaque fois, un retour à l’expéditeur pour « incompatibilité » avec le foyer.
Son caractère de chien est ainsi fait, la Malinoise de 3 ans n’en veut pas à l’humain : depuis octobre 2022, elle est au service des populations au sein de la gendarmerie, affectée à la DGA des Essais de Missiles à Biscarrosse.
Rien n’a été cousu avec du fil blanc, tout s’est fait grâce à un lien. Celui que les chiens savent tisser avec les humains. Pour Stay, c’était avec l’adjudant-chef Frédéric, responsable des équipes canines de la gendarmerie de l’armement.
Trouvé dans la rue
À la fin de l’été 2022, le militaire, propriétaire de chien depuis 2007, vient de perdre son Malinois, Haggler. Il cherche un successeur. « Je suis allée au SPA de Saint-Pierre-du-Mont. Ils avaient cette Malinoise dont ils ne connaissaient pas grand chose. Elle a été retrouvée dans la rue, non identifiée. Elle avait à peine un an. »
L’adjudant-chef, qui souhaite spécialiser l’animal dans la recherche de stupéfiants, d’armes, de munitions et de billets de banque (SAMBi), demande à voir le chien, pour vérifier certains critères. Pour pouvoir mener à bien les missions qui lui sont destinées, Stay “doit être sociable car elle doit entrer en contact avec des humains, et elle doit avoir suffisamment de pugnacité pour ne pas se lasser de ses recherches”. Et surtout, elle doit être joueuse. « Tout travail implique un jeu », explique le soldat. Plus le chien est joueur, plus ce sera facile. Le jouet est sa récompense. »
« Plus le chien est joueur, plus ce sera facile »
Un critère facile à vérifier : le policier prend plusieurs balles, joue avec Stay et détecte rapidement son objet favori. « J’ai commencé à jouer à des petits jeux de peau pour tester son niveau olfactif. » Des zones herbeuses, puis des caches de plus en plus difficiles. « Je voulais voir jusqu’où elle pouvait aller et combien de temps elle pouvait persister dans la recherche. » L’homme flaire la bonne recrue. «Ça a fonctionné», confirme-t-il.
Une phase de tests
Le gendarme a d’abord procédé à une adoption provisoire à son nom, sur une semaine, et a emmené la Malinoise sur le site, à Biscarrosse, où travaillaient déjà trois autres chiens de gendarme. « J’ai pris le temps de bien la tester pour vérifier qu’aucun éventuel traumatisme ne refait surface pendant les travaux, étant donné qu’on ne savait rien de son passé. Il faut être très humble dans le dressage : ce qui fonctionnera avec un chien ne fonctionnera pas avec un autre. Il faut s’adapter et se remettre régulièrement en question. »
« Il faut être très humble dans l’éducation, s’adapter et se remettre régulièrement en question »
L’adjudant-chef a emmené Stay au marché, en ville, lui a fait parcourir tous les bâtiments du site de la DGA, l’a mis en contact avec des véhicules, « pour voir où étaient ses limites ». Les introductions sont faites et réussies avec le premier chien du maître canin, Nashua, un Malinois plus âgé, spécialisé dans la recherche d’explosifs, confié à la gendarmerie par ses anciens propriétaires qui ne pouvaient plus s’occuper d’elle.
Au fil des jours, les phases de jeu et de recherche se succèdent. Dans chaque pièce, dans tous les petits moments de la vie. « Plus on se mettait au travail, plus ça lui plaisait », se souvient le gendarme. Stay progresse aussi vite qu’elle s’attache à son nouveau maître. Il ne fait plus aucun doute qu’elle ne reviendra pas à la SPA.
« Plus on se mettait au travail, plus ça lui plaisait »
« J’ai fait une adoption à mon nom et j’ai commencé à dresser le chien », poursuit le militaire. Une fois qu’elle a eu des bases assez solides, je l’ai présentée au Centre d’éducation canine de la Police Nationale, à Gramat (46), pour obtenir son accord afin qu’elle puisse entrer en formation. »
Accord obtenu. En l’espace d’un mois et demi, l’ancien chien des rues est devenu chien policier. L’adjudant-chef doit faire don de la Malinoise à la gendarmerie, pour qu’elle puisse pleinement embrasser sa carrière. Après un stage de deux semaines, en octobre 2022, à Gramat chez son master, sa formation est validée. « Depuis, elle travaille avec nous sur le chantier de la DGA. »
« Un couple inséparable »
Ses missions dépassent cependant le cadre du site de Biscarrosse. « Le chien est avant tout un policier », souligne le capitaine Philippe, commandant de la brigade de gendarmerie d’armement. Même s’il travaille au profit de la DGA, il peut renforcer d’autres unités de gendarmerie auprès de son maître. Toujours. C’est un couple indissociable. » Stay est ainsi amenée à mettre le nez dans des rave parties, des perquisitions diverses et même des contrôles routiers.
A 3 ans, le Malinois n’a pas encore acquis tous ses galons. «On considère qu’un chien est au sommet de sa carrière à 6 ans», poursuit l’adjudant-chef Frédéric. Mais il apprend toute sa vie. Il faut le stimuler. Nous travaillons sur la recherche de matériaux, sur la complexité des caches, sur les quantités. On arrive toujours à trouver de quoi le surprendre. »
Quant à l’âge de la retraite, pour les chiens aussi, il peut être repoussé. « Les chiens peuvent être réformés à partir de 8 ans, mais nous pouvons les garder jusqu’à 10 ans. C’est le vétérinaire militaire qui en décide. Tant qu’il a des ressources et qu’il les veut, il n’y a aucune raison de le mettre à la retraite. »
Récemment, Stay est revenue au SPA de Saint-Pierre-du-Mont, aux côtés de son maître et de l’équipe canine. « Nous faisions fabriquer des badges que nous vendions à des collègues et des collectionneurs. Nous sommes allés donner la recette pour une centaine d’euros et du matériel à la SPA, ce qui nous a permis de donner des nouvelles du chien”, explique l’adjudant-chef. Et cette fois, Stay n’est pas resté.
Chien policier : un recrutement varié
Près de 300 chiens sont testés chaque année en vue d’intégrer la gendarmerie, mais seulement une centaine sont sélectionnés pour être dressés au Centre national de dressage de la gendarmerie à Gramat. Dans un premier temps, les chiens proviennent soit de particuliers souhaitant se séparer de leur animal, soit d’éleveurs. La SPA s’ajoute aux canaux de recrutement habituels. La gendarmerie a signé une convention avec l’association, permettant à certains chiens abandonnés de poursuivre une carrière militaire.
Côté races, on retrouve 90% du Malinois, « couteau suisse du maître chien » de par son endurance, son caractère joueur proche de son maître, et ses capacités de croisement. Les bergers allemands et d’autres races comme le springer diversifient les grades militaires.