[Une prof en France] La réforme de la réforme : usine à gaz en perspective

[Une prof en France] La réforme de la réforme : usine à gaz en perspective
[Une prof en France] La réforme de la réforme : usine à gaz en perspective

Il faut que je vous dise! Cette semaine, une après-midi d’entraînement nous a été imposée. Formation pour parler de la réforme, dont les contours sont si bien définis qu’on vient de nous demander d’en inventer le contenu… Un inspecteur dirigeait (comme on dit aujourd’hui) la réunion. C’était un personnage d’une histoire. Reine des Neiges. Pas l’adolescent pré-pubère de Disney, non. Le vrai, celui de l’histoire, le mauvais : cheveux bleu-argenté, visage d’une beauté statue, regard d’acier. La voix aiguë et faussement mielleuse ne pouvait faire oublier la dure détermination de ses yeux glacés. Elle a donc essayé, pendant une heure, de nous faire prendre des poires pour des carottes et des vessies pour des lanternes. Personne n’a été dupe, hormis quelques collègues qui ont été complètement déraillés par la propagande active dont nous faisions l’objet. Pour d’autres, la logorrhée du ministère ne parvient pas à effacer la réalité qu’ils voient quotidiennement sous leurs yeux. Nous ne savons pas où nous allons ni si cela peut fonctionner, mais nous y allons certainement. Les fameux groupes de niveaux, que les Français avaient pris pour classes de niveaux, sont devenus des groupes de besoins, construits autour de compétences. Personne ne sait plus exactement de quoi nous parlons.

Je vous épargne le détail. La conclusion est que nous modifions la structure globale des classes de 6e et 5e, « nous repensons en profondeur l’acte d’enseigner », comme dit madame, en fabriquant une véritable usine à gaz sur le plan logistique, pour aboutir à… rien, car en pratique, ce qu’ils proposent est infaisable en l’état et sera juste contourné par à peu près tous les établissements ayant encore un peu de personnel sensé. On ne gagne qu’une petite réduction d’effectifs, puisqu’on crée un groupe de plus qu’il n’y a de classes, pour le français et les mathématiques. Chez nous, il y en a 25 par classe. Ils passeront à 20 en français et en mathématiques. Et c’est à peu près tout.

Même les diapositives de l’inspecteur étaient approximatives…

Mais nous avons déjà eu 12 heures de réunions pour cela. L’inspecteur a livré des mensonges et des contrevérités, des affirmations dogmatiques et des approximations douteuses avec un sang-froid admirable. Même ses diapositives étaient approximatives : fautes d’orthographe, phrases inachevées, mots manquants… Quel manque de respect quand on se présente comme un IPR (inspecteur pédagogique régional) des lettres et référent du collège à l’académie devant tout le personnel d’un établissement. . Au moins, nous pouvons nous relire, si nous n’avons pas quelque chose de précis à dire. Les recommandations ? Fini les manuels, fini les cours formatifs, on guide trop les étudiants, il va donc falloir les laisser tout faire seuls et juste rester en encadrement, et, en français, il faudra consacrer un trimestre entier exclusivement à la pratique orale. Conclusion : un gâchis sans nom, des contenus flous, des méthodes toujours plus inductives même si l’on prétend promouvoir des méthodes explicites, des « programmes entièrement remaniés » dans lesquels beaucoup de choses sont supprimées pour laisser place au « travail des compétences psychosociales » et à une attention exclusive. versée aux étudiants les plus en difficulté. Des autres, pas un mot. Ils semblent n’exister que pour stimuler les plus faibles et éventuellement les encadrer. Après avoir déconstruit les héros en nous montrant leurs doutes et leurs défauts au cinéma, on déconstruit le bon élève, dont on se demande ce qu’il fait là et pourquoi il aurait la présomption d’attendre qu’on lui enseigne…

J’ai évoqué la question de la sélection, qui était au cœur de la première version de la réforme, en rappelant à l’inspecteur que certains d’entre nous n’y étaient pas idéologiquement défavorables. Sa réponse ? « La sélection est une idée nauséabonde, et elle est incompatible avec les valeurs de la République. A l’Ecole de la République, on ne tire pas sur les élèves, donc on ne les sélectionne pas… » J’ai hésité à rétorquer qu’à l’époque Polytechnique, l’ENS et les facultés de médecine étaient antirépublicaines, mais comme la référence à Auschwitz était marquée, j’ai considéré que nous avions atteint le point Godwin et que la discussion était close. Les parents auront quelques surprises à la rentrée.

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